Les 8 et 9 novembre avait lieu la seconde vente de la collection Pierre Bergé. Un lot concernait l’affaire :
[ZOLA, Émile.] L’Affaire Dreyfus. Le Procès Zola devant la Cour d’Assises de la Seine et la Cour de Cassation (7 février-23 février – 31 mars-2 avril 1898). Compte-rendu sténographique “in-extenso” et documents annexes. Paris, aux bureaux du Siècle, P.-V. Stock, 1898.
2 volumes in-8 (222 x 145 mm) de (2) ff., 551 pp. ; (2) ff., 546 pp., 6 planches repliées hors texte : demi-chagrin vert, dos à nerfs, non rogné, couvertures conservées (reliure de l’époque).
Edition originale ; exemplaire sur papier de Hollande réservé à l’auteur (tirage non mentionné).
Le premier tome s’ouvre sur J’accuse, la lettre-manifeste au président Félix Faure parue dans L’Aurore le 13 janvier 1898 qui valut à Zola d’être poursuivi, comme il l’espérait, devant la cour d’Assises.
Les volumes contiennent le détail des quinze audiences, du 7 au 23 février 1898 et le jugement du premier procès Zola, puis l’ensemble de la procédure devant la cour de cassation du 31 mars au 2 avril 1898, ainsi que des documents annexes.
Envoi autographe signé d’Émile Zola à Ludovic Trarieux.
La provenance est remarquable : avocat puis sénateur, Ludovic Trarieux (1840-1904) fut garde des Sceaux de janvier à novembre 1895. Dreyfusard convaincu, il ne cessa de se battre pour faire triompher la justice. C’est au cours du procès Zola, où il fut un témoin essentiel de la défense, qu’il eut l’idée de fonder la Ligue française pour la Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen (février 1898), dont il devint le premier président.
Les volumes sont enrichis des pièces suivantes :
• une photographie originale de Zola en buste, par Carjat,
• une carte de visite, avec note manuscrite, au nom d’Alfred Dreyfus, • une lettre autographe signée d’Émile Zola (1 f.) en date du 11 juillet 1898, adressée de Médan à Ernest Vaughan, directeur de l’Aurore, à propos d’un article à paraître : “Faites-le composer ce soir même et envoyez tout de suite, en même temps qu’à moi, des épreuves à Labori […]. Je vais attendre de savoir si Labori n’a aucune observation à me faire et je vous renverrai mes épreuves corrigées […].” Fernand Labori fut l’avocat de Mme Dreyfus, de Zola en 1898, et d’Alfred Dreyfus au procès de Rennes en 1899 ;
• une lettre non signée adressée à Mme Dreyfus (1 f. de deuil) : “La victoire doit être d’abord achevée.”
• une photographie originale du colonel Picquart en uniforme des chasseurs d’Afrique. Chef du contre-espionnage, Picquart mit à jour la trahison d’Esterhazy. Sourde à ses conclusions,
la hiérarchie militaire le muta d’abord en Tunisie. En 1898, il fut emprisonné pour avoir divulgué les informations dont il disposait sur l’innocence de Dreyfus ;
• une carte de visite, avec note manuscrite, au nom de “M. & Mme Alfred Dreyfus” ;
• une photographie originale du capitaine Dreyfus accompagné d’un officier, au pied de l’escalier de l’Ecole militaire, peu avant sa dégradation publique (5 janvier 1895) [sic : il s’agit bien sûr du procès de Rennes – note de PO] ;
• une lettre autographe paraphée d’Émile Zola (2 ff.) en date du 18 octobre 1898, adressée depuis l’Angleterre (où il avait dû s’exiler pour échapper à la prison) au directeur de l’Aurore :
“Je viens d’organiser ma vie nouvelle le mieux possible. Je souhaite que ce soit la dernière étape et que je puisse partir d’ici bientôt pour rentrer en France […] nous traversons un moment affreux […]. Tout cela s’oubliera, se noiera dans la victoire, si nous l’emportons […] Je me porte bien, je vais me remettre au travail” ;
• une lettre autographe signée de Jaurès (2 ff.), avec enveloppe, adressée à M. Rouanet député à Céret, concernant un article à paraître sur Le socialisme et l’affaire Dreyfus ;
• une lettre autographe signée (2 ff.) adressée de Montpellier à Mme Dreyfus, le 6 juin 1899, par son cousin : “… espérons pourtant que notre pays saura rendre définitive et durable la faillite du libre mensonge.”
Le collectionneur a joint un volume, “La Vérité en marche”, et quatre plaquettes, formant la série complète des brochures de Zola relatives à l’Affaire.
Les quatre plaquettes ont été reliées à l’époque dans un volume in-12 en demi-percaline, couvertures conservées. Le recueil provient de la bibliothèque Eugène Richtenberger, avec ex-libris.
• ZOLA. La Vérité en marche. Paris, E. Fasquelle, 1901. In-12 (186 x 117 mm) broché, non rogné.
Édition originale : un des 10 premiers exemplaires sur Japon (n° 9).
Cet ouvrage célèbre réunit plusieurs articles concernant l’affaire Dreyfus que Zola publia entre décembre 1897 et décembre 1900, dont un pour la défense de son père François, diffamé par les adversaires de l’écrivain. Dos brisé. Quelques feuillets détachés.
• ZOLA. Lettre à la jeunesse. Paris, Fasquelle, 1897.
Un appel à ces jeunes antidreyfusards qui vont “huer un homme, un vieillard, qui, après une longue vie de travail et de loyauté, s’est imaginé qu’il pouvait impunément soutenir une cause généreuse, vouloir que la lumière se fasse et qu’une erreur soit réparée, pour l’honneur même de la patrie française !” (Carteret, II, p. 497.- Clouzot, p. 281 : “Peu commun.”)
On a relié en tête le manuscrit autographe de Zola adressé aux Echos annonçant la publication de la Lettre à la jeunesse (1 feuillet).
• ZOLA. Lettre à la France. Paris, Fasquelle, 1898.
Vibrant plaidoyer : “France, c’est donc de cela encore que ton opinion est faite, du besoin du sabre, de la réaction cléricale qui te ramène plusieurs siècles en arrière, de l’ambition vorace de ceux qui te gouvernent qui te mangent et qui ne veulent pas sortir de table ! […] France, réveille-toi, songe à ta gloire. Comment est-il possible que ta bourgeoisie libérale, que ton peuple émancipé, ne voient pas, dans cette crise, à quelle aberration on les jette ?” (Carteret, II, p. 497. – Clouzot, p. 281 : “Peu commun.”)
• ZOLA. Lettre à M. Félix Faure Président de la République. Paris, Fasquelle, 1898.
Première édition en volume de J’accuse.
• GUETANT (Louis). La Jeunesse, dédié à Émile Zola. Annonay, J. Royer, 1898.
Louis Guétant, qui avait déjà stigmatisé les exactions de la France à Madagascar, renchérit sur la Lettre à la jeunesse de Zola, en dénonçant la “sélecte jeunesse” qui suit Drumont.