Sans doute avez-vous vu que Google s’est doté, depuis quelque temps, d’un formidable outil pour les gens pressés. Quand vous tapez une requête, des « Questions », dont le choix est fondé sur la récurrence des recherches, apparaissent qui permettent, rapidement, d’avoir une réponse. Le problème est que dans 99% des cas, les réponses (quand toutefois elles répondent aux questions) sont hallucinantes d’inexactitudes. Tapons « affaire Dreyfus » et voyons ce qu’on nous dit :
Quand on clique sur « Qui a dénoncé Alfred Dreyfus », première question, on peut lire ça :
Pour une meilleure lecture : « Convaincu de l’innocence de son frère, Mathieu Dreyfus décide, avec l’appui du journaliste Bernard Lazare, qui dès novembre a dénoncé dans La Justice le développement de la campagne antisémite, de prouver l’inanité des accusations portées contre Alfred. » Mais de quoi parle Google ? Tout cela n’est pas inexact mais ne répond aucunement à la question. Et je tremble en pensant aux collégiens et aux lycéens qui auront un travail à faire sur l’Affaire avec l’intention d’y consacrer une énergie pour le moins raisonnable ? Et le pire c’est qu’il n’est pas douteux que le mot signalé en gras soit le seul lu et devienne la réponse. Peut-être aussi, et ainsi, qu’Esterhazy deviendra le sauveur de Dreyfus si on lit la réponse à la question : « Qui a innocenté Dreyfus ? », réponse qui nous dit : « Mis en cause par la famille d’Alfred Dreyfus, soutenue dans cette démarche par le vice-président du Sénat Auguste Scheurer-Kestner et le député Joseph Reinach, le commandant Esterhazy est convoqué devant un conseil de guerre. Ce dernier l’innocente à l’unanimité en janvier 1898. » De même, à la question : « Comment finit Dreyfus ? », la réponse donnée est : « En janvier 1898, il est acquitté par le tribunal militaire. Cette sentence provoque l’ire des personnes défendant Dreyfus et en particulier Emile Zola qui publie un article à charge, “J’accuse”, paru dans le journal L’Aurore. » Mais comment nos collégiens vont-ils s’y retrouver dans ce formidable n’importe quoi ?
Ne sont-elles pas incroyables ces réponses qui obéissent à cette constante de ne jamais répondre à la question ? Et si ces réponses sont justes, même si elles sont à côté et parlent systématiquement d’autre chose, c’est loin d’être le cas de toutes. L’Intelligence Artificielle manquant cruellement d’intelligence, aucune sélection n’est faite sur la validité de la source et nous inflige du coup, à d’autres questions, des réponses d’une inexactitude qui donne une idée assez précise de ce que peut être l’infini quand elles ne sont pas d’une rare drôlerie. À la question : « Qu’est-ce que le Petit Bleu de l’affaire Dreyfus ? », la réponse est : « Un an après l’arrestation de Dreyfus, le capitaine Picquart déchiffre un ”petit bleu”, autrement dit un pneumatique découvert en morceaux à l’ambassade d’Allemagne, et qui aurait été envoyé à Dreyfus par l’attaché militaire. Picquart flaire l’imposture, et découvre que l’écriture n’est pas celle de l’attaché… » Oh la la ! Et, pour rire un peu, à la question : « Où se trouve le musée des horreurs ? », la réponse est : « Le musée des horreurs se situe très près de la Piazza del Popolo. Utilisez la ligne A du métro romain et sortez à la station Flaminio. De là, il ne vous reste que 600 à 700 m à parcourir avant de trouver le musée. » Un régal !
Intéressantes aussi sont les réponses quand les questions, automatiquement générées, sont stupides. Pour exemple cette question qui n’a pas lieu d’être posée puisque Dreyfus est innocent : « Quelles sont les preuves contre Dreyfus ? ». Que dit la réponse ? « Il y a contre Dreyfus trois ordres de preuves : 1 o le bordereau ; 2 o les pièces dites secrètes que M. Cavaignac a lues à la tribune le 7 juillet dernier ; 3 o les prétendus aveux faits par Dreyfus au capitaine Lebrun-Renaud. »… ou comment Google va faire de quelques collégiens des antidreyfusards sans le savoir…………………………………. L’Intelligence Artificielle est bien tout à fait artificielle mais elle est surtout très moyenne.