L’Affaire Dreyfus. Nouvelle réplique au camp dreyfusard [sic] par Adrien Abauzit

Adrien Abauzit vient de rééditer l’exploit : écrire sur l’Affaire sur la base d’un corpus minimal dont il ne retient que ce qui « colle » avec sa « thèse », dont il oublie, avec une constance obstinée, ce qui viendrait la contredire et propose au final des interprétations forcées qui feront plaisir à ses lecteurs habituels, ceux qui veulent, parce qu’il le faut, que Dreyfus soit coupable.

Dans notre critique (voir ici), nous étions gardés, parce que nous refusons de nous placer sur le terrain qu’Adrien Abauzit a choisi et qui lui permet par exemple de qualifier le grand historien qu’est le regretté Marcel Thomas de « faussaire », d’entrer dans les arguments ad personam – qu’il confond avec les arguments ad hominem. Nous ne nous étions occupés que du livre, en disant et en montrant quelle farce il était et de quelles grosses ficelles il était fait… Ce parti pris, nous le conserverons – en montant et démontrant plutôt qu’en assénant –, mais il faut convenir qu’entre lui et nous il y a un monde et sans doute plusieurs qui ne sont pas que la République. Ainsi, quand nous répondons à ses « démonstrations », nous donnons son texte intégral et le commentons (voir ici). Adrien Abauzit, lui, quand il nous répond, ne donne que son texte (revu ; il s’agit de la réponse qu’il avait publié il y a deux ans et demi sur le site de sa maison d’édition), faisant quelques allusions choisies à nos objections (qui comptent 142 000 signes, tout de même), et écartant bien sûr tout ce à quoi il serait bien en peine de répondre… À ces objections, qui réduisent en fines particules les miettes qui composent sa thèse, il se contente d’opposer une petite note infrapaginale qui indique sa manière de mener la discussion et la controverse : « J’ajoute que la SIHAD a fait par la suite une “Réponse à ma réplique”. N’étant pas de ceux qui pensent que le dernier qui parle est forcément celui qui a raison, je n’ai pas jugé utile d’y répondre au moment de sa publication, d’autant que ma réplique initiale se suffit à elle-même [sic]. Je profite de cette publication pour finalement apporter quelques éléments de réponse nouveaux, car certains arguments de la SIHAD valent vraiment le détour… » La chose est pratique… Mais peu importe et répondons aux « nouveaux éléments de réponse », bien rares à vrai dire, en signalant tous ceux, si nombreux, qu’il a écartés…

L’introduction (p. 9-10 de ce nouveau livre). Adrien Abauzit est satisfait que la SIHAD ait été « contraint[e] de se rabaisser de répondre à l’hurluberlu qu'[il est] supposé être ». « Grande victoire », se réjouit-il, puisque ‘le système [c’est nous] a alors dû renoncer à sa principale arme : l’invisiblisation ». Contrainte ? Devoir ? Mais pourquoi ? Nous n’avons répondu, et contre l’avis de certains qui estiment qu’on ne répond pas aux « hurluberlus », que parce que nous l’avons décidé et parce que telle la mission que s’est fixée la SIHAD. Ni la prétendue « qualité » d’un travail, ni la Providence ne nous ont forcé la main… Maintenant, quant à dire qu’Adrien Abauzit et nous « sommes maintenant sur le même champ de bataille », c’est possible… mais il est clair, comme nous l’expliquions précédemment, que nous ne nous battons pas avec les mêmes armes et que nous refusons avec obstination de nous servir de celles qu’il affectionne.

P. 11 et 12. Où nous expliquons à Adrien Abauzit ce qu’est un historien et qu’un historien, s’il est historien, ne peut-être dreyfusard ou antidreyfusard… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 12. Où nous expliquons à Adrien Abauzit qu’il ne nous intéresse que comme auteur d’un livre sur l’Affaire… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 12-13. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que dire que « la SIHAD » est [en 2018] en contradiction avec Demange [en 1899] » est plutôt rassurant et où nous lui expliquons ce qu’est le métier d’historien… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 13-14. Où nous montrons à Adrien Abauzit qu’en n’aucun cas nous ne l’avons « godwinisé » et où nous profitons de l’occasion pour lui expliquer ce qu’est le « point Godwin »… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 14. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous n’avons jamais tenté de le disqualifier sur la base de ses précédents travaux en défense de Pétain… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 15. Où nous expliquons à Adrien Abauzit le peu d’intérêt que nous portons au fait qu’il soit ou ne soit pas historien mais qu’en faisant un livre d’histoire il fait œuvre d’historien… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 15-18. Ajout d’Adrien Abauzit au texte préalablement publié sur le site de sa maison d’édition. Adrien Abauzit constate à juste titre notre « condition de non-juriste » et soutient que ce cruel manque nous enlèverait « toute qualité pour apprécier au mieux l’affaire Dreyfus, dont le cœur est tout de même une série de procédure judiciaire ». Que dire ? On ne peut donc travailler sur l’armée sans être militaire, sur la culture du blé en Ouzbékistan sans être agriculteur ou ouzbek ou sur les crimes sans être un assassin ? Peu importe… Adrien Abauzit nous le prouve en allant commenter les travaux de deux historiens « dreyfusards » (nous avons essayé, sans avoir de « nouveaux éléments de réponse », en liminaire à notre réponse, de lui expliquer que « dreyfusard » et « antidreyfusard » sont des concepts qui n’ont plus cours aujourd’hui, que nous n’étions qu’historiens et que le fait de nous accorder sur l’innocence de Dreyfus parce qu’elle était une réalité et la vérité historique ne faisait pas de nous des « dreyfusards » mais très exactement des historiens), Vincent Duclert et Bertrand Joly, et nous donne un petit TD de droit sur le cas de l’article 445 du code d’instruction criminelle et, à la suite de l’Action française, de sa falsification par la Cour de cassation pour réhabiliter Dreyfus. Malheureux historiens qui ignorent ce que sait l’avocat, à savoir que l’article 111-4 du code pénal affirme que « la loi pénale est d’interprétation stricte ». C’est vrai… seulement c’est oublier l’interprétation téléologique qui permet au juge, quand le texte n’est pas clair, de rechercher l’intention du législateur, d’extraire l’esprit du texte – la fameuse ratio legis – et d’y subordonner sa lettre. Manque de clarté, donc, ou absurdité de l’interprétation littérale. Et c’est justement le cas dans lequel nous nous trouvons avec ce fameux 445, dans le cadre précis qu’est celui de l’Affaire. Expliquons un peu. L’article 445 dit que « Si l’annulation de l’arrêt à l’égard d’un condamné vivant ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié de crime ou délit, aucun renvoi ne sera prononcé », autrement dit, si Dreyfus est vivant, et qu’il n’y a pas crime, c’est-à-dire pas trahison, le renvoi devant un nouveau conseil de guerre ne sera pas prononcé. Mais il y a bien trahison. Donc, dans l’absolu, la Cour de cassation ne peut juger au fond, c’est-à-dire casser sans renvoi… Dreyfus est vivant, le crime existe, il y a donc à juger et il doit donc y avoir renvoi… Seulement, le cas qui est le nôtre ici est absurde et ouvre donc la porte à cette recherche de la ratio legis et par conséquent à l’interprétation téléologique. Absurde en effet – s’il est encore nécessaire de l’expliquer – parce les nouveaux juges militaires appelés à se prononcer sur le cas Dreyfus n’auraient pu que, soit entériner purement et simplement l’arrêt rendu par la Cour de cassation qui disait Dreyfus innocent, soit, en ne le suivant pas, condamner un homme dont l’innocence avait été solennellement prononcée par la juridiction suprême. Il est clair, comme l’écrit Baudouin dans son réquisitoire, qu’en « disposant qu’il n’y a pas lieu à renvoi, s’il ne subsiste rien qui puisse être qualifié crime ou délit, le législateur n’a pas entendu se placer à un point de vue abstrait. Il a eu évidemment en vue, comme le texte l’indique, le condamné en faveur de qui la condamnation est ordonnée[1] ». Voilà précisément ce qu’est une interprétation téléologique. N’eût-il pas en effet été absurde de voir Dreyfus jugé pour un crime qu’il n’avait pas commis simplement parce que le crime existait ? Qu’eût été en effet un tel procès où il n’y aurait plus rien à juger sinon le crime ?
Voilà donc une bien drôle de manière de discuter en ne donnant qu’une partie de l’information et en l’assurant par la simple affirmation d’une expertise qui, au final, semble plus que discutable.
Et quant à la fable de la falsification du 445 par la Cour de cassation, plutôt que de s’en tenir à Dutrait-Crozon et aux quelques autres qui s’en revendiquent ou tentent de maintenir vivante sa flammette, Adrien Abauzit aurait pu se reporter au texte de l’arrêt et constater que si la mise au clair de l’interprétation de la loi en était donnée à la fin des attendus (« Attendu, en dernière analyse, que de l’accusation portée contre Dreyfus rien ne reste debout ; et que l’annulation du jugement du Conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse, à sa charge, être qualifié crime ou délit »), le texte dans sa forme originale était lui aussi donné textuellement dans la première partie (« si l’annulation prononcée à l’égard d’un condamné vivant ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié crime ou délit, aucun renvoi ne sera prononcé »). Quel faux serait donc celui qui donnerait, avant le texte falsifié, le texte original, livrant ainsi lui-même la clé de la supercherie ?

P. 18. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous n’avons pas à son propos usé d’attaques ad hominem ou ad personam et quelle différence il existe entre ces deux concepts… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 18-20. Où nous expliquons à Adrien Abauzit qu’il n’est pas niable que son corpus de travail soit partiel et partial et, sur un exemple précis (parmi cent), que le peu de sérieux de sa recherche et sa méconnaissance du corpus lui font avancer hardiment des accusations pour le moins non fondées… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit mais un petit ajout en forme de nouvelles justifications, liste des auteurs qu’il dit avoir lus et dans lesquels il n’a « pas trouvé […] de faits nouveaux venant bouleverser les débats du procès de Rennes ». Adrien Abauzit a donc dû lire trop vite ou oublier des pages…

P. 20-21. Où nous expliquons à Adrien Abauzit pourquoi les sources qu’il considère comme « solides » ne le sont pas et combien il aurait gagné à lire quelques auteurs qu’il ignore… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 21-23. Où nous expliquons à Adrien Abauzit qu’on ne peut espérer faire un travail sérieux sur un sujet qui appartient à l’histoire en faisant l’économie du travail sur les archives… Enfin de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit à propos de la promesse faite à Picquart de se montrer bon soldat et de bien se tenir au procès Zola (ces « éléments » se trouvent p. 25-26). Adrien Abauzit nous considère comme fort gênés par la « nullité des explications de Picquart au procès Zola » et qualifie de « lapin sortant d’un chapeau » notre explication sur l’attitude de Picquart à ce moment et les raisons que nous proposons en hypothèse à cette déposition qui n’est pas nulle mais qui ne dit rien de ce qu’elle pouvait dire. Cet « élément de réponse » prouve juste qu’Adrien Abauzit est indiscutablement passé à côté d’un certain nombre de lectures qui, sur la base d’un travail sur les archives, étaient cette hypothèse. Il prouve aussi une manière qui consiste à rejeter par principe, et sans savoir de quoi il s’agit, tout information quand elle ne colle pas avec la thèse qu’il a a défendre.

P. 23-25. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que le travail « de juriste » qu’il revendique avoir fait sur un sujet d’histoire ne peut se faire qu’au prix d’une vraie connaissance de son dossier et, une nouvelle fois, qu’on ne peut espérer faire un travail sérieux sur un sujet qui appartient à l’histoire en faisant l’économie du travail sur les archives… Ajout d’Adrien Abauzit qui règle ses comptes avec Monique Delcroix qui défend la même thèse que lui mais a peu de considération pour son travail et nous adresse – après avoir ignoré toutes nos démonstrations dont la liste déjà longue ne fait que commencer – le reproche de n’avoir pas répondu à deux questions. Allons-y alors, comme disait l’autre. Adrien Abauzit demande tout d’abord : « sur quelle base Marcel Thomas a-t-il osé écrire que Souffrain avait un alibi dans L’Affaire sans Dreyfus» ? Et il demande ensuite : « Et quels éléments par la suite lui ont fait admettre sa présence sur les lieux du crime ? » Nous ne pouvons pas répondre à la première question parce que nous ne sommes pas Marcel Thomas mais nous pourrions toutefois proposer qu’il le déduisait sans doute du fait, comme nous l’avons expliqué dans notre réponse à Adrien Abauzit, que Souffrain ne fut jamais inquiété et que la plainte qu’avait déposée Picquart contre lui fut classée sans suite. Quant à la seconde question, la réponse en est sans doute que Marcel Thomas n’avait pas pris connaissance en 1961 du rapport qui se trouve dans le BB19 123 et qui le dit (et qui d’ailleurs ne prouve rien quant à la culpabilité du Souffrain en question). Mais Adrien Abauzit aurait dû comprendre quelque chose de remarquable ici, c’est que Marcel Thomas, historien digne de ce nom, n’hésitait pas à revenir sur ce qu’il avait pu écrire et que son souci de vérité – celui qui est commandé par le fait qu’il soit historien – l’obligeait à le faire.

P. 27. Où nous expliquons une nouvelle fois à Adrien Abauzit qu’il ne peut se targuer d’avoir travaillé sur les procédures et les procès quand il en ignore la moitié et qu’on ne peut espérer faire un travail sérieux sur un sujet qui appartient à l’histoire en faisant l’économie du travail sur les archives… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 27-28. Où nous expliquons à Adrien Abauzit pourquoi son travail manque cruellement de rigueur et où nous le lui montrons à travers quelques exemples significatifs… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 28. Où nous expliquons à deux reprises à Adrien Abauzit qu’il ne peut sérieusement soutenir que les correspondances, mémoires, souvenirs qu’il n’a pas lus ne pouvaient lui être d’aucun intérêt parce qu’ils n’étaient pas des pièces « contradictoirement débattu[e]s lors des différentes procédures »… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit et c’est dommage parce que comme on le verra bientôt (p. 40-51) ce n’est pas toujours dans les procédures qu’il trouve ses « preuves »…

P. 29-30. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous ne lui avons pas fait le reproche d’adhérer à la théorie du complot… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 30-33. Où nous expliquons à Adrien Abauzit toute la différence qui peut exister entre les dreyfusards de 1898 et les historiens de 2020… Un micro-élément de réponse qui ne change pas grand-chose au fond. Adrien Abauzit, en effet, sur le principe du « ce n’est pas moi c’est l’autre », ajoute un paragraphe pour signaler qu’Alain Pagès, dans son récent L’Affaire Dreyfus, vérités et légendes, emploie le mot de « complot » au sujet de l’armée. Mis à part le fait que la phrase citée, ainsi sortie de son contexte donne à comprendre autre chose que ce qu’elle dit (Alain Pagès ne parle que de la protection offerte à Esterhazy et rien de plus), nous rappelons à Adrien Abauzit ce que nous lui avons répondu : « Jaurès est Jaurès et Reinach est Reinach. Ce qu’ils ont put écrire ne regarde qu’eux et ne nous engage pas. Nous sommes historiens ». Et nous le disons aussi en ce qui concerne Alain Pagès et ajoutons que quand bien même il aurait par extraordinaire soutenu ce que lui fait dire Adrien Abauzit, il n’engagerait, se faisant, que lui-même. Alain Pagès écrit ce qu’il veut et les historiens, qu’Adrien Abauzit s’entête à qualifier de « dreyfusards », ne sont pas les soldats d’une petite armée et n’écrivent pas d’une même plume.

P. 33-35. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous ne lui avons aucunement reproché de refuser de considérer que l’armée était antisémite… pas de réels « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit si ce n’est une petite modification remarquable. Nous avions corrigé une première fois (dans la critique de son premier ; voir ici) ce qu’avait écrit Adrien Abauzit au sujet du nombre d’officiers juifs dans l’armée. Il avait corrigé dans cette réplique pour se tromper une nouvelle fois : il ne s’agissait pas de 600 officiers, comme il l’écrivait, mais de 300. Lui ayant signalé dans notre réponse, Adrien Abauzit corrige à nouveau dans cette dernière version mais ne veut pas de notre chiffre, indiscutable. 300, ce n’est vraiment pas assez ! Il corrige donc son « 600 » en « plusieurs centaines » ! Et on ne peut lui en faire le reproche : 3, c’est « plusieurs », c’est indiscutable…

P. 35-36. Où nous expliquons à Adrien Abauzit, en synthèse, pourquoi son travail laisse pour le moins à désirer… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit si ce n’est qu’il va chercher à la rescousse Bertrand Joly qui constate à juste titre que dans la phénoménale bibliographie de l’affaire Dreyfus nombreux sont les ouvrages (et nous le disons souvent dans nos comptes rendus sur ce blog) sans intérêt et qui ne font que répéter inlassablement, compilations nouvelles de compilations anciennes, les mêmes choses, souvent approximatives quand elles ne sont pas fausses. Cette petite remarque amène deux réponse : 1. ce n’est pas parce qu’il y a du déchet qu’on peut se passer de lire et que, c’est l’évidence même, l’avoir lu pour savoir qu’un travail est défectueux. 2. « le doux ronron tranquille et conformiste » de ces ouvrages ne s’explique pas par la peur des « chercheurs de l’académisme républicain » de développer un propos hétérodoxe qui ruinerait leur carrière, comme nous l’expliquions dans notre réponse. C’est juste que nombreux sont ceux qui travaillent mal, ne vont jamais aux sources primaires ou si peu, se contentent de compiler, etc. Nous renvoyons une nouvelle fois aux critiques présentes sur ce même blog qui, s’il en était besoin, montrent combien est un fantasme cette idée un tantinet complotiste et paranoïde de l’entente entre les « chercheurs de l’académisme républicain » et de leur soumission craintive à un imaginaire diktat officiel.

P. 36. Où nous expliquons à Adrien Abauzit ce qu’est l’affaire du SHAT de 1994 qu’il évoque sans trop savoir de quoi il parle… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit et c’est dommage parce que ça lui aurait au moins permis de corriger la faute commise sur le nom de l’ancien chef du SHAT.

P. 37. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », de considérer qu’il pourrait être envisageable de ne pas écarter par principe la possibilité que les hommes de l’État-major pussent ne pas être honnête et de bonne foi… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 38. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que l’équation : une pièce disparaît à tel endroit et Dreyfus est à tel endroit n’est pas suffisant pour constituer un indice de culpabilité… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 38-39. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que Dreyfus aurait pu peut-être ne pas être assez bête pour attirer l’attention sur lui en dérobant la pièce sur laquelle il travaillait… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 39. Où nous proposons à Adrien Abauzit de ne pas se sentir obligé d’avoir recours à des considérations désobligeantes pour éluder la discussion… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 39-40. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que le lien qu’il y voit avec l’attribution de l’artillerie lourde à la 9e armée, coule d’une source dont l’eau n’est peut-être pas aussi claire que cela… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 40. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que partir du postulat que toute pièce révélée, découverte ou retrouvée par Targe, est un faux ne peut constituer, sauf pour lui, un argument… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 40-51. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos des pièces 26 et 267 du dossier secret, de tenter de considérer que les choses ne sont pas aussi simples qu’il le croit… De « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit qui méritent commentaires. Reprenons le dossier en reprenant tout d’abord les considérations d’Adrien Abauzit à notre propos. Il a trouvé une micro-faille et il s’y engouffre avec une joie dont nous ne voudrions en aucun cas le priver. Nous avons commis des imprécisions dans notre compte rendu, c’est vrai, et nous l’avons dit. Nous avons parlé « d’enregistrement des pièces » quand nous aurions dû parler de « transmission au ministre », pire même de « récupération par la Bastian » quand nous aurions dû parler « d’écriture par Panizzardi ». Parce que nous avons fait cela, dont nous reconnaissons la faute, la très grande faute, Adrien Abauzit nous accuse de « tronquer la vérité », de « dénaturer la problématique », constate « nos erreurs factuelles » et « nos erreurs de raisonnement ». S’il y trouve son plaisiri nous le lui concédons bien volontiers. Ensuite, reprenant la citation d’Henry que nous lui opposions et selon laquelle « les récoltes de la voie ordinaire livraient des pièces datant de “deux à trois jours” », il constate notre incapacité « d’en citer une seule ». Nous ne savions pas qu’il fallait que nous le fassions et à vrai dire nous ne pensions avoir à prouver une affirmation d’Henry. Naïvement nous pensions que le témoignage d’Henry – indiscutable, pourtant, le « premier sang français » ! – pouvait suffire. Et nous le pensions d’autant plus que nous y ajoutions les témoignages de Brücker et de la Bastian (qui n’ont pas retenu l’attention d’Adrien Abauzit ; trois témoignages tout de même !) qui parlent, pour le premier – nous étions encore imprécis ou tout au moins pas assez précis – , de livraisons au ministère le jour même, le lendemain et jamais plus de trois jours après la récolte et, pour la seconde, de « trois à quatre » livraisons par semaine, soit, donc, en moyenne, une livraison tous les deux jours. Un dernier témoignage d’ailleurs (« contradictoirement débattu ») de la principale intéressée, qui contredit pour le moins les mensonges de Gonse qu’Adrien Abauzit prend pour argent comptant dans son premier livre (p. 42-43). Maintenant qu’Adrien Abauzit se rassure. S’il nous fallait vraiment – pour une raison que nous ne expliquons pas – prouver les affirmations d’Henry, nous en serions bien en peine dans la mesure où les bordereaux de transmission ont disparu… Ensuite – autant il réagit d’ordinaire peu à nos réfutations, autant là il se montre prolixe –, Adrien Abauzit vient discuter notre hypothèse – en petites citations choisies qui sont isolées de l’ensemble et des développements qui les fondent – sur les déchirures qui pourraient indiquer la mise au rebut simultanée. Il discute et il le peut… c’est le propre de l’hypothèse d’ouvrir à la discussion. Les « sillons » sont différents, oui, très légèrement, mais en tenant compte que les surlignages visant à faire ressortir lesdites déchirures et ainsi à permettre de les voir sont faites à main levée, au crayon sous Photoshop, et donc assez imprécises – Adrien Abauzit, nous vous ouvrons ici votre porte de sortie. On conviendra toutefois, nous pensons, que « sillons » différents ou pas, la proximité incroyable des déchirures de deux documents tend à valider l’hypothèse de la simultanéité de la mise au rebut. Mais ce n’est sans doute qu’une impression…

Encore, Adrien Abauzit avance en argument les dimensions différentes des deux documents (tels que nous le voyons sur l’image juste donnée) et argue de la « logique » selon laquelle « sur une brève unité de temps, les courriers de service à service soient écrits sur le même format ». C’est possible, si ce n’est que la correspondance Panizzardi/Schwartzkoppen n’est pas une correspondance de « service à service » mais celle de deux amis, complices en espionnage, et que ces correspondances n’avaient vraiment rien d’officiel (et la petite note d’Adrien Abauzit, pour aider le lecteur malcomprenant, à propos des courriers officiels qui s’écrivent aujourd’hui sur des courrier A4 est d’une naïveté vraiment désarmante). Et il suffit de voir les lettres de Panizzardi à Schwartzkoppen, nombreuses dans le dossier secret, pour voir combien sont différents les papiers et les formats utilisés. Enfin, pour en finir avec ses considérations à notre propos, Adrien Abauzit nous reproche une « variation de dernière minute », à savoir notre proposition, qui ouvrait juste une possibilité, que Lauth eût pu, exceptionnellement, remplacer Henry si Henry ne pouvait rencontrer la Bastian. Écrire que « la SIHAD […] nous apprend que ce ne serait pas Henry, mais peut-être le commandant Lauth qui aurait vu madame Bastian… » n’est pas très honnête et il suffit de voir ce que nous avions écrit et qu’il reproduit en note pour comprendre que nous n’apprenions rien mais que nous envisagions une possibilité (« rien ne nous dit que Lauth n’ait pas pu exceptionnellement remplacer Henry pour aller soulager la Bastian de sa récolte… mais à vrai dire la question importe peu »).
Mais bref. Tout ça est sans intérêt puisqu’Adrien Abauzit a la « preuve décisive », l’argument « imparable » qui doit mettre fin à la discussion. Donnons-le ici : Henry – et pas Lauth – n’aurait pu récupérer les documents de la Bastian entre le 28 mars 1895, date d’écriture des pièces retenue par la Cour de cassation, et le 31 mars, veille de la transmission des pièces au ministre, parce qu’Henry était alors en permission. Et là, il n’y a plus rien à dire. De cette affirmation, décisive, imparable, il n’y a aucune autre trace que ce qu’en dit Cuignet (qui la fonde sur les registres de paiements de la SS aujourd’hui perdus) et Adrien Abauzit l’a tirée de son prédécesseur Amyot (qui ne donne pas sa source). Nous avions laissé, lors de notre réponse précédente, cet imparable argument de côté… dont on notera d’ailleurs et au passage qu’il n’est pas de ces pièces « contradictoirement débattu[e]s lors des différentes procédures » et qui du coup, si on devait suivre Adrien Abauzit dans cette curieuse argumentation, ne représentent pas le moindre intérêt : « comme si on pouvait y trouver des arguments nouveaux de première importance, non contradictoirement débattus lors des différentes procédures » (p. 28) !
Comme Adrien Abauzit fréquente peu les sources primaires, il nous a semblé de notre devoir de lui en dire un peu plus sur cette « preuve » et de lui donner les références que ne donne par son prédécesseur… Le témoignage existe bien et, nous le connaissons que trop, a été publié par Cuignet dans L’Éclair du 23 juin 1906 (« Le faux André et le rapport Moras »). Cuignet est particulièrement intéressé dans l’affaire puisqu’il est un des tenants de l’accusation, il n’est pas un témoin des plus fiables mais il a témoigné. Soit… mais une question nous taraude. Dans une première série en mars, dans le même journal, Cuignet avait déjà parlé de ces pièces et avait déjà discuté la question des dates qui sont, aux yeux d’Adrien Abauzit, la clé de toute explication. Il avait alors insisté sur le temps très court entre le 28 mars et le 1er avril pour que les documents passassent de l’ambassade italienne au cabinet du ministre et avait mis en avant un argument qui, s’il n’est pas imparable celui-là, est frappant : « Pour que ces débris parvinssent ensuite [le 29 mars] à Henry, il fallait », entre autres, « qu’Henry et la voie ordinaire se rejoignissent ». C’est d’une logique implacable mais ce n’est pas là qu’est l’intérêt de la chose. Il poursuit :

Supposons que toutes ces conditions aient été remplies dans la journée du 29 mars… C’était bien juste, mais enfin, admettons-le… Le 29 mars 1895 au soir, Henry est donc en possession de la pièce du télémètre.
Combien de temps a-t-il pour reconstituer la pièce ? Pour retrouver les fragments disséminés au milieu de cent ou cent cinquante autres fragments appartenant à des pièces différentes ?… Il a exactement à sa disposition une nuit et un jour, ou plutôt un jour, car il ne travaillait pas la nuit.
[…] Henry n’aurait eu à sa disposition que la journée du 30 pour reconstituer la pièce, retrouver ses fragments mélangés avec une multitude d’autres fragments. (« Le Faux André », L’Éclair, 8 mars 1906).

Henry est en possession le 29… Il ne dispose que d’un jour… Il n’aurait eu que la journée du 30… Mais alors Henry n’était pas en permission ? Comment expliquer que Cuignet, en juin 1906, pût affirmer qu’Henry était en permission dans la Marne entre le 23 et le 31 mars 1895 et ne pouvait donc pas se voir avec la Bastian, et que, quelques mois plus tôt, il parlait de sa présence à la SS précisément pendant la permission en question, parlait de sa rencontre avec la Bastian, etc. ? Cuignet avait-il oublié cette preuve imparable tout autant que définitive, en mars, lorsqu’il s’évertuait, épluchant le calendrier, à démontrer que les pièces 26 et 267 n’étaient pas arrivés en 1895 mais bien en 1894 ? La chose lui était-elle revenue, tout à coup, en juin ? Certainement pas puisque, comme il le disait dans l’article du 23 juin, il avait fait part de cette preuve « imparable » et tout autant « définitive », deux ans plus tôt, le 16 mai 1904, lors de son audition devant la Cour de cassation. Un témoignage donné mais qui aurait été caviardé par les magistrats « dreyfusards » et qui de ce fait n’apparaît nulle part… C’est si pratique et bien sûr vrai, puisque Cuignet le dit… Si Adrien Abauzit devait nous répondre – dans deux ans et à condition bien sûr qu’il ne passe pas tout cela sous silence –, il est probable qu’il nous dirait que Cuignet voulait ici démontrer l’impossibilité de la chose, dans l’absolu… Resterait à comprendre pourquoi, alors qu’il possédait une preuve « imparable », mieux même « définitive », il n’en parla pas quand le moment était propice – le moment de la rédaction du travail du rapporteur de la Cour de cassation –, et remplit des colonnes à démontrer l’impossibilité calendaire ? Pourquoi se perdre en discussion et ne pas donner, quand on l’a en mains, l’argument capital ? On conviendra qu’il eût été plus simple, plus logique, plus efficace, de dire, en mars, que la raison pour laquelle la pièce était arrivée en 1894, c’est que si elle était arrivée l’année suivante, entre le 28 mars, date de sa rédaction, et le 1er avril, date de sa transmission au ministre, Henry, en permission dans la Marne, en famille, ne pouvait la récupérer ? Pourquoi attendre que les travaux de la Cour de cassation soient pour ainsi dire achevés pour livrer une « preuve » tout à coup sortie du chapeau et que personne ne pourra voir puisque les vilains – manque de chance – l’ont supprimée ?
Adrien Abauzit nous dira peut-être aussi que ces articles de mars n’ont pas été « contradictoirement débattus lors des différentes procédures »… Mais il ne le fera pas parce que nous lui dirons que ceux de juin ne le furent pas non plus et qu’on est en droit de s’interroger sur la matérialité d’une partie de déposition absente – contrairement à ce qu’affirme Cuignet – du texte autographié de sa déposition devant la Cour de cassation, de la sténographie qui en fut publiée et qui est conforme (la vérification peut se faire en allant aux archives). Une preuve si peu « imparable » et si peu « définitive » que même Dutrait-Crozon, qui normalement ramassait tout, a préféré la laisser de côté. Nous savons que pour les antidreyfusards, les magistrats de la Cour de cassation étaient des menteurs et des faussaires, ne faisant pas figurer à la sténographie ce qui gênait l’innocence de Dreyfus et, à en croire Cuignet, faisaient même tenir aux témoins des propos qu’ils n’avaient pas tenus[2]. Mais si telle est la vérité – difficilement recevable, tout de même – il faudra alors qu’Adrien Abauzit réfléchisse à la question de ses sources et parte du principe que par définition tout ce qu’il tire des quelques procédures qu’il a lues, et surtout quand cela concerne l’accusation qui sont les parties qu’il utilise préférablement, n’a aucune valeur puisque les magistrats de la Cour de cassation ont bricolé les textes. Il est pour le moins paradoxal de soutenir d’un côté que seules les procédures ont de la valeur et d’un autre côté que leur sténographie en est falsifiée.
La question des dates reste donc entière et n’est pas réglée par une preuve qui n’est donc plus définitive puisqu’elle est loin d’être imparable. Alors ? Reprenons donc, et au pas de course, le dossier. Une première chose est sûre : les deux pièces se suivent, se complètent et ont été écrite au même moment. Une seconde chose est sûre : ces deux pièces sont arrivées le 1er avril 1895 à la SS puisqu’elles ont été enregistrées et recopiées par Gribelin à cette date. Donc, soit elles sont de 1894 et elles ont été oubliées pendant un an ; soit elles sont de 1895 et elles sont passés de l’ambassade d’Italie au cabinet du ministre en un temps en effet record.
Option 1 : 1894 (et donc les pièces sont à leur place dans le dossier secret[3]). Oubliées à la SS ? C’est impossible. Gribelin (dans une procédure, document indiscutable) le certifie, une pièce n’aurait pu demeurer un an à la SS sans être traitée et communiquée au ministre. Oubliées chez Schwartzkoppen alors ? Cela semble douteux mais c’est ce que pense Adrien Abauzit qui du coup nous donne une explication dont la pertinence n’échappera à personne : « Qu’y a-t-il de si exceptionnel qu’un document soit conservé ou oublié, même déchiré, sur le coin d’un bureau, enfoui par exemple sous d’autres documents ? »… À ce compte là oui, tout est possible et tout est explicable. Ceux qui penchent pour la thèse d’Adrien Abauzit et de ses prédécesseurs devront se contenter de cette seule explication parce qu’il n’y en a vraiment aucune autre.
Option 2 : 1895 (et donc nouveau faux d’Henry). Et nous reprenons (avec quelques éclaircissements) ce que nous écrivions dans notre réponse : Schwartzkoppen a eu les deux lettres le 28 (elles étaient urgentes comme en témoigne le contenu et et le fait qu’elles aient été apportées par le domestique de Panizzardi) ; il les lit, les déchire et les jette ; le 29 au petit matin, la Bastian les récupère ; ce même 29 ou le lendemain 30 mars, elle remet son cornet à Henry (qui n’est pas parti en une permission que rien n’atteste), cornet dont on ne sait s’il était important ou pas mais qui contient quoi qu’il en soit les deux lettres du 28 mars ; Henry, chez lui (le 29) ou au ministère (le 30), fait le tri, recolle les pièces, et le 30 ou le 1er aux premières heures du matin (laissons-le se reposer le dimanche 31) les donne à enregistrer, à copier, pour qu’elles soient transmises au ministre dans la même journée… c’est « serré » mais ça ne nous semble pas complètement délirant…
Au choix…
Nous ne savons plus si nous en avions parlé, mais tout à coup une petite idée nous vient à l’esprit. Si ces lettres étaient de 1894, il est quand même curieux qu’on ne les voie apparaître dans le dossier contre Dreyfus que fin 1897 et pas au procès de 1894… quand même, une lettre sur l’organisation des chemins de fer datant de l’époque où Dreyfus était attaché au bureau qui avait la question en charge était une indication bien plus probante de sa nécessaire culpabilité que la « lettre Davignon » ou le « Mémento Schwartzkoppen »…

51-52. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que ce n’est pas parce que le livre d’Armand Israël considère que Dreyfus est innocent, que nous ne le considérons pas comme la catastrophe qu’il est… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit. Cela dit, pour revenir sur cette question, nous ne considérons en tout cas pas qu’Armand Israël soit de « mauvaise foi ». Nous disons juste que sa méconnaissance de l’histoire, de la discipline historique, de la méthode et du sujet qu’il traite font de son livre un bien mauvais livre susceptible de tromper les lecteurs peu informés.

52. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du « Memento Schwartzkoppen », la possibilité d’une autre lecture que, ne collant pas avec sa thèse, il écarte par principe… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

52-54. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « Lettre Davignon », la possibilité d’une autre lecture que, ne collant pas avec sa thèse, il écarte par principe… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

54-56. Où nous donnons à Adrien Abauzit, à propos de Guénée, des informations qu’il ignore et qui permettent de fonder le peu de crédibilité dont nous parlions… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

56-61. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la dictée, de considérer que les évidences qui le frappent ne sont peut-être pas plus frappantes qu’évidentes… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit en dehors de trois petits paragraphes qui méritent encore un commentaire. Adrien Abauzit nous voit « indisposé[s] par l’aveu de maître Demange ». Il n’y a pas d’aveu de Demange mais ce que la rhétorique nomme une concession et notre indisposition ne nous paraît pouvoir n’être flagrante – et nous invitons à revenir à notre réponse (ici) – qu’à Adrien Abauzit qui a ses petits côtés Léonie et voit de la gêne où il n’y en a pas et des modifications d’écritures pour le moins difficiles à percevoir. Redonnons la reproduction de la dictée :

Et essayons d’y voir ce que voit Adrien Abauzit qui écrit, pour mémoire, dans son premier :

[…] on s’aperçoit aisément que les quatre premières lignes sont parfaitement droites, quoique très légèrement obliques. À partir de la cinquième ligne, qui arrive juste après le mot « manœuvres », les choses se gâtent. L’écriture, j’entends par là la disposition des mots, devient de plus en plus brouillonne, irrégulière. […] La modification de l’écriture de Dreyfus est encore plus manifeste à la ligne suivante « urgence par le porteur de la présente ». Chaque mot est écrit en dessous du mot qui le suit, accentuant encore le caractère oblique de la ligne.
La septième ligne est un petit peu plus droite.
Au final, à l’aspect harmonieux et droit des quatre premières lignes, qui s’achèvent par le mot du bordereau « manœuvres », succèdent trois autres lignes beaucoup plus brouillonnes. En divisant la première phrase [?] de la dictée en deux blocs, l’un comprenant les quatre premières lignes, l’autre comprenant les trois dernières, le contraste est très net.
Sauf à plaider une extraordinaire coïncidence, il n’est pas contestable qu’à partir du mot « manœuvres », Dreyfus tente de modifier son écriture. (p. 77-78).

Et pourquoi ? Parce que, dit Adrien Abauzit dans sa réplique :

Le texte dicté par du Paty, d’abord neutre, reprend progressivement des passages du bordereau. Lorsque Dreyfus s’en rend compte, il modifie son écriture, ce qui est le signe qu’il connaissait bien le bordereau.

Nous avouons – avec le manuscrit sous les yeux (qu’Adrien Aubauzit ne donne bien évidemment pas) –, que la chose ne nous saute pas aux yeux. Et puis nous nous demandons bien pourquoi, puisque Dreyfus avait compris le piège qui lui avait été tendu, comme dit Adrien Abauzit toujours dans son premier (p. 78), il aurait changé la « disposition des mots » et pas sa manière de former les lettres ? Quel intérêt aurait-il eu de décaler les mots ? Pour travestir son écriture ? Mais il ne la travestit pas, il a juste du mal à tenir la ligne… Pour revenir aux visions d’Adrien Abauzit, nous avons du mal à y voir « que les mots des lignes 5 et 6 ne sont pas en face les uns des autres » (comme il l’écrit dans son dernier, p. 59) et moins encore que « Chaque mot est écrit en dessous du mot qui le suit » (ainsi qu’il nous le disait dans son premier, extrait que nous avons cité un peu plus haut). D’où l’intérêt de la photoshoperie que nous avions faite dans notre réponse :

On n’y voir guère de mots écrits « en dessous » les uns des autres mais plutôt au-dessus et d’une manière à vrai dire à peu près uniforme sur tout le document :

Comme nous l’écrivions dans notre réponse :

on peut voir que les mots « …part aux manœuvres », à la 4e ligne, sont en effet un peu plus hauts que le reste de la ligne ; que, à la 5e ligne, les mots « faire adresser » le sont aussi ; comme le sont « porteur de la présente » à la 6e ligne ; « personne sûre » à la 7e ; « rappelle qu’il s’agit de » à la 8e ; « note sur la frein hydraulique » à la 9e ; « de 120 et sur la manière dont » à la 10e ; « s’est comporté aux manœuvres » à la 11e ; « sur les troupes de couverture » à la 12e ; et, enfin, « note sur Madagascar » à la 13e .
On a du mal à y remarquer ce qu’Adrien Abauzit y voit, à savoir : que son écriture se modifie à partir du mot « manœuvres », qu’à la 6e ligne « chaque mot est écrit en dessous du mot qui le suit », rompant l’aspect « harmonieux et droit des quatre premières lignes » et ouvrant trois lignes « beaucoup plus brouillonnes », qui rendent « [non] contestable qu’à partir du mot “manœuvres”, Dreyfus tente de modifier son écriture » (p. 78). Cela ne nous paraît pas d’une grande évidence et d’autant plus qu’« intérêt, Monsieur » de la 1ère, « en possession » de la 2e, « fait passer » de la 3e et même le « octobre 1894 » de la date subissent le même sort que leurs petites camarades. La conclusion que nous en tirons est que : les mots plus hauts étant présents à chaque ligne et plus nombreux d’une ligne à l’autre, Dreyfus avait, particularité bien commune, une écriture ascendante et que ce caractère ascendant avait une tendance régulière à se marquer au fil de la rédaction. Dreyfus n’écrivait pas droit ! D’où l’intérêt aussi des diagonales que nous avions proposées initialement et qui permettent de le constater :

Mais nous voyons nécessairement mal, puisque, nous dit Adrien Abauzit, Dreyfus lui-même a reconnu la « flagrante » « modification de son écriture ». Et Adrien Abauzit nous le prouve :

Le Président. – Lorsqu’on jette un coup d’œil sur cette lettre dont voici une photographie, on constate facilement que l’écriture depuis les mots : « 1° une note sur le frein hydraulique » jusqu’à la fin est beaucoup plus grande et plus large qu’au commencement.
Le capitaine Dreyfus. – L’écriture est plus large, mon colonel.
Le Président. – Elle change, elle est plus large, moins bien formée ; cela peut s’expliquer par une émotion…
Le capitaine Dreyfus. – D’abord, je vous ferai remarquer que l’élargissement des lettres commence à « je me rappelle » ; or, « je me rappelle » n’a rien qui se rapporte au bordereau.

Mais Adrien Abauzit, nous le disions déjà dans notre réponse – et il suffi de lire cet extrait –, Dreyfus n’a aucunement reconnu ici avoir « modifié son écriture », ce qui entend une action volontaire, moins encore d’avoir « tent[é] de modifier son écriture », ce qui aggrave la question de l’acte volontaire ! Il a reconnu qu’à tel endroit – qui d’ailleurs n’est ni celui que voit Jouaust ni celui que voit Adrien Abauzit, qui a chaussé les lunettes de Dutrait-Crozon –, aucunement que la disposition de ses mots était différente mais que son écriture était « plus large », juste « plus large », et qu’il expliquait (explication dont Adien Abauzit ne veut pas) cet élargissement par l’effet du froid qui lui avait raidi les doigts.
La modification de la « disposition des mots », Dreyfus ne la vit pas dans ce document, pas plus que ne le vit Jouaust. Et si Dreyfus ne la vit pas, c’est parce qu’il écrivait toujours ainsi, de manière ascendante et tenant mal la « droite », donnant souvent un sinuosité à ses lignes. Nous avons quelques centaines de lettres à disposition d’Adrien Abauzit, nous n’en donnerons qu’une (authentique et signée), de juillet 1905 :

Ou alors, il vraiment dû se passer quelque chose quand il se mit à parler de la météo dans le deuxième paragraphe et le début du troisième pour ainsi « changer son écriture », nous voulons dire la « disposition des mots »…

P. 61. Où nous proposons à Adrien Abauzit une explication des raisons pour lesquelles Dreyfus, en détention, multipliait les brouillons des lettres qu’il écrivait… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 61-62. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos des témoignages de subordonnés, une explication qu’on ne peut écarter et qui nous oblige à leur accorder une valeur relative… Quelques « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit à propos de la lettre que nous publiions, lettre d’un condisciple de Dreyfus à Dreyfus, au jour de la réhabilitation. Pour comprendre – et parce qu’elle importante – nous la redonnons :

Quand, en 1894, le sous-chef d’état-major nous réunit pour nous dire que tu étais coupable et qu’on en avait les preuves certaines, nous en acceptâmes la certitude sans discussion puisqu’elle nous était donnée par un chef. Dès lors nous oubliâmes toutes tes qualités, les relations d’amitié que nous avions eues avec toi pour ne plus rechercher dans nos souvenirs que ce qui pouvait corroborer la certitude qu’on venait de nous inculquer. Tout y fut matière.

Sur cette lettre, Adrien Abauzit se surpasse, expliquant qu’elle est « anonyme » et il ajoute, triomphant : « une lettre anonyme authentique ». Et de conclure : « Que peut valoir une telle pièce en justice ? » C’est vraiment décourageant… Décourageant de ne rien comprendre de ce qu’est l’histoire et le travail de l’historien, décourageant d’user de tels arguments pour écarter telle pièce contraire à ce qu’il veut que les choses soient. Cette lettre n’est pas anonyme… Elle est, dit Dreyfus, « d’un de mes camarades à l’État-major de l’armée en 1894 et qui redevint, quand il fut éclairé, un de mes meilleurs amis et défenseurs ». Un camarade, dont il recopie un extrait de la lettre, qu’il connaît et dont il ne donne pas le nom parce qu’il écrit en 1905, qu’il compte alors publier et qu’il est discret… Et ce sont des souvenirs, qu’écrit Dreyfus pas un mémoire en défense ! Et c’est amusant de voir Adrien Abauzit « rejeter » cette lettre et foncer tête baisser dans le témoignage de Cuignet que nous évoquions précédemment, témoignage dont nous avons montré le caractère plus que suspect et d’autant plus suspect que Cuignet affirme l’avoir porté devant la Cour et qui n’existe ni dans la sténographie autographiée, ni dans la sténographie imprimée… « Que peut valoir [un tel témoignage] en justice ? » devrait dire Adrien Abauzit.

P. 62-63. Où nous essayons de faire comprendre à Adrien Abauzit, à propos du passage du bordereau relatif au manuel de tir, et de la réponse qu’il fait à nos objections, qu’il est difficile d’être convaincant en jouant le jeu qui est le sien… De « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit qui se contente de triompher parce que nous reconnaissons avoir commis une imprécision. C’est amusant, cette manière de faire : bomber le torse quand l’adversaire reconnaît – ce qui est plutôt digne de sa part – son erreur (et là en l’occurrence juste une imprécision) et taire tout au long de sa réponse les réfutations indiscutables qui lui sont opposées. Indiscutables et donc indiscutées.
Dans sa réplique, Adrien Abauzit avait fait preuve d’une curieuse manière de servir la vérité en faisant semblant de ne pas comprendre et nous nous en étions désolé. En réponse, il renchérit. Nous avions publié la couverture du manuel de tir de 1895 pour montrer que la publication était annuelle et indiquer ainsi la faiblesse, à ce propos encore, de l’argumentaire d’Adrien Abauzit. Puisque Dreyfus savait quelle était la périodicité du manuel et qu’il était censé l’avoir eu en juillet par Jeannel, pourquoi aurait-il demandé à deux autres camarades, en août et en septembre, quand sortirait le prochain ? Il avait dû voir sur la couverture – comme celle que nous reproduisions, et c’est pour cela que nous la reproduisions – le millésime qui indiquait une périodicité annuelle. Adrien Abauzit avait fait semblant de ne pas comprendre – ou peut-être ne comprend-il pas – et avait écrit : « Il n’est pas soutenable d’affirmer qu’en 1894 Dreyfus aurait pu apprendre la date de parution du prochain manuel, en s’appuyant sur la photo d’un manuel datant de 1895… » Et à son habitude Adrien Abauzit reprend tout cela sans tenir compte de ce que nous lui disions et vient nous donner une première petite leçon de français – la prochaine, magnifique arrive – en nous indiquant que « 1895 », que nous donnions en rectification à « été 1895 » qui était une erreur, n’est pas une date de parution mais une année de parution, que cela, écrit-il dans une curieuse langue, « n’apporte aucune précision digne de ce nom relative à la problématique de l’espèce » et donc que l’argument « s’effondre […] de lui-même ». Notre formulation était imprécise (triomphe, ô Adrien !) mais demeure valable pour la démonstration qui est de demander pourquoi Dreyfus aurait pu chercher à savoir auprès de deux camarades si le nouveau manuel allait bientôt paraître quand il savait que sa périodicité était annuelle et ne pourrait donc en toute logique avoir lieu avant l’année prochaine.

P. 63-64. Où nous regrettons, à propos du témoignage de Sibille, la manière qui est celle d’Adrien Abauzit de ne retenir que ce qui peut être utile à sa thèse… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

65-67. Où nous corrigeons le petit cours de grammaire fautif fait par Adrien Abauzit et lui proposons, à propos de la phrase du bordereau relative au manuel de tir, un argument qui mérite devoir être discuté… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit et on le regrette parce que nous étions vraiment impatients de lire ce qu’il avait à dire, après notre rectification qui est un petit cours de français à l’usage des collégiens. Adrien Abauzit préfère ignorer comme il préfère ignorer l’argument au sujet de l’envoi ou du non envoi du manuel de tir à Schwartzkoppen. Dans notre réponse, nous reprenions un argument raisonnable de notre critique :

Comme nous le disions dans notre compte rendu, argument non sophistique et non psychologisant qu’Adrien Abauzit écarte dans sa réponse quand (ou parce que) il est le plus frappant : l’auteur du bordereau envoie à son correspondant : 1° une note, 2° une note, 3° une note, 4° une note, 5° le manuel de tir. S’il avait envoyé une note sur le manuel et non le manuel, comme le soutient Adrien Abauzit, sans doute aurait-il continué avec un 5° qui aurait été, comme les autres : « une note sur le manuel… » ? La chose est évidente car en effet qu’est-ce qu’un bordereau ? Un bordereau est un document récapitulatif, une liste énumérative de pièces. Donc si on écrit, ainsi que commence le bordereau, qu’on adresse par un courrier « quelques renseignements intéressants » qui sont : 1° une note, 2° une note, 3° une note, 4° une note, 5° le manuel de tir, c’est qu’on a envoyé 4 notes et un manuel de tir… et non pas 5 notes… Et y voir 5 notes quand on dit avoir envoyé un manuel est un pur et simple bricolage.

P. 67-69 et 69-71. Où nous proposons à Adrien Abauzit, une explication, elle aussi raisonnable, au sujet de la nature du bordereau… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 71. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la phrase du bordereau relative au manuel de tir, une autre lecture possible que celle de l’accusation… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 71-72. Où nous proposons à Adrien Abauzit de relativiser le témoignage de Roget… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit. Revenons un peu sur la question de cette phrase du bordereau relative au manuel de tir parce qu’elle passionnante (même si au final elle ne dit rien du tout de la culpabilité de Dreyfus) et qu’en effet les deux lectures – manuel proposé ou envoyé – sont possibles – celle de l’accusation, que reprend Adrien Abauzit, et celle que nous proposons. Redonnons-le texte :

5° Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894). Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer et je ne puis l’avoir à ma disposition que très-peu de jours. Le ministère de la guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. Si donc vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après, je le prendrai. À moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie.

Première lecture (accusation) :

Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894). Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer [i.e. je ne l’ai pas] et je ne puis l’avoir à ma disposition que très-peu de jours [i.e. et si je le récupère je ne pourrai l’avoir que peu peu temps]. Le ministère de la guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. Si donc vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après [i.e. si vous êtes prêt à faire la copie de ce qui vous y intéresse et me le rendre], je le prendrai [i.e. je le le procurerai et vous le transmettrai]. À moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie.

Seconde lecture :

Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894) [i.e. le voici]. Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer [i.e. j’ai eu du mal à l’avoir] et je ne puis l’avoir à ma disposition que très-peu de jours [i.e. et je ne l’ai que pour quelques jours]. Le ministère de la guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. Si donc si vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après [i.e. si vous voulez y copier ce que vous intéresse et me le mettre de côté une fois que vous aurez terminé], je le prendrai [i.e. je viendrai le récupérer]. À moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie [sauf si vous préférez que je vous envoie une copie que je ferai réaliser et sous-entendu ici, il faut me le rendre].

Les deux versions sont possibles étant donné la langue plus qu’approximative dans laquelle est écrit ce morceau. Mais ce qui importe, et que nous évertuons à expliquer à Adrien Abauzit, c’est que ce texte ne vaut que par son contexte et que c’est ce contexte qui permet d’en comprendre le sens. Reprenons le bordereau, et ce que nous disions précédemment :

……………………… je vous adresse cependant, Monsieur, quelques renseignements intéressants :
1° Une note sur……………………….
2° Une note sur……………………….
3° Une note sur……………………….
4° Une note relative à……………..
5° Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894). ………………………..

Si l’auteur du bordereau avait envoyé une note sur le manuel et non le manuel, comme le soutient Adrien Abauzit, sans doute aurait-il continué avec un 5° qui aurait été, comme les autres : « une note sur le manuel… » ?

……………………… je vous adresse cependant, Monsieur, quelques renseignements intéressants :
1° Une note sur……………………….
2° Une note sur……………………….
3° Une note sur……………………….
4° Une note relative à……………..
5° Une note sur le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894).

Si on écrit, ainsi que commence le bordereau, qu’on adresse par un courrier « quelques renseignements intéressants » qui sont : 1° une note, 2° une note, 3° une note, 4° une note, 5° le manuel de tir, c’est qu’on a envoyé 4 notes et un manuel de tir… et pas 5 notes… Il est dommage qu’Adrien Abauzit ne veuille pas poser son regard sur cette réalité plutôt que de s’époumoner dans des improvisations sémantico-grammaticales approximatives.

P. 72-73. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du « questionnaire du 27 septembre », de se méfier de ce que disent les témoins de l’accusation et de retourner aux sources… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 74. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, de croiser les dépositions et de ne pas juste se contenter d’y relever ce qui sert sa thèse… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 74-75. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, de pousser un peu plus loin sa réflexion et de réfléchir au fait que la question de l’écriture compte peu relativement au fait de savoir qu’il provient de la poubelle de schwartzkoppen… Cette fois – on commençait à s’ennuyer –, de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit (p. 78-79). Ramassant nos objections, observations et réfutations en une idée – sans doute parce que notre phrase est en capitales et en rouge –, il écrit : « SI LE DOCUMENT VIENT DE LA VOIE ORDINAIRE, COMMENT POURRAIT-IL ETRE OBLITÉRÉ ? » Pour Adrien Abauzit, la réponse est simple, elle est un postulat : le petit bleu ne peut venir de la poubelle de Schwartzkoppen puisqu’il « a été introduit par Picquart » dans les cornets de la Bastian ! C’est pour lui le début de la discussion… même si dans ce cas, il faut bien admettre qu’il n’y a pas de discussion à avoir puisque cela revient à dire que Picquart est un menteur et un agent du Syndicat…. avoir pour argument qu’il est un faux parce qu’il est un faux ne nous permettra pas d’avancer. Essayons alors de savoir si le petit bleu est un faux de Picquart et tentons de réfléchir sur la base du postulat d’Adrien d’Abauzit et de ce que qu’il considère comme une démonstration. Admettons donc que Picquart ait introduit le petit bleu qu’il aurait fabriqué dans le cornet de la Bastian. Il cherche ainsi à faire croire qu’il vient de la voie ordinaire, et donc de la poubelle de Schwartzkoppen, pour lui donner la crédibilité nécessaire… Mais, manque de chance, ses subordonnés ne le suivent pas. Il a alors une idée lumineuse. Puisqu’on ne croit pas que le document vient de la poubelle de Schwartzkoppen, il va faire croire, pour donner au document les caractères d’authenticité qui lui manquent, et ainsi convaincre ses chefs, qu’il a été posté à Esterhazy. Re-manque de chance, pour lui donner l’aspect crédible d’un document venant de la poubelle, quand il l’a introduit dans le cornet de la Bastian, il l’a déchiré – c’est ballot – en menus morceaux. Le petit bleu qu’il a maintenant en mains et qu’il veut faire passer comme ayant été posté, a été reconstitué mais est recouvert de bandes de papiers collants qui recouvrent les nombreuses déchirures. Flûte alors ! Un document qu’il va être difficile de faire passer pour une lettre postée. Pour qu’il puisse en avoir l’air (d’avoir été posté), il a une simple et bonne idée (la deuxième en très peu de temps) : faire des photos pour faire disparaître les bandes et les déchirures et y faire apposer un timbre. De plus, ayant eu la curieuse idée, en faisant son faux, ne de le signer d’un « C. » qui ne désigne personne et de ne pas avoir pensé à imiter l’écriture de Schwartzkoppen dont il a des monceaux de spécimens à la SS, il va demander à ses subordonnés de certifier que ce document est bien de l’écriture de Schwartzkoppen. Il faut convenir que s’il n’avait pas été très malin, en faisant son faux, en ne pensant pas à la question de l’écriture ou à celle de la signature habituelle (le « nom de guerre ») de Schwartzkoppen, là, il se montre vraiment rusé. Et ce qui est vraiment rusé, c’est de faire cette demande à ses subordonnés, ceux-là mêmes qui n’ont pas été dupes de sa manœuvre ! Il a l’intention de tromper ses chefs parce qu’il a compris que les subordonnés auxquels il a montré le document dont il espérait tant n’y croient pas mais c’est à eux que ce Clausewitz de la rue Saint-Dominique demande de l’aider et ainsi de devenir complice de la falsification… Parce que, bien évidemment, ce Sun Tzu de la Section de statistique est persuadé qu’ils obéiront et qu’ils ne diront rien aux grands chefs de la manœuvre tout à fait extraordinaire qu’il est en train de mettre en place dans le but de faire réhabiliter un traître (Dreyfus) et de faire condamner un innocent (Esterhazy). Il se dit que tout se passera suivant ce plan dont l’audace ne peut échapper à personne et que ses subordonnés arriveront sans doute à donner l’aspect d’un document saisi à la poste au petit bleu qui est dans cet état :

Sans doute doit-il être sûr, avec les moyens qui se sont de la retouche d’image en 1896, qu’ils parviendront à le faire paraître comme neuf et même à reconstituer les morceaux manquants.
Quant à l’argumentation de « juriste » selon laquelle le petit bleu étant un « brouillon », non posté, non écrit et non signé par son destinateur, « n’est qu’un morceau de papier, dépourvu de toute valeur probante », Adrien Abauzit devrait justement s’apercevoir que c’est justement en cela que réside la meilleure indication de sa véracité, l’indication que Picquart n’a pu le fabriquer. Comment Picquart aurait-il pu être assez crétin pour fabriquer contre Esterhazy la pire des preuves ?
Mais revenons au scénario abauzitien, parce que ce n’est pas fini. Ses subordonnés l’aideront à falsifier le petit bleu, ils ne diront rien à leurs chefs, les chefs seront convaincus par une photographie et les juges aussi. On lui demandera l’original ? Non, il l’aura détruit et justifiera le fait de montrer une unique photographie par « des raisons de sécurité ». Les juges se diront sans doute qu’entre un document et sa photographie, il n’y a pas grande différence au regard des questions touchant à la sécurité nationale et que si on voit une photographie on peut bien voir l’original qui en est à l’origine. Mais ils ne se le diront pas puisque c’est « pour des raisons de sécurité ». Picquart sait aussi, puisque tel est l’usage, que le chef de la Section ne statistique ne peut être présent au procès et que c’est Henry, son second, qui le représentera (comme il avait paru à la place de Sandherr en 1894 au procès de Dreyfus). Mais Picquart a confiance : Henry sera convaincu par le faux auquel il aura participé, faux justifié par le fait qu’il n’avait pas cru à son arrivée par la voie ordinaire. Bien sûr… Et surtout, tous, grands chefs et juges, seront convaincus que « bien qu’“arrivé” par la voie ordinaire, […] le Petit Bleu est une lettre authentique de Schwartzkoppen envoyée par la poste à Esterhazy » (premier livre d’Adrien Abauzit, p. 170). Ils trouveront peut-être curieux que puisse provenir de la poubelle de Schwartzkoppen une lettre envoyée à Esterhazy mais ils se diront sans doute qu’elle a été postée, qu’Esterhazy l’a reçue, et puis qu’elle est revenue toute seule à l’ambassade d’Allemagne où elle a été trouvée… Tout se tient…

P. 75-76. Où nous montrons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, que le postulat qui est le sien relativement au scepticisme de ses collègues ne correspond pas aux faits… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 76. Où nous montrons à Adrien Abauzit que les « tentatives » de « crédibilisation » du petit bleu par Picquart ne résistent guère à la simple logique… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 77-78. Où nous montrons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, qu’Henry et consorts n’étaient peut-être pas aussi subtils qu’il le croit… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 79-80. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que, contrairement à ce qu’il affirme, Esterhazy était en mesure de livrer les documents énumérés au bordereau… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 80. Où nous demandons à Adrien Abauzit de répondre à une question à laquelle il fait semblant de répondre… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 81. Où nous expliquons à Adrien Abauzit la fragilité de sa thèse sur la complicité Esterhazy-Picquart au service du « Syndicat »… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 81-82. Où nous indiquons à Adrien Abauzit quelques sources et quelques réalités historiques qu’il ignore et qui ruinent absolument sa construction des aveux d’Esterhazy comme déclencheurs de la révision… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 82-83. Où nous expliquons à Adrien Abauzit combien il se fourvoie sur la question du pseudo-empoisonnement de Krantz… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 83-85. Où nous expliquons à Adrien Abauzit la place qui est celle de Léonie dans la révélation de l’illégalité de 1894. Adrien Abauzit répond et nous commentons. Adrien Abauzit reprend son jeu qui consiste à faire semblant de ne pas comprendre. S’il avait donné, dans ce nouvel ouvrage, nos commentaires – vieux maintenant de deux ans et demi – plutôt que d’en extraire quelques passages en citations choisies et en écartant tous les arguments qui montrent de quelle manière sa conception de l’histoire ressemble à la manière dont Procuste envisageait le brigandage, il n’aurait pu ainsi simplement passer du temps faire de petits sauts de côté pour ne pas répondre. Mais nous ne lui reprochons pas ; Adrien Abauzit est avocat et n’est pas historien. Il n’est pas là pour dire la vérité mais pour sauver son client et pour cela l’effet de manche vaut souvent plus que l’argument. Prenons donc cette histoire Léonie. Dans notre réponse, nous tentions – parce que nous sommes opiniâtres – d’expliquer une simple chose à Adrien Abauzit : Léonie a eu une vision puisque Mathieu le raconte, comme il raconte tout dans son livre – la fausse évasion, etc. –, et que vraiment, si cela n’avait pas eu lieu, il n’aurait pas eu grand intérêt à la raconter. Nous ne disions pas autre chose et écrivons clairement que cette histoire de vision est « ahurissant[e] ». De quel droit, et sur quelle base, aurions-nous pu dire que Mathieu mentait ? Nous ne croyons définitivement pas aux visions mais nous n’avons aucune raison de douter de ce que dit Mathieu. Maintenant, écrire ça ne veut pas dire que nous y attachions une quelconque importance et c’est ce qui explique d’ailleurs que Bertrand Joly (qui soit dit en passant écrit une histoire politique de l’affaire, pas une histoire de l’affaire) et Vincent Duclert aient laissé de côté cet épisode dont l’intérêt est pour le moins relatif. Ce que nous disions à Adrien Abauzit, c’est que ce ne sont pas les séances de spiritisme qui permirent à Mathieu Dreyfus d’avoir cette certitude de l’illégalité mais les confidences de quelques-uns que sont Develle, Reitlinger, etc. Adrien Abauzit cite Mathieu qui dit bien qu’il n’insista pas quand Léonie lui fit part de sa vision et qu’il comprit quelques jours plus tard quand Gibert lui fit part de sa conversation avec Félix Faure. Ayant le sentiment de nous asséner le coup de grâce, Adrien Abauzit modestement triomphe : « Mes contradicteurs, je l’admets volontiers en tant que non-historien, sont bien mieux informés que moi en matière de « suggestion mentale», de « transmission de pensée», ou de possibilité de « voir à distance », dès lors, je crois reconnaître ne pas avoir les armes pour leur répondre sur ce terrain. » Un véritable coup de grâce… Nous nous étions refusés jusqu’alors de faire même une allusion, trouvant l’argument trop facile, à ce qui va suivre… Mais celui qui écrit la phrase qu’on vient de lire est le même que celui qui, dans son premier (p. 347), affirme hautement qu’il « ne crain[t] pas d’écrire que de sa main, [en 1917] la Vierge a repoussé l’envahisseur » et – la démonstration de la réalité du fait n’est pas évidente – qu’il « faut bien croire que les Français de l’époque, ayant vécu ces événements, ont bien assisté à cette intervention de la Vierge, puisque le 9 juin 1924, la commune de Barcy a élevé un petit monument, sur lequel repose une statue de Marie. »
Mais revenons à Léonie… Adrien Abauzit en conclut donc : « Au bout du compte, retenons qu’“après un siècle de recherches, après des milliers d’articles, des centaines de livres, de dizaines de colloques”, personne ne sait comment Mathieu Dreyfus a été mis au courant de la violation du principe du contradictoire au procès de 1894, et par ce fait, de l’existence, du dossier secret. » Mais si, Adrien Abauzit, on le sait, nous vous l’avons expliqué et vous le reprenez p. 83 et le développez en citant Bertrand Joly p. 84. Pensez-vous que vos lecteurs auront oublié d’une page à l’autre ? Et en passant, il est dommage d’ailleurs qu’une nouvelle fois vous ne commentiez pas la réfutation que nous faisions de votre : « de son vivant, le docteur Gibert n’a jamais déclaré avoir reçu de confidences de Félix Faure ». Dommage que vous n’évoquiez pas le document inédit que nous vous avons soumis, signé de Gibert, de son écriture et sur son papier a en-tête, qui sont justement ces confidences écrites faites à Mathieu… Un document qui, sans doute, serait, lui, recevable en justice….

Il est temps de conclure. Notre faillite a été prononcée par Adrien Abauzit qui nous répond en ne donnant que de petits bouts de ce que nous disons, en tirant les phrases de leur contexte, et en laissant de côté tous les moments, si nombreux en 142 000 signes, où nous lui expliquions tout ce qu’il ignore de l’affaire Dreyfus et aussi de la langue française sur laquelle pourtant, chantre – et héraut – de la « refrancisation », il devrait concentrer ses efforts. Nous avons conscience que cette discussion est vaine et qu’on ne pourra jamais parvenir à réfléchir avec quelqu’un qui plaide plus qu’il ne discute en essayant de donner le sentiment au lecteur peu informé qu’il fait de l’histoire. Mais peu importe, nous nous y obstinons parce que la SIHAD est, aux termes de l’article 2 de ses statuts, et elle s’y obstine, une « association à vocation scientifique, [qui] se veut animée par un esprit de vigilance à l’égard de la vérité historique. »

Petit PS.
Nous ne nous occuperons pas de son petit texte sur le Polanski qui est à l’image du reste. On ne peut reprocher au film (dont la critique que nous avons publiée est sans appel ; voir ici) de ne pas montrer tel un ou tel autre quand son angle est de voir l’Affaire à travers Picquart et l’État-major. Mais nous voudrions juste lui donner une dernière précision que nous avions décidé, à la lecture de son premier, de laisser de côté et dont nous parlerons finalement puisqu’il y revient. Adrien Abauzit nous explique qu’Henry n’était pas antisémite – il l’a « démontré ailleurs », écrit-il avec un sens de l’hyperbole qui laisse pantois – parce qu’il avait des « relations » « excellentes », voire de « camaraderie », avec Bertulus, un juif. Passons sur le fait qu’on puisse être antisémite en ayant un ami juif, et invitons Adrien Abauzit à s’interroger sur cette judéité de Bertulus, fils de Joseph Evariste Laurent Bertulus et de Julie de Talleyrand-Périgord, elle-même fille d’Edmond Alexandre de Talleyrand-Périgord et de Dorothéa von Biron de Courlande de Dino, elle-même fille de Pierre von Biron de Courlande et d’Anne Dorothée von Medem, elle-même fille de Georg Johann Friedrich von Medem et de Louis Charlotte Zoege von Manteufel, etc…

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[1] La Révision du procès de Rennes (15 juin 1906-12 juillet 1906). Réquisitoire écrit de M. le procureur général Baudouin, Paris, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, 1907, p. 792.

[2] Dans son article de L’Éclair du 6 mars 1906, il expliquait que Gribelin et Gonse lui avaient affirmé que jamais, au grand jamais, ils n’avaient reconnu, lors de leur audition, que la mention de date sur la pièce 267 fût de la main d’Henry. C’est pourtant, non pour Gonse mais pour Gribelin, ce qu’on peut lire dans la sténographie (La Révision du procès de Rennes. Enquête de la chambre criminelle de la Cour de cassation (5 mars 1904-19 novembre 1904), Paris, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, 1908, t. I. p. 201).

[3] Même si au final elles ne prouvent pas grand-chose relativement à la culpabilité de Dreyfus.