Adrien Abauzit sur Temporium Radio

Cette excellente radio recevait le 20 Adrien Abauzit. Comme toujours, nous rectifions les erreurs, approximations, inventions de l’auteur de L’Affaire Dreyfus, entre vérités et grosses ficelles.

6’50. « Vous avez repris l’intégralité des procès de cette affaire ». Non ! Adrien Abauzit n’a travaillé sur aucune des procédures non publiées et conservées dans divers centres d’archives : il ignore l’instruction Pellieux, l’ instruction Ravary, les deux instructions Tavernier, l’instruction contre de Pellieux ; et encore les procès connexes : le procès Henry-Reinach, le procès Rochefort Valcarlos, le procès des ligues, le procès en Haute-Cour, le procès Grégori. Il n’a pas travaillé sur les ouvrages parus depuis le Bredin et n’a rien vu de la presse de l’époque ou des sources archivistiques pourtant essentielles à la connaissance de l’Affaire.

8’46. L’ouvrage de Bredin… Un des plus récents… Le Bredin est un un essai historique et littéraire plus qu’un livre d’historien date de 1983 ! Il y a 35 ans… Il a paru tellement de livres depuis, et tellement fondamentaux…

10’51. Le « procès Zola dans lequel on voit […] Picquart […] extrêmement en difficulté et en qualité d’avocat je trouve sa défense lamentable. Si malgré le fait qu’il soit si bien entouré, il n’a que ça à se mettre sous la dent, c’est qu’il y a un problème ». Non. Si Adrien Abauzit avait travaillé sur les sources, avait mieux lu les procédures (tout est dit dans la seconde enquête de la Cour de cassation) ou avait lu quelques livres parus depuis le Bredin, il aurait découvert que Picquart ne se défendit pas au procès Zola parce qu’on lui avait fait miroiter, s’il se conduisait bien, un retour en grâce. Et il y crut…

11’58. « Il y a eu un procès Esterhazy en janvier 1898 si ma mémoire ne me fait pas défaut » !!! Comment un auteur qui fait un livre en grande partie sur Esterhazy peut-il ne pas être sûr de la date du procès du personnage en question ?

12’45 Arrêt de 1906 violation du droit. Non. La rédaction de l’article 445 ne ferme absolument pas la porte à une cassation sans renvoi.

17’40. Bastian ne faisait pas sa livraison tous les jours, un mois après avoir récupéré les documents le plus souvent dit l’interviewer. Et Adrien Abauzit de répondre que « ça dépend », « c’est variable ». Non. Elle livrait plusieurs fois par semaine (donc quelques jours après) et la chose est importante parce qu’elle écroule un argument d’Adrien Abauzit à propos d’une pièce.

18’36. Le bordereau indiquait la présence d’une taupe à l’État-major. Non. Ça c’est la thèse de l’accusation (et d’Adrien Abauzit) que rien ne prouve. Le bordereau indiquait qu’il y avait une taupe dans l’armée ! La différence est essentielle…

19’30. L’influence de l’espionne madame Bodson. Il s’agit là d’une pure invention. Si la relation de Dreyfus avec Bodson est avérée, il ne fut jamais dit, par personne et pas non plus par l’accusation, qu’elle fut une espionne. Rien, nulle part, dans aucun document, dans aucune archive, n’évoque de relations d’espionnage de la Bodson.

19’50 Amorçage qui expliquerait le verdict de Rennes à 10 ans. Quelle preuve de cet amorçage ? Aucune. Et si Dreyfus avait « amorcé », n’aurait-il pas dit pour se disculper ce qu’il avait livré, quand, comment ? Et soutenir que le verdict de Rennes pourrait s’expliquer ainsi est une affirmation gratuite qui relève de l’astrologie.

21’. Attention attirée sur Dreyfus parce qu’il fallait passer par tous les bureaux pour avoir les documents du bordereau et que Dreyfus, stagiaire, est passé par ces bureaux. De plus Dreyfus était artilleur et le bordereau ne pouvait avoir été écrit que par un artilleur. Telle est la thèse de l’accusation que nous savons aujourd’hui fausse. Le bordereau contient des approximations de vocabulaire qu’un artilleur n’aurait pu commettre, la phrase sur le manuel de tir prouve (si on veut bien faire attention au texte) que son scripteur n’était pas à l’État-major et les notes fournies par le bordereau auraient pu être par exemple récoltée au camp de Châlons… Où Esterhazy était en 1894.

22’30. La question de l’antisémitisme aux débuts de l’Affaire. L’Affaire n’est pas une machination contre le juif Dreyfus mais la nécessité pour un ministre en péril d’agir vite pour préserver son portefeuille, nous en sommes tous d’accord. Cela dit, il est impossible d’écarter que l’antisémitisme avéré de Fabre et de d’Aboville, que celui de Bertin-Mourot (qui souffla le nom de Dreyfus à d’Aboville) n’ait pas joué.

23’21. « Il faut distinguer la question de l’antisémitisme dans le cadre du contradictoire et des débats judiciaires ; quelle est son importance concrètement dans les faits et après il y a son utilisation à l’extérieur de l’affaire »… Entre le 15 octobre et la fin du mois, l’antisémitisme ne joue pas à l’extérieur puisque l’arrestation de Dreyfus est tenue secrète. Cela dit, si Adrien Abauzit avait lu attentivement le Procès de Rennes qui est une de ses sources, il aurait appris que Mercier envoya d’Aboville, juste avant le transfert de Dreyfus au Cherche-Midi, pour demander au directeur de bien garder le secret de l’arrestation et le mettre « en défiance contre les démarches que tenterait la “haute juiverie” ». De plus, quand, aux derniers jours d’octobre, l’information de la découverte d’un traître fut livrée à la presse, elle le fut par deux hommes de l’État-major, et le fut à un seul journal : l’antisémite La Libre Parole… L’État-major et nul autre que lui fit de l’affaire du capitaine Dreyfus, et ce dès le début, une affaire ou la question juive comme on disait à l’époque avait à y voir.

23’47. L’expert Gobert « pourrait être pour, il pourrait être contre ; il ne se mouille pas trop ». Gobert ne se montra pas le moins du monde dubitatif. Il écrit dans son rapport : « La lettre anonyme incriminée pourrait être d’une personne autre que celle soupçonnée » et expliquera plus tard : « [Je] dis au général Gonse qu’il y avait lieu de prendre des précautions infinies, que le bordereau ne m’apparaissait pas du tout comme étant de la main de Dreyfus. J’engageai le général Gonse à une très grande circonspection. Je le priai de faire faire des recherches. » Et son rapport fut écarté (une étude entachée « sinon de nullité, au moins de suspicion » dit l’acte d’accusation de 1894) au motif qu’il avait cherché à savoir qui était la personne soupçonnée. En fait, il n’avait rien cherché à savoir mais Du Paty, qui lui avait transmis le dossier, avait laissé à l’intérieur le nom du suspect. Cela dit, en quoi le fait d’avoir cette information rendait son étude irrecevable sinon parce qu’elle n’allait pas dans le sens souhaité ?

26’88. La dictée. Dreyfus « modifie son écriture ». Non, aucunement, et il suffit d’aller voir le document pour en être sûr : https://wp.me/p4v5fs-23J et : https://wp.me/p4v5fs-2aH

27’26. La dictée. L’histoire des 5° degrés. Il faisait froid et d’autant plus froid qu’un grand feu, dont parle Dreyfus et que confirme Gribelin à Rennes, brûlait dans la cheminée. Il était donc imaginable d’avoir froid aux doigts.

30’13. « Pendant ses interrogatoires, Dreyfus va avoir un discours qui entre en totale contradiction avec sa défense ultérieure. » C’est absolument faux… Sa défense demeura la même : celle d’un homme qui criait son innocence et ne varia en rien dans ses explications. Il fut imprécis au début certainement, comme peut l’être un innocent accusé d’un crime dont ne lui parla pas pendant longtemps. Sur des questions précises sur des questions qu’il ne comprenait pas, il tentait de répondre imaginant ce qu’on lui reprochait et ce à quoi pouvait correspondre ce qu’on lui demandait. Dans des notes qu’Adrien Abauzit aurait pu trouver s’il avait travaillé dans les centres d’archives (des notes inédites écrites en 1894 avant le procès et que nous allons publier ici même dans quelques jours), Dreyfus écrit :

Dans les 17 jours qui suivirent, je subis plusieurs interrogatoires, dans ma chambre, à la prison, par l’officier de police judiciaire, Mr le commt du Paty de Clam. il venait vers le soir, avec son greffier, la haine dans les yeux, l’injure sur les lèvres, quand mon cerveau torturé n’en pouvait plus. ah, tout ce que j’ai entendu dans ces jours tristes et sombres ! Mon cœur tressaille encore. Je ne savais pas la moitié du temps ce que je répondais ; on me disait toujours, vous êtes perdu, il n’y a que la Providence pour vous tirer de là. Alors dans mon cerveau brûlé par la fièvre, j’ai inventé roman sur roman pour expliquer une énigme que je ne pouvais pas déchiffrer, pauvre naïf que j’étais. Je demandais toujours quelles étaient les preuves de l’accusation ; mais on refusait toujours de me les montrer. est-ce qu’à un criminel, on ne commence pas par lui montrer l’instrument de son crime, pour lui demander s’il le reconnaît ? – L’instrument du soi-disant crime, c’était comme je l’appris plus tard une lettre ! Pourquoi ne me l’a-t-on pas montrée ? L’officier judiciaire et son greffier me firent dire tout ce qu’ils voulaient ; je n’avais plus conscience de moi-même. Je ne croyais pas non plus qu’il fallût me défendre contre une accusation pareille. Un soir, comme je demandais qu’on me dise enfin de quoi il s’agissait, le greffier me répondit : « Votre situation la voici : supposez qu’on trouve votre montre dans une poche où elle n’aurait pas dû être. » L’officier de police judiciaire acquiesça du geste. Alors je compris que des documents à moi avaient été volés. Aussitôt voilà mon imagination en campagne […]. Personne ne peut se douter de ce que cela est que de se trouver, innocent, dans une sombre prison, en tête à tête avec son cerveau, et accusé du crime le plus épouvantable qu’un soldat puisse commettre. Et puis toujours, comme un spectre, cet horrible commt du Paty qui venait comme un fou, haineux et terrible me disant : « Vous êtes perdu, rien ne peut vous sauver. » Je rageais d’indignation et de douleur. Un soir, comme je disais au commt : « Comment pouvez-vous croire que moi, alsacien, auquel les allemands refusent tous les passeports, je puisse être un traître. » C’était pour mieux cacher mon jeu, me répondit-il. Un autre soir, l’officier de police judiciaire me dit : « On est sur les traces de vos complices, des arrestations sont imminentes, suivant le cas vous passerez devant la juridiction civile ou militaire. » Je devenais littéralement fou, je me voyais enfermé dans une trame inextricable. Un autre soir encore, l’officier de police judiciaire me dit : « Votre arrestation est secrète et cependant elle est connue dans toutes les officines allemandes ; celles-ci tremblent, elles vous brûlent en ce moment. » La nuit qui suivit fut la plus épouvantable de toutes. Je faillis me suicider, j’eus des heures d’égarement. Au milieu de la nuit, dans un moment de fièvre, je pris mes draps et me préparai à me pendre aux barreaux de ma fenêtre. Mais ma conscience veillait, elle me dit : « si tu meurs, tout le monde te croira coupable ; il faut que tu vives, quoi qu’il arrive, pour crier au monde que tu es innocent. » Jamais homme au monde ne souffrit comme moi. Mon cerveau était constamment brûlé par la fièvre. Le médecin dut me prescrire des bains de pied [illisible] ; il me donna également du sirop de morphine pour pouvoir au moins dormir quelques heures. Un jour, ma souffrance devant l’attitude haineuse de l’officier de police judiciaire fut telle que je lui dis, je crois : « Écoutez, déclarez que je suis innocent et je me tue ; j’en ai assez de la vie. » un soir, comme je lui criais encore que j’étais innocent, car c’était le seul mot que je pusse encore articuler, il me répondit : « L’abbé Bruneau a bien dit aussi qu’il était innocent et il est mort sur l’échafaud. » Enfin le 15e jour après mon arrestation, on me montra la photographie de la pièce accusatrice : c’était une lettre qu’on m’imputait. Cette lettre je ne l’ai pas écrite et les experts qui déclarent que c’est mon écriture se trompent. Si on m’avait montré dès le premier jour la pièce accusatrice j’aurais compris et j’aurais pu répondre victorieusement. Mais on me montrait des bouts de papier, des bouts de mots, on me posait des phrases ambiguës a double entente ; on faisait divaguer mon cerveau.

32’00. Les aveux. « Les contradicteurs dreyfusards diront que c’est faux ». ça l’est en effet et nous l’avons maintes fois montré dans nos travaux. La meilleure preuve du mensonge en étant d’ailleurs le faux que commettra Gonse, comme je l’ai montré dans mon Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours. Mais ce qui est étonnant, c’est le changement de cap d’Adrien Abauzit. Il défend ici les aveux et écrit dans son livre : « « Dreyfus, condamné pour ce qui est perçu comme étant à l’époque le pire des crimes, doit probablement se sentir couvert de honte et terriblement isolé. Les paroles qu’il adresse à Lebrun-Renault [sic pour Lebrun Renaud] sont, je pense, le signe d’un homme, objet d’une vindicte universelle, à la recherche d’un minimum d’empathie. » (p. 85). Dommage, nous préférions cette version. Mais il semble en fait que cette phrase veuille dire autre chose : « un cri du cœur » dit-il ici. Maintenant que nous dit que Lebrun Renaud, comme le montrera Jaurès dans ses Preuves, a bien entendu ce qu’il dit avoir entendu ?… et invoquer le témoignage de d’Attel (qui était d’ailleurs capitaine et non commandant) n’a pas de valeur. Il aurait fallu qu’Adrien Abauzit nous dise que Lebrun Renaud a entendu : « Le ministre sait que je suis innocent, il me l’a fait dire par le Comdt du Paty de Clam, dans ma prison, il y a quelques jours, et il sait que si j’ai livré des documents, ce sont des documents sans importance et que c’était pour en obtenir de plus sérieux des allemands » (drôles d’aveux qui accompagnent une protestation d’innocence) ; et que d’Attel, lui, se souviendra de : « Pour ce que j’ai livré, cela n’en valait pas la peine. Si on m’avait laissé faire, j’aurais eu davantage en échange ». Comment deux témoins ont-ils pu, au même moment, entendre des propos si différents ? Si Adrien Abauzit avait mieux travaillé, il aurait même pu en trouver d’autres des témoignages… qui tous donnent une déclaration encore différente.

35’18. La date du bordereau. « on a rattaché dans l’acte d’accusation en réalité des documents qui existaient mais qui n’étaient pas ceux vraiment visés ». Mis à part le fait que cette phrase n’a aucun sens, les documents de 1894 demeurèrent à charge contre Dreyfus jusqu’à Rennes et le sont encore dans le livre d’Adrien Abauzit. Le problème n’était pas là. L’accusation avait daté le bordereau d’avril pour qu’il collât avec les dates que l’accusation imaginait alors être celles de quelques-uns des documents. Au procès de 1894, Dreyfus avait fait remarquer que si le bordereau avait été écrit à cette date, il n’aurait pu – s’il l’avait toutefois écrit – annoncer quelque information datant de juillet telle que celle relative aux formations nouvelles d’artillerie. Du Paty avait alors tenté l’hypothèse selon laquelle le bordereau pourrait dater d’août et qu’ainsi « le partir en manœuvres » concernait bien les manœuvres d’automne où Dreyfus, jusqu’au « dernier moment », avait cru devoir aller. C’était pure improvisation de la part de Du Paty puisqu’existait une note officielle du 18 mai, signée du général Gonse, prévenant les stagiaires qu’ils n’iraient pas aux manœuvres. Dreyfus avait demandé que cette note fût versée aux débats. On ne le voulut pas et on était passé à autre chose… La date d’avril-mai avait été maintenue contre Du Paty et il avait été expliqué que la fameuse phrase ne qualifiait aucunement les manœuvres mais bien le voyage d’état-major auquel avait participé Dreyfus en juillet. Mais pourquoi avoir parlé de manœuvres dans le bordereau, dans ce cas ? Sérieusement, le commissaire du gouvernement expliquera dans son réquisitoire que Dreyfus n’avait pas écrit, comme il l’aurait dû, « “Je pars en voyage d’état-major”, car c’eût été signer la lettre-missive ».

37’33. La lettre Davignon. Adrien Abauzit ne se souvient plus si Panizzardi a écrit à Schwartkoppen ou le contraire. Est-ce sérieux ? Et si l’ami dont il est question ici est Dreyfus pourquoi est-il devenu une « canaille » dans une autre lettre quasi-contemporaine et sur laquelle Adrien Abauzit, qui nous révèle ce que fut la véritable affaire, se souvient assez imprécisément ? Est-ce sérieux cela encore ?

40’05. Le « D » de ce « canaille de D » est en effet l’initiale d’un pseudonyme. Que Mathieu ne le sût pas est évident et qu’il cherchât un officier dont le nom commence par « D » quand il apprit l’existence de cette pièce, est logique. Pour Picquart en revanche la chose est différente. Il fit en effet une enquête sur d’Orval (dont l’initiale du nom est « o ») mais il n’en fit jamais sur Donin de Rosière. Cette affirmation, avérée selon Adrien Abauzit, est un mensonge de l’état-major contre lequel s’éleva toujours Picquart et qui semble attesté par le fait qu’autant le dossier de l’enquête d’Orval est toujours dans les archives de la Section de statistique, autant celui sur Donin n’a jamais existé (ce qui est certifié à l’époque par l’accusation elle-même) ! Adrien Abauzit affirme une nouvelle fois quelque chose dont il ignore tout.

42’48. Le « funeste » (dans doute parce que créateur de la LDH) Trarieux et sa loi. Adrien Abauzit laisse entendre que la réforme de l’article 445 aurait été votée dans le but d’aider à la révision de Dreyfus. En 1895, Trarieux est loin, très loin d’être dreyfusard. Affirmation anachronique.

43’40. Léonie (one more time). Cela fait 10 fois qui nous lui faisons la réponse (il devrait vraiment nous lire). Il est inexact, grossier, peu honnête, de dire que Mathieu appris l’illégalité en passant par les services d’une voyante. Il le fit en effet, Léonie lui dit à ce sujet une phrase énigmatique qu’il ne comprit pas et comprit plus tard quand d’autres (Develle, Salles) lui apprirent ce qui s’était passé dans la salle des délibérations en 1894.
Gibert. Comment fut-il convaincu ? Comme beaucoup. Un traître alsacien, militaire, riche et qui ne cesse de clamer son innocence peut aider certains à développer ce genre de conviction. Consulter le dossier n’a rien à y voir. Beaucoup se mobilisèrent pour Sacco et Vanzetti, pour les Rosenberg, pour Ranucci (pour ne prendre que quelques cas connus) sur une intime conviction. Cette intime conviction qu’on demande juste à un juré populaire d’avoir…

46’30. Mathieu « met du gras autour des os » (drôle d’expression). Le témoignage de Félix et Faure et l’avocat non nommé. Dommage vraiment qu’Adrien Abauzit ne lise pas nos réponses. Nous avons ruiné ces âneries, sur lesquelles il s’obstine, à la toute fin de notre dernière (https://wp.me/p4v5fs-2aH), 20 jours avant la diffusion de cette émission. Sur l’avocat dont on n’a pas le nom, je remets le passage en question : « Quant aux autres témoignages, Adrien Abauzit nous montre une nouvelle fois avec assurance son ignorance. Parlant du témoignage du confrère de Demange dont il ignore le nom parce que Mathieu ne le donne pas, il affirme qu’on ne le saura jamais et que cette “confidence invérifiable ne vaut pas grand-chose” (p. 199). On sait qui il était, tout le monde en parle, et même Dutrait-Crozon… Il s’agit d’Émile Salles qui devait déposer au procès Zola mais qui ne le put pas parce que la question ne fut pas posée….. » On sait donc très bien comment les dreyfusards l’ont su : par Develle et Salles et surtout par l’article de L’Éclair du 14 septembre 1896 qui confirmait les témoignages en question… Il est incroyable de passer cette réalité sous silence (il est vrai qu’en parlant plus tard, Adrien Abauzit n’est plus sûr où l’article a été publié et se trompe dans la citation qu’il en fait ; 1’02’19) et de s’accrocher à l’épisode « rigolo » de la voyante. P. 82 de ses mémoires, Mathieu écrit à propos de cet article :

Adrien Abauzit aurait dû lire la totalité du livre de Mathieu Dreyfus.

50’.  L’homme de paille Esterhazy, « conviction étayée par un certain nombre d’éléments de fait ». L’affaire Souffrain. Richard Fremder encourage à lire le livre d’Adrien Abauzit, nous encourageons, sur le cas Souffrain, aberrant, à lire notre réponse : https://wp.me/p4v5fs-2aH (faire une recherche : « entretenir la farce »).

54’18. Le Petit bleu. Le Petit bleu n’est pas signé de Schwartzkoppen, n’est pas de l’écriture de Schwartzkoppen et n’a pas été envoyé. C’est donc un faux. Nous ne développerons pas plus notre réponse ici et renverrons, pour cela comme pour la pseudo-falsification, à une réponse précédente qui montre que la thèse d’Adrien Abauzit est une blague qui joue sur la crédulité de son lecteur. À lire pour en être définitivement convaincu : https://wp.me/p4v5fs-2aH (faire une recherche « improbable Petit bleu »). Et dire que Picquart va « intimer l’ordre » à Lauth de certifier que le petit bleu est bien de l’écriture de Schwartzkoppen est une affirmation qui ne repose que sur le témoignage de l’accusation (Lauth) qui d’ailleurs ne dit pas exactement cela. Quant aux autres témoins, ils diront la même chose que Lauth bien plus tard, quand les hommes de l’état-major auront accordé leurs violons. Auparavant, lors de l’instruction Ravary par exemple, instruction qu’Adrien Abauzit aurait dû lire, Iunck dit exactement la même chose que Picquart, à savoir qu’il avait dit à Lauth que si besoin était, il pourrait toujours dire qu’elle était l’origine de la pièce… ce qui est pour le moins différent.

1’01’15. La relation amoureuse des deux attachés militaires. Affirmation courante mais gratuite. Rien ne l’a jamais prouvé.

1’05’40. Picquart argue le « faux Henry » de faux et après lui les dreyfusards qui sont, dit Adrien Abauzit, « très bien renseignés, semble-t-il ». À présenter les faits ainsi tout est curieux. Déjà si les dreyfusards ont dit que la pièce était fausse c’est parce que Picquart l’avait affirmé au procès… et c’est tout. Et si Picquart put dire qu’elle était fausse, c’est parce qu’il ne l’avait pas vue et que chef encore de la Section de statistique quand elle était censée être arrivée, il aurait dû en avoir communication. C’est pour cela que, dès novembre 1896, quand Billot et Gonse lui en avait parlé, il avait déjà émis de sérieux doutes.

1’06’46 On ne parle pas tant que ça en mai 1898 du fait que Dreyfus soir juif. Comment est-il possible a quelqu’un qui connaît le sujet de soutenir cela sérieusement ? Si beaucoup de dreyfusards évitèrent soigneusement de faire dériver la question sur le sujet, la  presse dreyfusarde en parla quotidiennement et la presse antidreyfusarde, c’est-à-dire à peu près toute la presse, ne fit que cela dès l’arrestation, en 1894.

1’07’10. Cavaignac héros. Il est amusant que là Adrien Abauzit ne revienne pas sur la version de la découverte du « faux Henry » qu’il aurait pu qualifier d’officielle. Dans mon Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours, je propose une autre version que je reproduis ici… 8 pages, sur la base des sources et uniquement des sources… Des sources qu’Adrien Abauzit est censée avoir en partie lue et dont il ne tire malheureusement rien :

1’09’17. La commission de révision. Voir encore notre dernière réponse : https://wp.me/p4v5fs-2aH (faire une recherche « commission »).

1’10’00. Le livre d’Armand Israël et son faisceau d’hypothèses troublant. Nous en avons longuement parlé ailleurs : https://wp.me/P4v5fs-fn (faire une recherche : « Les Vérités cachées de l’affaire Dreyfus »).

1’11’15. Les aveux d’Esterhazy, « au moment où le conseil des ministres allait refuser la révision » et où Brisson « ajourne le conseil des ministres », changent tout… Quel délire  et quel scandale de soutenir de telles choses avec une telle tranquillité. Redonnons ici les passages des mémoires de Brisson que nous avons déjà opposé à Adrien Abauzit qui s’obstine dans sa réécriture de l’histoire. Mais pour comprendre rappelons que la décision de la commission fut du 23, les aveux d’Esterhazy furent publiés dans la presse anglaise le 25 et la décision de saisir la Cour de cassation date du 26.

 

1’12’50. Les lettres Callé. Oui, les magistrats reçurent une lettre anonyme qui leur signalait qu’un huissier Callé possédait des lettres d’Esterhazy. Un juge enquêta, rencontra l’huissier qui lui remit en effet une lettre d’Esterhazy écrite sur le même papier que le bordereau et qui indiquait en effet, ce qu’on savait déjà, qu’il était allé au camp de Châlons en 1894. La chose n’est ni extraordinaire ni originale. Ces lettres furent expertisées et il ne fut jamais question de faux mais au contraire d’identité entre ce papier et celui du bordereau.

1’14’37. Le Procès de Rennes. « Reinach à mots couverts confesse une certaine admiration pour Mercier dans son Histoire. » Ah ? Sans doute alors quand il écrit, à propos de la déposition de Mercier à Rennes : « Mercier y procéda avec un art consommé, tronquant les textes, falsifiant les dates, faussant les faits, parfois rien que par l’incorrection et l’obscurité du langage, l’inexactitude voulue, le vague et l’équivoque systématiques, se contredisant dans la même phrase jusqu’à l’absurde, mais toujours de façon à conduire, à ramener les juges à l’abominable mensonge sous-entendu ». On est vraiment dans une gigantesque pantalonnade.

1’15’49. « Les fameux hasards » où Dreyfus était là. Nous avons montré que tout cela était encore un montage ahurissant qui ne fonctionne qu’à condition de lire dans les pièces censées le prouver ce qu’on veut y trouver. Et nous renvoyons à nos deux réponses publiées sur le site de la SIHAD. Dans le premier article, nous écrivions en conclusion, au terme d’une longue démonstration enrichie dans la réponse à sa réponse :

comme nous l’avons montré, il est fort peu probable
Que l’espion fut à l’État-major : c’est que dit clairement mémento Schwartzkoppen ;
Que si l’espion fut au 1erbureau lors du premier semestre 1893, ce puisse être la minute Bayle qui n’a jamais disparue qui le prouvera ;
Que si l’espion fut au 4èmebureau lors du deuxième semestre 1893, ce puisse être la lettre des « chemins de fer » de 1895 qui le prouvera ;
Que si l’espion fut au 2èmebureau lors du premier semestre 1894, ce puisse être les rapports Guénée, suspects, ou la lettre Davignon, qui ne parle pas d’espion, qui le prouveront ;
Que si le nom de l’espion a pour initiale la lettre D., cette initiale, comme en convenait Cuignet, put être celle de son nom et non celle d’un nom de code et que ce D, comme en convenait toujours Cuignet, put être Dreyfus.

1’17’20. Si on pense que les arguments des antidreyfusards sont faux, réfutons-les sans anathème et sans ricanement. C’est ce que nous faisons ici et il ne reste que peu de choses de la thèse d’Adrien Abauzit. Ce n’est pas ce que fait Adrien Abauzit en revanche qui insulte tout au long de son livre les dreyfusards et accuse le grand Marcel Thomas d’avoir tout bonnement inventé un pièce pour servir sa démonstration quand Marcel Thomas en donne les références et que par ailleurs cette pièce se trouve citée partout.

1’17’37. La preuve « Bouton ». Rien ne l’indique et Bouton (qui avait été successivement libraire, éditeur, agent de la police politique du gouvernement de Juillet, militant républicain en 1848, auteur et éditeur, agent secret du ministère de l’Intérieur à partir de 1858, paléographe, peintre héraldique, poète) en parla à deux reprises. Et la première fois, en février 1898, il ne raconta pas que Lazare avait essayé de l’acheter mais qu’après son refus, il lui avait laissé sa carte, lui disant repasser et n’était jamais revenu… La seconde fois, la carte de visite s’était transformée comme par enchantement en une proposition de versement de 100 000 francs. Quel témoignage !

1’19’58. Le chouchou d’Adrien Abauzit : Moiraud… Depuis son baptême le nom de l’écrituriste était Moriaud.

1’21’38. Témoignages antidreyfusards retenus quand il jugeait la contradiction dreyfusarde « nullissime ». C’est un mensonge absolu… Sur la question du contenu du bordereau, par exemple et de l’impossibilité qu’il fût d’un stagiaire et d’un artilleur, Adrien Abauzit ne cite aucune des études des philologues ou l’impressionnant rapport des généraux Brun, Balaman, Séard et VIllien qui ruine le pauvre argumentaire de l’accusation auquel il s’accroche.

1’22’15. Les éléments incontestables que sont le fait que Dreyfus restait tard au bureau. Cet argument qui a l’air de convaincre Richard Fremder est d’une faiblesse totale. Il ne tient que sur des témoignages pour le moins suspects et qui, contrairement à ce que dit Adrien Abauzit, furent contesté (sauf un épisode particulier) par Dreyfus.

1’23’35. Les 10 brouillons avec écritures différentes. Non, il existe en effet des brouillons mais tous avec la même écriture. Et puisqu’Adrien Abauzit parle de nous à la suite, nous nous devons ici aussi de le corriger. Nous n’avons pas écrit que « les choses n’étaient pas aussi nettes que ça et que comme Dreyfus s’ennuyait »… Extraordinaire de bout en bout la méthode Abauzit. Nous remettons donc ce que nous avons écrit :

Une nouvelle fois, Adrien Abauzit, qui n’a pas vu les archives, parle de ce qu’il ne connaît pas et qu’il a récupéré chez la pauvre commandant Carrière. Pourquoi trente brouillons ? Une manière d’occuper son esprit, peut-être… de ne pas devenir fou… à l’image de ces curieux et inquiétants dessins géométriques qu’il reproduisait à l’infini…

Les lettres et brouillons de l’île du Diable, dont la majeure partie nous est parvenue, montrent bien que la graphie de Dreyfus est demeurée la même… Et quand on regarde ces brouillons – dont Adrien Abauzit parle en les imaginant sur la seule base du pathétique réquisitoire de Carrière –, on peut constater que ces réécritures portent sur des améliorations de style et ne sont aucunement la recopie à l’identique d’un même texte…

1’25’00. « Les cartouches sont vidées » entre Adrien Abauzit et nous. En effet, il ne reste rien de sa thèse et nous regrettons qu’il ne réponde pas à notre dernière. Nous étions curieux de voir comment il allait tenter de s’en sortir.