Dans son L’Argot et le tatouage des criminels (Neuchâtel, La Baconnière, 1962, p. 112), Jean Graven écrit : « LACASSAGNE, dans ses Archives d’anthropologie criminelle, en 1910, avait décrit le cas de cet Ancien cocher, Auguste Formain, cité devant la 8e Chambre correctionnelle, à Paris, pour coups et blessures par le Dr Rabinovitch, à la Salpêtrière : “Formain serait un inculpé quelconque si son corps ne reproduisait en 121 tatouages très artistiques les scènes de l’affaire Dreyfus. Alors qu’il était dans une compagnie de discipline, Formain a rencontré un tatoueur, égaré lui aussi dans les bataillons d’Afrique, qui a entrepris d’exécuter sur son corps une véritable oeuvre d’art… Dix-huit mois ont été nécessaires à l’artiste pour mener son travail à bonne fin… La pièce principale de ce musée épidermique occupe le dos tout entier depuis le derrière du cou, jusqu’au bas des reins : c’est la dégradation de Dreyfus » avec des allégories de toutes sortes. Au milieu de déesses multiples, la France désigne du doigt au condamné l’île lointaine du Diable. Cette pièce seule demanda à l’artiste tatoueur un travail de trois mois. Elle est telle que le major de la compagnie de discipline où se trouvait Formain a offert à celui-ci 400 fr. s’il consentait à s’en dessaisir, c’est-à-dire à se la laisser enlever du dos par un scalpel spécial et peu douloureux. Formain a refusé et à gardé sur son dos son trésor artistique.” […] LACASSAGNE concluait : “Le prévenu Formain ne peut manquer avec ses 121 scènes de l’affaire Dreyfus sur le corps, de finir dans un musée.” »
Un tatouage étonnant dont on retrouvera un écho dans l’exposition Tatoueurs, tatoués présentée au quai Branly.