Wikipédia en délire : Drumont et le sionisme

Lu sur la notice « Sionisme » de Wikipedia ce début de paragraphe hallucinant visant à expliquer que « tous les antisémites historiques n’ont cependant pas été antisionistes » :

Édouard Drumont, fondateur d’une ligue nationale antisémitique de France en 1890, s’enthousiasme pour le livre de Herzl, L’État juif, et participe au premier congrès sioniste de Bâle en 1897.

« S’enthousiasme », « participe »… Drumont ne s’enthousiasma pour rien du tout… Il rendit compte de la publication en revue du texte d’Herzl pour dire que ce qu’il venait de lire confirmait ce qu’il avait toujours dit, à savoir que les juifs « constituent une race » et, s’il ne s’enthousiasma pas, il vit avec un certain plaisir le projet qu’un juif pouvait proposer à ses coreligionnaires de quitter la France (« Une solution de la question juive », La Libre Parole, 16 janvier 1897) : « Les juifs font leur bonheur en faisant le nôtre » (« Le congrès de Bâle. Le sionisme », La Libre Parole, 30 août 1897). Mais surtout, ce que Drumont aimait en Herzl, dans la lecture qu’il avait pu en faire, était avant tout – pure instrumentalisation – une expression, celle de « légitime défense » qu’il avait employée pour qualifier l’attitude de certains antisémites. C’est ainsi qu’il notait :

Pour aujourd’hui nous ayons simplement voulu montrer une fois de plus combien les idées qui excitent encore les quolibets et les haussements d’épaules de certains plaisantins retardataires, préoccupent les penseurs sérieux d’Israël qui, en réalité, sont, comme je l’ai dit, d’accord avec nous sur les points essentiels. Ils ne voient pas en nous des énergumènes, des maniaques, des êtres barbares et sans cœur, mais des citoyens qui usent du droit de légitime défense. Le mot est en toutes lettres dans le docteur Herzl. L’Antisémitisme est pour chaque pays une question exclusivement nationale, une question économique et sociale, une question de légitime défense. Nous n’avons jamais dit autre chose. (« Une solution de la question juive », La Libre Parole, 16 janvier 1897)

Drumont ne « participa » pas au premier congrès de Bâle. À quel titre y aurait-il participé ? Un « correspondant particulier » le couvrit pour son journal – comme ce fut le cas pour tous les journaux – et c’est tout ! Ce n’est pas autre chose que ce que dit Grégoire Kauffmann dans son Drumont (Perrin, 2008, p. 318), référence pour le moins abusive donnée en note dans la notice Wikipédia pour justifier cette « participation »… Et Drumont et ses amis furent tellement enthousiastes, que l’année suivante, au paroxysme de l’Affaire, c’est en ces termes que Jean Froissard parlait du deuxième congrès dans La Libre Parole : 

Il a une bonne presse, ce congrès. Des journaux graves lui consacrent des colonnes, le protestantisme et le Judaïsme s’unissent dans une touchante communauté pour célébrer Herzl et Mandelstam, et dans la salle du casino de la ville de Bâle, Jéhovah est Dieu et Bernard Lazarre [sic] est son prophète. C’est tout juste si le portrait de Dreyfus ne figure pas à la place consacrée au Christ dans les congrès chrétiens.
En réalité, ce congrès sioniste est tout simplement un des épisodes de la campagne en faveur de Dreyfus dont les étrangers, soutenus par quelques Français oublieux de leur patrie et de leur devoir, nous infligent depuis un an et demi l’abominable spectacle.
Nous les retrouvons là, les Max Nordau, les Bernard Lazare, et tutti quanti, les avocats du traître ; sous prétexte de Sionisme, on acclame Zola, Trarieux et Scheurer-Kestner, et dans les intervalles des séances publiques, la presse juive et judaïsante, dont les correspondants pullulent, prépare ses nouvelles campagnes antifrançaises dont nous verrons bientôt les effets.

Il se glisse vraiment de curieuses choses sur Wikipédia…

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