Pauline Peretz et Pierre Gervais ont publié sur le site La Vie des idées (lire ici) une recension du film de Polanski qui appelle quelques commentaires que nous donnons ici :
Avec leur article, « le colonel Picquart, lanceur d’alerte ou objecteur », Pauline Peretz et Pierre Gervais signent une très intéressante critique du film de Polanski[1] et se rapprochent d’un Picquart plus près de la vérité que celui que nous donne à voir le film[2]. Ils notent ainsi qu’il « agit non par défense du Juif persécuté, mais par respect de l’institution elle-même », qu’il conserva longtemps le silence, demeurant « jusqu’au bout un soldat discipliné, respectueux du secret professionnel et décidé à ne dévoiler que le minimum permettant d’innocenter Dreyfus », et rappellent que son « respect de l’institution militaire […], sa soumission au devoir d’obéissance rest[èr]ent intacts ». Ils précisent toutefois que cette soumission se fit « à une exception près : il refuse constamment d’affirmer la culpabilité de Dreyfus comme le lui demandent ses supérieurs et ses pairs. » Ainsi, développent-ils, Picquart, « en résistant à la pression et aux menaces de supérieurs, […] sape leur autorité et leur pouvoir de nuisance de manière décisive, tout en refusant de s’exclure de l’armée » et, ainsi, « est l’un des premiers à poser en devoir moral la désobéissance dans le cadre d’une grande organisation moderne, à des chefs ne respectant plus certaines valeurs fondamentales ». Refus constant d’affirmer la culpabilité de Dreyfus ainsi qu’on le lui demande, de la « cautionner », et demande qui en est à l’origine présentée comme l’« exige[nce] que cette découverte soit passée sous silence » ou comme « l’ordre d’oublier Dreyfus là où il est – l’île du Diable au large de la Guyane –, et de s’en tenir à son enquête sur Estherazy ». « Ordre », « exigence » ; « refus », « désobéissance », ce sont ces points que nous nous proposons, dans l’unique optique d’approcher au plus près le vrai Picquart et en revenant à la chronologie et aux textes, de discuter ici.
Chacun à sa manière, Billot, Boisdeffre et Gonse furent les grands criminels de l’Affaire. Le premier parce qu’« ayant à choisir entre la Justice et l’intérêt supérieur de l’État, [il] obéi[t] à l’intérêt supérieur de l’État[3] » et couvrit de son autorité les mensonges de ses subordonnés ; le second par faiblesse, laissant agit Gonse comme il l’entendait ; le dernier parce qu’il fut à la manœuvre et de toutes les manœuvres et, plus qu’Henry qui ne fut jamais que son exécuteur, accumula mensonge sur mensonge, faux sur faux, pour sauver la condamnation de 1894. Tous les trois eurent à gérer Picquart et sa terrible découverte mais le firent sans menace, sans jamais formuler la moindre exigence, sans jamais énoncer le moindre ordre réel, sans jamais exiger qu’il proclamât une culpabilité à laquelle il ne croyait pas. Ce qu’ils attendaient de lui fut qu’il passât à autre chose parce qu’il devait comprendre qu’aller jusqu’au bout de ce qu’il avait découvert – et le révéler – était compromettre quelques généraux, l’État-major et à travers eux l’armée. Ce qu’ils attendaient de lui fut qu’il n’oubliât pas qu’il portait l’uniforme et que ses « sentiments humanitaires », « trop vifs », devaient céder le pas devant « les destinées de la Patrie » sur lesquelles il ne devait pas oublier « de jeter un regard »[4]. Aucune exigence, aucun ordre mais juste des incitations à oublier, des suggestions, des indications qui devaient l’amener à penser comme ses chefs : l’incitation de Gonse de ne rien dire – nous y reviendrons ; la conviction affirmée de Boisdeffre mettant en avant la « preuve » que constituait la « lettre Weiler »[5] (faux envoyé à Dreyfus qui portait à l’encre sympathique, visible à l’œil nu, un message compromettant), ou de Billot et de Gonse évoquant, au lendemain de sa fabrication, le « faux Henry »[6] ; la suggestion d’Henry de ne pas suivre l’exemple de l’officier de zouaves[7] ou, plus tard, son incitation à la réflexion[8].
Tout d’abord, il faut rappeler que Picquart ne reçut en effet jamais aucun ordre direct, explicite, parce que les manières de faire à l’État-major, où la chaîne de commandement reposait sur la dilution (voire la dissolution) de la responsabilité, étaient autres. Comme il l’expliquera lui-même à diverses reprises :
Ce n’est pas par ordre, ce n’est même pas par des indications nettes et précises qu’on nous y fait savoir ce qu’on doit faire. C’est par une incitation, par un mot lancé à propos, et alors, que dit-on ? On dit que l’officier doit être assez habile pour comprendre.[9]
La première résistance de Picquart, sa véritable objection furent ici. « Voilà généralement comment sont donnés les ordres, dans les services auxquels je fais allusion et voilà comment il faudrait qu’ils ne se donnent plus.[10] » La chose peut paraître dérisoire, une argutie même, et n’est pourtant pas sans importance. Car si Picquart ne comprit pas – ou ne voulut pas comprendre – ce « que parler veut dire[11] », c’est parce que rien de clair ne lui avait été dit et qu’ainsi jamais ses chefs ne lui ordonnèrent – ou simplement lui dirent – de « [s]’arrêter ». Car si l’ordre lui avait été donné de renoncer à son enquête, Picquart aurait obéi :
[…] je n’avais pas l’opposition absolue de mes chefs ; je sentais que je n’étais pas en communion d’idées complètes avec eux, mais ils ne me disaient pas de m’arrêter ; sans cela, j’aurais rempli mon devoir d’officier, je me serais arrêté. Je ne sais pas trop ce que j’aurais fait après…, mais je me serais arrêté.
[…] si on m’avait donné l’ordre de cesser, j’aurais cessé ; je sentais simplement que ce n’était pas très agréable ; j’ai continué tout de même parce que j’ai pensé que c’était mon devoir ; je n’aurais cessé que sur un ordre formel… Je le répète, je ne sais pas ce que j’aurais fait ensuite, mais j’aurais cessé.[12]
Et quant à l’ordre, il ne porta jamais que sur le fait de « séparer les deux affaires ou de ne pas mêler les deux affaires[13] ». Un ordre ahurissant, idiot (le bordereau étant de l’écriture d’Esterhazy il était difficile de continuer à soutenir qu’il fût de celle de Dreyfus), mais que Picquart ne refusa pas et auquel, au contraire, et parce que la discipline l’exigeait, il se conforma :
Respectueux des ordres du général Gonse, j’ai suivi la voie qu’il m’a tracée, et continué à m’occuper d’Esterhazy, mais d’Esterhazy seulement[14].
Il s’y conforma mais sans comprendre alors exactement « ce que parler veut dire ». Car s’il ne s’occupait que d’Esterhazy comme on le lui demandait, s’il ne s’occupait plus de Dreyfus, il ne comprit pas que cette demande put être autre chose que stupide et n’était au final que celle d’oublier définitivement Dreyfus. Mais comment l’aurait-il pu puisque son chef semblait au contraire « partager [s]a conviction[15] » ? « Mais alors, on se serait trompé[16] », s’était-il exclamé la première fois qu’ensemble ils avaient abordé la question et, dans la correspondance qui avait suivi, après donc la demande de séparer les deux affaires, Gonse, l’avait « encouragé[17] » à continuer son enquête et à nourrir son dossier, « seul moyen de marcher sûrement[18] ». Comment aurait-il pu comprendre puisque c’est en supérieur amical et bienveillant, en véritable allié, que Gonse – et même s’il y avait là manœuvre de sa part – se positionnait ?
Je crois bien qu’il est nécessaire d’agir avec une extrême circonspection. – au point où vous en êtes de votre enquête, il ne s’agit pas, bien entendu, d’éviter la lumière ; mais il faut savoir comment on doit s’y prendre pour arriver à la manifestation de la vérité.
Ceci dit, il faut éviter toute fausse manœuvre et surtout se garder des démarches irréparables. – Le nécessaire est, il me semble d’arriver en silence et dans l’ordre d’idées que je vous ai indiqué, à une certitude aussi complète que possible, avant de rien compromettre.
Je sais bien que le problème à résoudre est difficile, qu’il peut être plein d’imprévu ; mais c’est précisément pour cette raison qu’il faut marcher avec prudence. – cette vertu ne vous manque pas ; je suis donc tranquille.
ongez que les difficultés sont grandes et qu’une bonne tactique, pesant à l’avance toutes les éventualités, est indispensable.
J’ai l’occasion d’écrire au Gal [de Boisdeffre] ; je lui en touche deux mots dans le sens de cette présente lettre.[19]
Picquart, loin de se sentir en butte à l’opposition de ses chefs, se sentait au contraire compris et soutenu. Et le 14 septembre, après la parution de l’article de L’Éclair qui racontait comment Dreyfus avait été condamné, quand il avait écrit à son chef pour le mettre en garde contre le danger qu’il y aurait à ne pas agir immédiatement – s’ils ne voulaient pas être « débordés, enfermés dans une situation inextricable » dans laquelle ils n’auraient plus « les moyens ni de nous défendre ni d’établir la vérité vraie » –, il ne doutait pas de son soutien et semblait même croire que ses conseils seraient suivis. À la fin de sa lettre, il lui avait ainsi indiqué où il pourrait trouver le dossier qu’il avait constitué s’il en avait « besoin », dossier enfermé dans une serviette scellée, serviette que Lauth, qui pas plus que quiconque « ne sait du reste l’affaire », pourrait lui remettre à sa demande[20]…
Ce que Picquart ne comprit pas, il le comprendra le lendemain, 15 septembre, quand il verra Gonse et que le général lui fera sa célèbre sortie : « Mais enfin, qu’est-ce que cela vous fait que ce juif soit à l’île du Diable ». Mais encore une fois, ni demande d’une affirmation de la culpabilité de Dreyfus ni exigence de son silence. Gonse lui avait juste indiqué la marche à suivre (« Mais si vous ne dites rien on n’en saura rien ») et, devant sa réaction (« Mon gl, c’est abominable »), s’était contenté de s’assurer qu’il ne parlerait pas : « Mais vous ne direz rien je pense… ? » Et Picquart, officier toujours soucieux de la discipline, s’était montré rassurant : « C’est-à-dire… non je ne dirai rien maintenant je ne le puis pas, mais je vous garantis que je n’emporterai pas ce secret dans ma tombe. »[21]. C’est à partir de ce moment que Picquart eut le sentiment d’une « hostilité déguisée » dans tous les actes de Gonse. Mais toujours pas de menaces, de pression, d’ordres, Gonse conservant « vis-à-vis de [lui] la même attitude que par le passé »[22]. Et du côté de Picquart, pas de refus, pas de dissidence. Il venait de comprendre, comme il l’écrira, « ce qu’on attendait de [lui][23] », à savoir « qu’il n’y avait plus lieu de s’occuper de Dreyfus[24] ». Il avait parfaitement compris le message et s’y conformerait encore puisque la discipline l’exigeait. À Rennes, il l’expliquera, disant qu’il avait alors jugé
qu’il n’y avait rien à faire pour le moment, parce que si mes chefs ne me disaient pas de cesser, ils ne me disaient pas non plus de continuer.[25]
Mais « s’il n’y avait rien à faire pour le moment » concernant Dreyfus, demeurait l’ordre concernant Esterhazy. Dans sa lettre précédemment évoquée, du 7 septembre, Gonse avait indiqué à son chef des renseignements la marche à suivre[26]. « Par acquit de conscience et pour obéir[27] », « pour donner satisfaction aux ordres que m’avait donnés le général Gonse[28] », il enquêta alors sur le seul Esterhazy en suivant scrupuleusement les directives de son chef. De même, pour ne pas contrevenir aux ordres de Gonse, il n’avait parlé au ministre qu’il voyait quotidiennement que de son « enquête contre Esterhazy » et n’avait « pas cru devoir lui parler de l’innocence de Dreyfus ». Quand il le fera – et uniquement parce qu’il n’était plus possible de le laisser indéfiniment dans l’ignorance –, il en demandera préalablement l’autorisation à Boisdeffre avec dans l’idée – nous indiquant bien que malgré sa discussion avec Gonse, il ne perdait pas complètement espoir en ses chefs… ou en tout cas en Boisdeffre –, « qu’il était plus convenable que le Gal de Boisdeffre se chargeât lui-même de la communication »[29].
Et si Picquart revint rapidement à Dreyfus, ce ne fut plus pour tenter de faire agir ses chefs mais parce que l’actualité l’y forçait. Et il le fera en scrupuleux chef de la Section de statistique. Le 22 septembre, il signa ainsi deux notes : une première pour demander à Gonse de faire poursuivre L’Éclair après son article du 14 septembre et une seconde pour donner son sentiment sur la lettre Weiler[30]. Et dans les derniers jours de septembre (ou au début d’octobre), après avoir reçu les résultats de l’enquête qu’il avait demandée à Guénée pour connaître les journaux qui allaient intervenir en faveur Dreyfus et qu’il fallait donc faire surveiller[31], il proposa au général de Boisdeffre de faire acheter – pour qu’il ne parût pas – l’article qui s’interrogeait sur la culpabilité de Dreyfus que Possien, du Jour, avait annoncé pour paraître. Picquart avait alors envoyé un de ses policiers, Tomps, pour mener la transaction :
L’article a été payé 300 francs ; je ne sais pas quel prétexte on lui a donné, mais l’article nous a été remis et n’a pas paru.[32]
Mais s’il était tout à son rôle de chef du service des renseignements, s’il œuvrait même pour limiter la campagne en cours, Picquart était d’ores et déjà perdu. Certes parce qu’il avait parlé à Henry de sa conscience[33], certes parce que planait, menaçante, l’annonce faite à Gonse qu’il n’emporterait pas ce secret dans sa tombe et qu’il parlerait assurément le jour où il serait libéré du poids de la discipline (« non je ne dirai rien maintenant je ne le puis pas »), mais surtout parce que pour ses supérieurs, pour ses subordonnés, il était celui qui renseignait la presse et la famille Dreyfus. Quelle formidable coïncidence que celle qui faisait qu’au moment précis où il avait alerté ses chefs commençait la campagne. Gonse le dira à Rennes :
À l’époque où j’ai eu connaissance de ces articles, j’en fus très ému et je les avais attribués à Picquart ou à son entourage.[34]
Souvenir de circonstance ? Peut-être. Mais quoi qu’il en soit, pour ces motifs[35], Gonse mit alors sa démission dans la balance : « J’ai dit au ministre : il faut choisir entre le chef du service des renseignements et moi[36] »… Ce n’est pas parce qu’il en savait trop et qu’il représentait une menace qu’il fallait l’éloigner (si telle avait été la raison, la prudence eût exigé de le garder sous la main) mais bien pour lui donner une leçon[37] et surtout pour l’empêcher de contaminer le très indécis ministre Billot[38]. Officiellement, il partirait pour organiser les renseignements dans l’Est mais il savait très bien que la véritable raison, Boisdeffre la lui avait dite aux derniers jours d’octobre quand il lui avait annoncé « qu’il serait bon qu[’il] all[ât] bientôt voir diverses choses dans l’Est », est que ses chefs considéraient qu’il avait « manqué de pondération dans la question Dreyfus-Esterhazy »[39]. Mais encore une fois ni pression, ni menaces – son départ était bel et bien décidé –, ni même une tentative de le faire changer d’avis et moins encore de lui faire affirmer la culpabilité du condamné.
En novembre – son ordre de mission de fin octobre repoussé d’une quinzaine à la demande de Boisdeffre –, Picquart continua à faire son travail consciencieusement, sans plus se préoccuper de Dreyfus, et s’il revint encore à l’Affaire, ce fut toujours pour les mêmes raisons et toujours en chef des renseignements. Après la publication du premier mémoire en défense de Lazare et la publication par Le Matin du fac-similé du bordereau, il rédigea huit nouvelles notes et en transmit une : le 4 ou 5 (note de Guénée ou de Tomps), sur Adolphe Possien ; le 6, deux notes : une sur le député Castelin qui avait annoncé une interpellation sur l’Affaire et une sur l’expert Teyssonnières ; le 11, une note sur Bertillon, à ses yeux responsable de la transmission du bordereau au Matin ; le 12, quatre notes : une sur Bertillon sur le même sujet ; une analyse de la brochure de Bernard Lazare, analyse qui essayait de déterminer d’où pouvaient provenir les fuites ; une note sur la campagne qui s’ouvrait dans le Frankfurter Zeitung et dans le Berliner Tageblatt[40] ; une dernière sur Castelin ; le 15, veille de son départ, une dernière – après l’arrivée au ministère d’une curieuse lettre signée « Pierre » qui avait été adressée à un ami d’Esterhazy pour le prévenir que tous deux allaient être dénoncés par Castelin comme complices dans l’affaire Dreyfus –, sur la famille Dreyfus – responsable à ses yeux de la manœuvre – et de la manière dont elle avait été mise sur la trace d’Esterhazy[41]. Dans la première note, dans celle sur Lazare et dans la dernière, Picquart livrait à ses chefs le nom du commandant Forzinetti, directeur du Cherche-Midi, convaincu de l’innocence du capitaine et informateur des Dreyfus et de la presse… une information que les hommes de l’État-major transmettront à la presse, que la presse publiera[42], obligeant Forzinetti à demander le 22 novembre d’être relevé de ses fonctions[43], demande que le ministre de la Guerre refusera.
C’est à ce moment précis que commença, en secret, la constitution du « dossier Picquart ». Premières munitions s’il parlait un jour ? Initiative d’Henry ou montage d’Henry et de Gonse par peur que cette prolongation à la demande de Boisdeffre ne s’éternise et que le chef d’État-major et le ministre ne reviennent sur la décision prise de se débarrasser de lui ? Nous ne le saurons jamais et ne pouvons que risquer des hypothèses[44]. Mais quoi qu’il en soit, aux derniers jours d’octobre, Henry, sur la base d’un rapport de Guénée qui affirmait que Picquart avait fait part de ses doutes à un ami[45], surenchérissait et confiait à Gonse que le chef de la Section de statistique avait montré le dossier secret à l’ami en question[46]. C’est à la suite de la lecture de ces rapports que Gonse vint récupérer le dossier secret dans le bureau de Picquart. Et c’est ainsi que s’expliquait, selon eux, que Lazare pût être aussi bien renseigné. Le 10 novembre, Gonse rédigeait ainsi une note sur la brochure de Lazare dans laquelle il faisait un simple constat :
Comment se fait-il que, pendant près de deux ans aucune indiscrétion n’a été commise alors que la campagne commence juste au moment où le dossier secret a été ouvert ? Les indiscrétions contenues dans la brochure sont de deux sortes : Les unes proviennent d’une personne ayant eu entre les mains le dossier de la procédure, tel serait l’avocat, qui a fait prendre copie de tout le dossier comme il semble que ce soit son droit. Les autres, et elles sont les plus grandes, ne peuvent être attribuées qu’à une personne versée dans les questions secrètes.[47]
Gonse commença alors à tenir un petit journal – pour le moins interprétatif – des faits et gestes de Picquart, à destination du ministre, journal dont, après Marcel Thomas en 1961, nous avons déjà cité quelques extraits[48] et qui mérite d’être donné in-extenso pour la première fois :
11 9bre 1896
Renseignements – Ct H[enry]… parti en permission le 27 août 1896 –
rentré _________ _ le 28 7bre 1896 –
Le Lt Cl P[icquart] avait déjà ouvert le dossier.
Le 7 7bre quand il vint voir le Gal Gonse en permission à Cormeilles-en-Parisis (note : le Lt Cl P[icquart] n’a pas voulu faire revenir le comdt H[enry] de permission pour cette opération ; le dossier était dans l’armoire du Ct H[enry]) –Le Lt Cl P[icquart] dit que la brochure de Bernard Lazare a coûté 25000f à la famille Dreyfus. –
Le 11 9bre 96 – Le Lt Cl P[icquart] a dit au Gal Gonse que l’interpellation Castelin a été remise, parce que le dit Castelin veut démontrer la culpabilité de Dreyfus et qu’il aura, à cet effet, des preuves écrasantes.
Interpellé sur les photographies qui restent encore, il a déclaré ensuite n’en avoir aucune ; il a ajouté qu’il allait s’en assurer auprès de son personnel ; il a répété n’en avoir aucune, disant que Mr Bertillon devait, au contraire, en avoir et qu’il avait bien pu s’en servir en faveur du Matin, comme il l’a indiqué dans sa note de ce jour. –Le Lt Cl P[icquart] annonce que la campagne de presse va continuer. – (Ct H[enry])
11 9bre – Le Lt Cl P[icquart] a déclaré au Gal G[onse] ne plus avoir une seule photographie – assertion fausse.
Le Lt Cl P[icquart] a déclaré à plusieurs reprises, que le bordereau n’existait pas, après différentes insistances du Gal G[onse]… cette assertion était absolument fausse puisque la copie du bordereau a été retrouvée le 11 9bre et remise au Gal G[onse].
12 9bre – Le Lt Cl P[icquart] a eu avec Mr Gri[belin] le 11 9bre au soir vers 6h, la conversation suivante :
Lt Cl [Picquart] – « Quelle est votre opinion sur la brochure ? »
Mr G[ribelin] « L’auteur est une canaille ; il en est de même de ses collaborateurs, si j’étais à la place du gouvernement je mettrais B. L[azare] en prison jusqu’à ce qu’il ait donné les noms des personnes qui lui ont fourni les renseignements ; car cette brochure contient des renseignements absolument secrets qui étaient en dépôt à la Section de St[atistique]. C’est donc très grave pour nous et on se demande comment ces documents ont pu être volés. Si l’on vous posait cette question, m[on] c[olonel] vous seriez bien embarassé [sic] pour répondre, car on ne pourrait nier que c’est d’ici que sortent les indiscrétions. »
Il a paru très ennuyé et après quelques instants de réflexion il a dit : « J’ai un rendez-vous et à mon retour je vous répondrai. » À sa rentrée au ministère soit une 1/2 heure après environ, il paraissait très mécontent et d’un ton sec, il a dit :
« C’est bien, je n’ai plus rien à vous dire. »12 9bre 1896 – Questionné pour savoir comment il avait pu supposer que la campagne devait recommencer, le Lt Cl P[icquart] répond qu’il avait, comme indice, la correspondance de Dreyfus avec sa famille ; cette correspondance laissait supposer, comme il l’a annoncé (lui Picq[art]) en 7bre dernier, que depuis longtemps la campagne se préparait activement. –
Il affirme que la campagne va continuer ; Interpellé sur le sens de cette nouvelle campagne, il dit « qu’il ne voit plus à publier que la lettre dictée à Dreyfus. »
n° 1 Le 11 9bre il fournit une première note pour faire porter sur Mr Bertillon les indiscrétions de la brochure et la publication de la photographie de la lettre-missive –
n° 2 Le 12 9bre, 2e note disant que Mr Bertillon se défend de cette indiscrétion.
n° 3 Le 12 9bre, 3e note disant, d’après Mr Marchand, que Paul Belon est en rapport avec Castelin.
n° 4 n° 5 Le 12 9bre, 4e note disant qu’une campagne commence dans la presse juive allemande au sujet de Dreyfus. – (article de la Gazette de Cologne. pièce 5)Le 11 9bre, ainsi qu’il est dit ci-dessus, (1ère page), le Lt Cl P[icquart] déclare que Castelin devait apporter des preuves écrasantes de la culpabilité de Dreyfus. Interpellé sur ce fait que cette affirmation était en contradiction avec le rapport de G[uénée] de 7bre dernier, il répond qu’il ne croit pas que ce rapport ait parlé de cette question. Il est pressé et interrogé de nouveau, il répond qu’il n’a aucune souvenance de cette particularité. Pressé de nouveau, il produit le rapport dont il s’agit en prétendant avoir oublié les termes de ce rapport[49]. –
n° 5 – (voir la note n° 5 et le rapport en copie ci-joints) –13 9bre matin – Le Lt Cl P[icquart] dit spontanément d’un ton dégagé :
« J’ai réfléchi à l’indiscrétion qui a conduit à la divulgation de la lettre “Ce C[anaille] de D… ». Beaucoup d’officiers la connaissaient, notamment le Cl Boucher, le Comdt Mercier-Milon, le Commdt Bertin. Ce dernier est allé chez le président de la Rép. après la déposition au conseil de guerre ; il a dû en parler au Président. Du reste, Bertin est un bavard. »
Demande : « cette affirmation paraît peu admissible ; il faut continuer les recherches ; vous ne pouvez pas, sans preuves, rejeter la responsabilité des indiscrétions sur des officiers. »
Réponse : « certainement ; je vais continuer les recherches, c’est bien entendu. »13 9bre au soir – Il revient encore sur la question, et ajoute à sa déclaration du Matin :
« des Bandes d’officiers savaient l’existence du dossier secret. »<
Puis il insiste en disant :
« un juge le comdt Florentin, mis à la retraite depuis le procès, avait cru qu’on lui ferait des avantages après la condamnation ; il est maintenant retiré à Paris. Ensuite, sa femme venait pendant le procès chez le concierge du conseil de guerre, pour attendre son mari et avoir des nouvelles. – Un officier de la place de Paris a dû la renvoyer.
Toutes ces affirmations successives ont pour but évident de rejeter la responsabilité des indiscrétions sur les uns et les autres.
e Lt Cl P[icquart] paraît enchanté de l’article du Journal qui met Mr Bertillon en cause (article du 13 9bre). « Pauvre Bertillon », dit-il en ricanant. –
’agitation et la préoccupation qu’il manifestait ces jours derniers fait place à une certaine sérénité et il affecte même un air assuré et narquois, qui semble vouloir dire :
« ce sont tous des imbéciles ; je les ai mis dedans ! »
L’attitude paraît vraiment singulière et confirme les appréciations du mois de 7bre.[50]
Pendant ces deux mois et demi, Picquart n’était pas entré en dissidence, n’avait rien refusé et en l’occurrence pas de dire la culpabilité de Dreyfus qui ne lui fut jamais demandé. Il s’était plié à la discipline parce qu’il était militaire et que le respect qu’il lui devait lui dictait la conduite à tenir. En revanche, il fut bien un objecteur en ce qu’il refusa le jeu auquel on voulait le faire jouer, celui de comprendre que, quand on l’encourageait à continuer, on espérait qu’il s’arrêterait. Objecteur pour cela mais surtout acteur déterminant de l’événement dans la mesure où sans lui le petit bleu n’aurait jamais été connu et où sa tentative de faire valoir la « vérité vraie » à propos de Dreyfus (plus que « sa prise de position »), et ce à partir du moment où avait été décidé son départ de la Section de statistique, provoqua, comme l’écrivent avec raison les deux auteurs, « une série de réponses aussi violentes que maladroites de l’État-major »[51].
Mais pour ne pas se tromper de Picquart, peut-être faudrait-il méditer les trois rapports dans lesquels, officier et chef des renseignements dans son rôle, il livrait à ses supérieurs le nom du commandant Forzinetti. Le combat de Picquart fut celui pour l’honneur de l’armée et s’il fallait réviser le jugement de 1894 qui avait condamné Dreyfus, c’était certes parce que Dreyfus était innocent mais surtout parce que l’armée s’était trompée. Et corriger cette erreur, parce que l’honneur l’exigeait, ne pouvait l’être à ses yeux que par l’armée. Un militaire ne pouvait le faire de son propre chef, hors et indépendamment de l’institution, et cela qu’il se nommât Forzinetti ou qu’il se nommât Picquart. C’est pour cela que Picquart ne fit rien pendant deux ans, interdit à Leblois de parler sauf pour le défendre, lui interdit de prendre contact avec la famille du déporté de l’île du Diable, interdit aux dreyfusards de faire usage de sa correspondance avec Gonse, se taira aux instruction de Pellieux[52] et Ravary et aux procès Esterhazy et Zola – dénonçant certes le faux mais tout en exonérant de leur responsabilité ceux qu’il savait en être les auteurs[53] – et ne parlera réellement qu’après le procès Zola ; c’est pour cela que pour se donner la liberté de parler il songea un temps à démissionner[54] ou, qu’après la grâce, il n’eut de cesse d’exiger de Dreyfus que sa réhabilitation ne fût pas le fait de la justice civile mais celui d’un dernier conseil de guerre. C’est ainsi que peut se comprendre que l’entrée en résistance de Picquart ne put se faire qu’à partir du moment où l’armée lui rendit sa liberté en le mettant en réforme en février 1898 et qu’il accepta alors d’assumer le rôle de héros que les dreyfusards attendaient de lui, se portant aux premières lignes d’un combat sans lequel – et en partie grâce à lui – Dreyfus serait en effet sans doute mort sur son île.
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[1] Même si nous aurions envie de relativiser sa fidélité « aux faits et aux caractères ». Voir http://affaire-dreyfus.com/2019/11/09/le-jaccuse-de-polanski-adaptation-du-d-de-robert-harris-compte-rendu/
[2] Notons toutefois, à propos de la transmission en 1894 du dossier secret à l’insu du prévenu et de sa défense, que s’il est vrai que Picquart n’est « pas la personne qui a transmis ces pièces dans une violation patente des droits de la défense », il en conseilla l’usage : « J’ai même dit au général de Boisdeffre et au ministre que je ne croyais pas la condamnation certaine, si on ne tirait pas parti des pièces qu’il était convenu de montrer secrètement » (Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, Paris, Stock, 1900, tome 1, p. 379). On peut donc bien considérer celui qui était représentant du ministre au procès comme « un des acteurs-clés de la forfaiture commise par l’armée à la fin du procès ».
[3] Selon ses propres paroles citées dans Bertin-Mourot, Mes souvenirs, BNF non encore coté, f. 19 (cité dans notre Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours, Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 440).
[4] Brouillon d’une lettre de Gonse à Picquart d’octobre 1897 citée dans Le Faux ami du capitaine Dreyfus, Paris, Grasset, 2019, p. 98.
[5] « Mémoire » inédit de Picquart à l’attention de Labori, fin juillet 1898, BNF n.a.fr. 28046(45), f. 22 et La Révision du procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, P.-V. Stock, 1899, t. I, p. 171.
[6] La Révision du procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, op. cit., t. I, p. 172-173. Voir aussi Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 450 ; La Révision du procès de Rennes. Enquête de la chambre criminelle de la Cour de cassation (5 mars 1904-19 novembre 1904), Paris, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, 1908, t. II, p. 297 ; et ses lettres au garde des sceaux du 6 et 14 septembre 1898, AN BB19 105).
[7] « Lorsque j’étais aux zouaves, il y a quelqu’un, le fils d’un colonel, qui était simple soldat et qui s’est rendu coupable de vol ; l’officier sous les ordres duquel il était a voulu le faire poursuivre ; ses chefs n’étaient pas de cet avis. C’est l’officier qui a été brisé et c’est le coupable qui est resté » (Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 447).
[8] « Ainsi que je vous l’ai dit plusieurs fois avant votre départ, je suis fixé personnellement sur toutes les histoires en question et j’ai les preuves les plus convaincantes sur ce que vous savez. Mais Je ne veux rien dire, et ne pourrai parler (ou agir si c’était nécessaire) qu’une fois en retraite, si le bon dieu me prête vie, c’est-à-dire une fois libre de mon individu, alors que je ne serai plus soumis aux règles de la discipline. / J’estime trop mes chefs et j’aime trop mon métier pour jamais déroger aux principes qui font sa force et sont sa raison d’être » (lettre du 4 décembre 1896 d’Henry à Picquart, citée dans Marcel Thomas, L’Affaire sans Dreyfus, Paris, Fayard, 1961, p. 384-385). Ce sera d’ailleurs très exactement la ligne de conduite de Picquart.
[9] Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 443. Voir aussi p. 456 et La Révision du procès de Rennes. Enquête de la chambre criminelle de la Cour de cassation (5 mars 1904-19 novembre 1904), op. cit., t. II, p. 298.
[10] Ibid., p. 444.
[11] Ainsi qu’il sera dit à Du Paty, plus tard, quand il lui sera suggéré de trouver un moyen de faire prévenir et de protéger Esterhazy. Du Paty de Clam, Carnets, 7e carnet, BNF n.a.fr., inventaire en cours, f. 71-72 (voir notre Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours, op. cit., p. 377-378) . Voir aussi sa déposition à l’occasion de la seconde révision dans La Révision du procès de Rennes. Enquête de la chambre criminelle de la Cour de cassation (5 mars 1904-19 novembre 1904), op. cit., t. I, p. 276.
[12] L’Affaire Dreyfus. Le Procès Zola devant la cour d’assises de la Seine (7 février-23 février 1898). Compte rendu sténographique « in extenso », Paris, Stock, 1998, 346-347.
[13] La Révision du procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, op. cit., t. I, p. 140 ; ibid., p. 161 ; ibid., t. II, p. 208 ; L’Instruction Fabre et les décisions judiciaires ultérieures, op. cit., t. I, p. 77 ; Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 432. Voir aussi sa lettre au garde des sceaux du 14 septembre 1898, AN BB19 105, f. 27.
[14] Ibid., t. II, p. 208.
[15] Idem.
[16] L’Instruction Fabre et les décisions judiciaires ultérieures, Paris, P.-V. stock, 1909, t. I, p. 77 ; La Révision du procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, Paris, op. cit., t. I, p. 140 et 161 ; Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 432 ; lettre au garde des sceaux du 14 septembre 1898, AN BB19 105, f. 27.
17] L’Affaire Dreyfus. Le Procès Zola devant la cour d’assises de la Seine (7 février-23 février 1898). Compte rendu sténographique « in extenso », op. cit, 346.
[18] Minute de la lettre de Gonse à Picquart du 7 7bre 1896, AN BB19 68. Publiée dans L’Instruction Fabre et les décisions judiciaires ultérieures, op. cit., t. I, p. 222 et dans Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. III, p. 262-263.
[19] Lettre de Gonse à Picquart du 10 7bre 96, AN BB19 68. Publiée dans ibid., p. 223-224 et dans ibid., p. 263-264.
[20] Lettre de Picquart à Gonse du 14 7bre 96, idem. Publiée dans ibid., p. 224-225 et dans ibid., p. 264.
[21] Mémoire inédit de Picquart cité dans note Le Faux ami du capitaine Dreyfus, op. cit., p. 61
[22] La Révision du Procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, op. cit., t. I, p. 168 ; Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 441.
[23] « Mémoire » inédit de Picquart à l’attention de Labori, fin juillet 1898, BNF n.a.fr. 28046(45), f. 18.
[24] L’Instruction Fabre et les décisions judiciaires ultérieures, op. cit., t. I, p. 78.
[25] Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 447.
« Il serait nécessaire maintenant d’être fixé sur la nature des documents. Comment ont-ils pu être copiés ? / Quelles ont été les demandes de renseignements faites auprès des tiers ? »
[27] Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 446.
[28] Ibid., p. 445.
[29] « Mémoire » inédit de Picquart à l’attention de Labori, fin juillet 1898, BNF n.a.fr. 28046(45), f. 19-20.
[30] AN BB19 94.
[31] La Révision du Procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, op. cit., t. I, p. 163.
[32] La Révision du procès de Rennes. Enquête de la chambre criminelle de la Cour de cassation (5 mars 1904-19 novembre 1904), op. cit., t. II. p. 539.
[33] Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 447-448.
[34] Déposition Gonse à l’occasion de l’instruction Tavernier [Du Paty, 1899], AN BB19 85, 15 juin 1899, f. 3.
[35] Le Procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, op. cit., t. I, p. 171-172.
[36] « Procès-verbal de la séance du Conseil d’enquête de région tenue le 1er février 1898, au fort du Mont-Valérien [affaire Picquart] » dans La Révision du procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, op. cit., t. II, p. 161.
[37] « j’ai tenu à vous soumettre à une épreuve qui doit mûrir votre jugement et le ramener à des idées plus saines et plus nettes de vos devoirs militaires » (brouillon d’une lettre de Gonse à Picquart d’octobre 1897 citée dans Le Faux ami du capitaine Dreyfus, op. cit., p. 98-99).
[38] « J’en dirai autant du général Billot qui crut pendant quelques temps à l’innocence de Dreyfus, mais qui parut complètement convaincu de sa culpabilité par le faux Henry » (lettre de Picquart au garde des sceaux du 14 septembre 1898, AN BB19 105, f. 27). Ce ne sera en revanche qu’en novembre 1897 que Billot passera du côté de « l’intérêt supérieur de l’État » (références dans la note 3).
[39] « Mémoire » inédit de Picquart à l’attention de Labori, fin juillet 1898, BNF n.a.fr. 28046(45), f. 22.
[40] Deux des importants titres de la presse libérale allemande que Picquart, en bon antisémite, qualifiait dans cette note de « juive ».
[41] AN BB19 94.
[42] Paris du 19 novembre.
[43] AN BB19 73.
[44] Nous n’avions pas envisagé cette dernière possibilité dans notre Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours (op. cit., p. 332) dont nous aurions envie aujourd’hui de reprendre quelques passages. Ne pourrait-elle expliquer pourquoi le « faux Henry », fabriqué au même moment, reprenait la conviction dont Boisdeffre avait fait part quinze jours plus tôt à Picquart et sans doute à d’autres que l’agent en relation avec Esterhazy pouvait avoir trompé son gouvernement (La Révision du procès Dreyfus. Enquête de la Cour de cassation, op. cit., t. I, p. 171 ; déposition à l’occasion de l’instruction Tavernier [Du Paty, 1899], AN BB19 85, 26 juin 1899, f. 7 et 26 juin 1899, f. 1-2) ?
[45] AN BB19 68.
[46] AN BB19 94.
[47] Idem.
[48] Dans notre Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours, op. cit.
[49] Ce même jour, Picquart écrivait à Gonse : « Vous aviez raison, mon général, il indique bien Castelin comme inféodé aux D. Mais il n’en donne pas les preuves » (AN BB19 94).
[50] AN BB19 94.<
[51] Nous ne les suivrons toutefois pas quand ils écrivent qu’il est difficile de croire à une coïncidence à propos de la révélation du dossier secret et de la publication du fac-similé du bordereau par Le Matin. L’existence du dossier secret fut bien révélée en septembre 1896 par un article de L’Éclair mais nous ne savons toujours pas aujourd’hui quel en fut l’informateur (même s’il semble probable qu’on doive cette révélation à Henry) et ce que furent ses réelles motivations, et la photographie du bordereau fut fournie au Matin par un expert de 1894 à court d’argent. C’est plutôt et très nettement le travail de Mathieu Dreyfus et sa brillante idée de faire annoncer l’évasion de son frère pour relancer l’Affaire qui fut à l’origine de ces deux révélations.
[52] La spectaculaire scène du film de Polanski au cours de laquelle Picquart refuse de continuer à parler à de Pellieux et quitte l’audience est bien loin de ce que fut la réalité.
[53] Le Faux ami du capitaine Dreyfus, op. cit., p. 118.
[54] Mémoire inédit de Picquart cité dans notre Le Faux ami du capitaine Dreyfus, op. cit., p. 73.