Une conférence de Bertrand Joly, en ligne depuis quelques jours, sur le thème de son dernier livre, fondamental et novateur, qu’il faut absolument avoir lu (compte rendu ici).
Une conférence de Bertrand Joly, en ligne depuis quelques jours, sur le thème de son dernier livre, fondamental et novateur, qu’il faut absolument avoir lu (compte rendu ici).
Bertrand Joly, Histoire politique de l’affaire Dreyfus, Paris, Fayard, 2014, 784 p. 32 €
Ce livre est considérable. Agréable à lire, fondé sur une érudition impeccable, libre et distancié, drôle souvent, il est et demeurera longtemps un des trois ou quatre livres importants écrits sur l’Affaire. Le parti pris de Bertrand Joly est en soi original : appréhender non l’Affaire de « l’intérieur » mais de « l’extérieur », non par « le bas » mais par « le haut » ; non du côté de la famille Dreyfus ou de l’État-major mais du côté du gouvernement et de la représentation nationale, non du côté des journalistes et des publicistes mais de celui de la presse, non du côté des individualités mais de celui des groupes ou des institutions auxquelles ils appartenaient. L’affaire Dreyfus, l’affaire Esterhazy, l’affaire Zola, l’affaire Picquart, l’affaire Du Paty de Clam, « l’affaire de Dreyfus » sont à peine évoquées ici, autrement que parce qu’elles permettent de comprendre l’enchaînement des événements – constituant pour ainsi dire, dans cette perspective « retournée », le contexte –, et s’effacent pour laisser la place à l’Affaire, l’affaire politique, dont sont retracées, sur la base d’un travail archivistique étourdissant, les péripéties et fixés les causes, les enjeux et les conséquences en une analyse minutieuse et fine. En décalant ainsi le point de vue, le livre de Bertrand Joly nous offre à lire véritablement une autre histoire, qui est aussi celle des débuts de la Troisième République, une histoire de ses structures, des courants, des groupes et des hommes qui en étaient les acteurs et dont l’auteur suit pas à pas les positions, les hésitations, les évolutions. Mais avant tout, ce grand livre donne un tout autre éclairage à la célèbre Affaire qui remet en question tant d’évidences qui ne le furent en fait jamais et dont l’acceptation, l’exposition et la répétition ont faussé la perception de l’événement. Bertrand Joly nous extirpe de cette vision imposée d’un combat du bien et du mal, de la grande cause morale qui déchira la France pour nous montrer, en ramenant l’Affaire dans ses causes à ses justes proportions, ce qu’elle fut vraiment :
Félix Faure, Journal à l’Élysée (1895-1899), édition établie par Bertrand Joly, Paris, Éditions des Équateurs, 2009, 408 pages. 21,90 €
Bertrand Joly, qui nous a livré sur la période et tout particulièrement sur le mouvement et la mouvance nationalistes des travaux fondamentaux, nous donne ici à lire le Journal de Félix Faure. Une véritable mine de renseignements qui nous permet aussi de relativiser non seulement l’image de nullité crasse que décernèrent les dreyfusards à Faure (« Il a rejoint le néant, il a dû se sentir chez lui ») mais encore celle de dernier rempart contre la révision que, déjà, nous avaient indiquée les souvenirs de Louis Le Gall (Charles Braibant, Félix Faure à l’Élysée. Souvenirs de Louis Le Gall, Paris, Hachette, 1963). On y voit, entre autres, de quelle manière il fut « tenu » par son ministre de la Guerre qui préféra, comme Faure le lui dit, se placer « dans la main d’Esterhazy » en refusant de donner suite aux demandes de poursuites qu’il préconisait, ne fût-ce que pour les lettres téméraires que le « uhlan » lui écrivait directement. « Une mine d’informations » en effet, sur les coulisses du pouvoir et sur les acteurs du temps mais aussi sur l’Affaire…
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