Une lettre en partie inédite de Gide sur l’Affaire

Extraite du catalogue de la vente du jeudi 28 juin à 14h, Salle des ventes Favart, 3, rue Favart 75002 Paris.

L.A.S., [Rome] 28 janvier 1898, à un ami; 4 pages in-8 (petit trou par brûlure affectant qqs lettres, bords inégaux).
Importante lettre sur l’affaire Dreyfus. Il répond à la place de Madeleine ; ils trouvent « parfaite » cette lettre de Marcellus [son beau-frère Marcel Drouin], et pas seulement parce qu’il pense comme eux. « Cette école de politique nous mûrira tous, et, quant à nous deux mon cher vieux, nos pensées (quoi que tu fasses) se comprennent trop bien, pour que de nos discussions futures ne sorte pas quelque profit, pour l’un comme pour l’autre – ou bien ce serait à la grande honte de nous deux. […] Ce qu’il y a de dégoûtant, je le sais bien, c’est qu’ils s’en fichent pas mal, de l’innocence de Dreyfus (comme vous de sa culpabilité, d’ailleurs). Ces beaux noms de justice, d’humanité, etc. abritent les plus violentes factions, et pour 3 ou quatre honnêtes esprits dont on profite, une troupe de voleurs marche je le sais derrière eux. Ne crois pas, ni Valéry, que je sois là suiveur ou dupe. – Si la France est vraiment en danger on ne saura se tenir trop ferme et je pense bien que tu n’as jamais douté du dévouement latent qui se trouvait en Drouin ou en moi. – Mais, cher ami – une fois le danger passé, (et seulement alors) nous pourrons peut-être causer, – nous demander si l’on ne peut concevoir un gouvernement républicain qu’arbitraire et si ce qu’on respecte enfin dans une république, ce devant quoi l’on s’incline, ce sont des hommes ou des lois. – Le sentiment de la loi violée, non plus par un homme souverain, mais par un groupe d’hommes – le sentiment de la loi violée est abominable: crois bien que cela seul a soulevé nos passions… » Le danger passé, ils pourront théoriser à loisir, mais en attendant il ne s’agit pas de chercher à montrer que l’on a des sentiments admirables, mais de chercher à avoir les sentiments les plus utiles à une patrie qui souffre et que beaucoup « travaillent à disloquer »… Il l’embrasse, et ajoute: « Songe que je suis loin et donc facile à accabler devant Valéry ou ton frère Louis. Tu vois tout ce que je veux dire »…
Il s’agit en fait d’une lettre à Rouart, incomplètement publiée (et donc ici complétée en partie) dans le volume de leur correspondance (Correspondance I. 1893-1901, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2006, p. 452). Page reproduite ici.

 

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