Alain Pagès, qu’il n’est pas utile de présenter, vient de publier chez Perrin L’Affaire Dreyfus. Vérités et légendes. On connaît cette collection, dirigée par Emmanuel Hecht, qui, sous la forme de questions formant chapitres, propose de faire le tour d’un sujet en en débrouillant le vrai du faux. Peut-on parler de plusieurs affaires Dreyfus ? Existait-il des preuves ? Quel fut le rôle des expertises d’écriture ? « J’Accuse… ! » offre-t-il un récit complet ? Quel y fut le rôle de Clemenceau ? Zola et Picquart sont-ils des héros ? Le « Syndicat » a-t-il existé ? Qu’en est-il de la « dame voilée » ? Les socialistes furent-ils dreyfusards ? Qu’en fut-il de la presse ? L’Affaire présente-t-elle des énigmes non résolues ? Zola a-t-il été assassiné ?, etc.
Autant de questions qui permettent d’aborder l’Affaire sous divers aspects en distinguant les fantasmes de ce que fut la réalité de l’événement. Bien sûr, il n’était pas possible d’aborder toutes les questions de l’Affaire et c’est vrai qu’il eût pu être intéressant de donner 200 pages de plus à ce livre pour apporter une réponse directe à quelques fausses certitudes ou à quelques questions qui sont souvent posées – aujourd’hui essentiellement – et auxquelles des réponses approximatives, quand elles ne sont pas fausses, sont données : Le bordereau est-il un faux document ? L’Affaire fut-elle une machination dirigée contre Dreyfus ? Alfred Dreyfus fut-il « à la hauteur » de son Affaire ? De quoi était composé le dossier secret ? Pourquoi Dreyfus n’eut-il guère de défenseurs avant fin 1897 ? La notion et le mot d’« intellectuel » sont-il nés pendant l’Affaire ? La France fut-elle coupée en deux ? Quelle est la place de l’antisémitisme dans l’événement ? Les antidreyfusards étaient-ils tous antisémites ? Y a-t-il plusieurs sortes de dreyfusards ? Le secret de conception et de fabrication du canon de 75 a-t-il joué un rôle quelconque dans l’Affaire ? Esterhazy fut-il un agent double ? Henry fut-il le seul grand faussaire de l’Affaire ? Pourquoi les dreyfusards se sont-ils déchirés après la grâce du capitaine ?
Mais peu importe. Alain Pagès – et même si nous aurions un peu envie de discuter avec lui certains points (le héros Picquart, la presse, le « Syndicat » qui a existé – mais bien sûr pas comme le fantasmèrent les antisémites – sous la forme du Comité de défense contre l’antisémitisme) – donne un livre facile d’accès et d’une savoureuse lecture et qui permettra à tous d’en comprendre facilement les principaux enjeux et représentations tout en plongeant le lecteur dans l’imaginaire de l’Affaire et dans ce qu’elle a de plus romanesque.
Interview d’Alain Pagès sur RCJ : ici.