Trois documents doivent passer en vente dans quelques jours à New-York : une lettre d’Esterhazy en marge du procès de Rennes, le manuscrit de la Lettre à la France de Zola et une lettre qui semble bien inédite de Dreyfus à Chautemps du 14 février 1895… une dernière lettre dont la provenance (comme pour une autre très récemment : voir ici) est pour le moins curieuse dans la mesure où elle devrait être aujourd’hui aux ANOM.
Voici le fac-simile de cette lettre :
14 février 1895
Monsieur le Ministre,
J’ai été condamné pour le crime le plus infâme qu’un soldat puisse commettre et je suis innocent.
La seule grâce que j’ai sollicitée et que je sollicite encore c’est justice. Je demande qu’on poursuive les recherches pour démasquer le monstre qui est doublement criminel : traître à son pays et qui a fait retomber son horrible crime sur un innocent.
Avant de partir, je vous supplie de m’envoyer directement dans un lieu d’exil sans passer par de nouveaux dépôts de condamnés. À chaque nouvelle figure que je vois, j’éprouve un coup de poignard au cœur, car je pressens ses sentiments justifiés pour l’être que je représente et que je ne suis pas. Ce sentiment, je le comprends d’autant plus, que je l’éprouverais plus vivement encore.
En attendant que les recherches aient abouti – et ma conviction est qu’elles aboutiront, car dans un pays comme la France, imbu des nobles idées de justice et de vérité, un innocent ne peut payer indéfiniment pour un coupable – envoyez-moi dans n’importe quelle île déserte, mais épargnez à un innocent qui souffre le martyre, l’horrible torture morale de se voir méprisé. Je ne le mérite pas.
N’importe quel cachot, Monsieur le Ministre, mais épargnez-moi la vue de tout être humain qui doit avoir pour moi le mépris justifié qu’on doit avoir pour un traître, c-à-d pour le dernier des misérables, car ce traître je ne le suis pas.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’assurance de ma haute considération.
A Dreyfus
Plus de détail su cette vente : ici.