Dreyfus et Bernard Lazare nouveaux produits du marketing antisémite

affichetteVILLENEUVE-SAINT-Alain Soral, maître à « penser » du « comique » Dieudonné, défraie la chronique avec sa maison d’édition. Après la réédition du Salut par les Juifs de Léon Bloy, réédition abusive qui a suscité une salutaire réponse de Pierre Glaudes (voir ici), Soral continue à rééditer des textes dont la loi sur le droit d’auteur lui permet de se saisir.

Il avait ainsi réédité, en 2011, L’Antisémitisme son histoire et ses causes de Bernard Lazare. Pourquoi cette réédition ? Parce que le livre était introuvable nous dit Soral. Il l’était certes dans les années 1980, époque à laquelle Soral l’a découvert, mais a été réédité plusieurs fois depuis et est en ligne depuis la fin des années 1990 (voir ici).
Nous n’avons pas encore lu la préface qu’il en a faite et nous reviendrons sur le sujet dès que cela sera fait. Mais on peut déjà se donner une idée des motivations et de l’esprit qui sont à l’origine de cette réédition en écoutant la vidéo présente sur le web qui en parle. En 12 minutes d’interview, il y accumule les approximations et les contre-vérités. Après un passage sur le Lazare dreyfusard, qui reprend ses propos habituels donnés ailleurs et un peu partout (l’Affaire serait une « manipulation pour disqualifier l’armée […] et rendre inattaquable la communauté dominante qui l’était déjà à l’époque » ; « L’Aurore dans la main de qui l’on sait »), il s’attarde sur la sionisme de Lazare, occasion de nous expliquer qu’il s’en sépara quand il prit conscience du caractère « néo-biblique » du projet et de la volonté de ses compagnons de réaliser le projet nationaliste juif en Palestine. Cela est faux et j’aimerais apprendre à Alain Soral ce qu’il ne sait pas. Inutile de revenir sur cette affaire complexe dans le détail (je me permets pour cela de renvoyer à mon Bernard Lazare) et abordons juste sur la simple question territoriale. Si monsieur Soral avait fait son travail d’éditeur, il aurait pu rencontrer cette déclaration de Lazare à la presse : « Le sionisme en France n’existe pas, et si je suis sioniste, ce n’est pas à cause des cent mille Juifs de France, mais à cause des millions de Juifs de Russie, de Roumanie, et de Galicie. Les Juifs en France peuvent se convertir, cela ne les concerne pas. La question est : que faire des millions de nos frères en Europe de l’Est qui sont accablés par leur misère. Dans la mesure où je vois pour eux un futur dans Sion, je suis sioniste. » (The Jewish World, 3 juin 1898. Repris dans Juifs et Antisémites, Paris, Allia, 1992, p. XXIV) Et pour le reste, il aurait dû aussi dire dans sa préface de quelle manière Lazare, par la suite, considéra son texte. Peut-être l’a-t-il fait, je ne le sais pas encore et en parlerai dès que j’aurai lu ses quelques pages d’introduction. Mais on se doit, quand on réédite ce texte, rappeler qu’en 1896, à l’occasion d’une polémique qui l’opposa à Drumont, il avait précisé : « Je réécrirais aujourd’hui ce livre que j’aurais sans doute bien des choses à y changer, bien des choses à y ajouter » (« Réponse à M. Drumont », Le Voltaire, 24 mai 1896 repris in Contre l’antisémitisme, Paris, Stock, 1896 et dans Juifs et antisémites, p. 106). Et, aux derniers jours de sa vie, Lazare, dans son testament, donnant la propriété de L’Antisémitisme son histoire et ses causes à son épouse, exigea qu’en cas de réédition figure en tête un avertissement : « […] une édition peut-en être refaite, on mettrait cependant en tête que sur beaucoup de points mon opinion s’était modifiée » (A.I.U. Reproduit en annexe à la réédition préfacée par Jean-Denis Bredin de L’Antisémitisme, son histoire et ses causes – Paris, Les éditions 1900, 1990, pp. 417 et 418). Je n’ai pas lu, disais-je… Mais je doute, je ne sais pas pourquoi, que cet avertissement y figure….
à suivre…

Avant de finir, toutefois, un petit mot encore. Citons ces quelques lignes de Lazare que les amateurs de quenelles feraient bien de lire :

A ceux qui dénonceront devant toi le péril juif, réponds en attaquant le capital quel qu’il soit, juif ou chrétien : le capital sans qualificatif. A ceux qui t’engagent à crier à bas Israël, réponds encore à bas le capital, à bas la propriété, et ne sors pas de là, ne te laisse pas détourner de ta route par ceux qui veulent t’engager dans une impasse qui ne te conduira à rien. Va ! la finance, l’agio, le capital, la propriété, tous tes ennemis en un mot, ne sont pas juifs, ils sont universels, ils sont chrétiens, ils sont musulmans, ils sont bouddhistes. Prends garde à ne pas les aider et de ne pas compromettre ta cause en soutenant inconsciemment la leur. Ils se riraient de toi après que tu leur aurais servi sottement d’auxiliaire et profiteraient de leur victoire pour mieux t’asservir (Antisémitisme et Révolution, Lettres Prolétariennes, n° 1, mars 1895, p. 15).

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