L’affaire Dreyfus à Tel Aviv IV. Le texte du discours de Martine Le Blond-Zola

Mesdames, messieurs, chers amis,
C’est un grand honneur et un grand bonheur de me trouver parmi vous en Israël, et de prendre la parole à la séance inaugurale de ce colloque qui s’appuie sur une fructueuse coopération franco-israélienne nous invitant à revisiter l’Affaire Dreyfus.
Une Affaire, qui, au XXIème siècle, continue de résonner  dans une actualité où la défense des valeurs de courage, d’intégrité et de justice, si dignement portées par le Capitaine Dreyfus, doit demeurer au cœur des luttes pour toujours faire valoir la vérité et protéger nos démocraties.
Je suis très touchée par  votre accueil chaleureux et vous en remercie très sincèrement. Je suis sensible à l’hommage que vous rendez à mon illustre aïeul,  génie lumineux qui nous a tant apporté.
Beaucoup de talents ont contribué à  cet ambitieux événement. Je ne peux bien sûr nommer toutes les personnes qui ont œuvré. Mais, qu’elles en soient ici sûrement et vivement remerciées. J’adresse en particulier tous mes remerciements et toutes mes félicitations au professeur Michèle Bokobza Kahan et au professeur Dina Porat pour leur précieux investissement.
Ce colloque et la remarquable  exposition  soutenus par l’Ambassade de France en Israël et l’Institut français d’Israël, organisés sous l’égide de l’Université de Tel-Aviv et l’ensemble des partenaires dont la Sorbonne Nouvelle, voient le jour grâce au concours actif de Yaël Perl-Ruiz, arrière-petite-fille d’Alfred Dreyfus, qui a porté cette initiative avec enthousiasme et détermination dans le culte du devoir de mémoire.
Je voudrais te dire, chère Yaël, l’estime et l’affection que je te porte et l’admiration que j’éprouve pour ton aïeul. En effet, Alfred Dreyfus est resté debout malgré les souffrances et les humiliations. Il a fait front, animé par une haute idée de la justice et une bravoure exceptionnelle.
N’a-t-il pas subi suffisamment de souffrances pour en affronter une supplémentaire le 4 juin 1908 au cours de la cérémonie du transfert du corps de Zola au Panthéon où il fut blessé au bras par deux coups de feu que tira Louis Gregory, journaliste nationaliste et xénophobe ?
 
Je songe à Zola qui, au crépuscule de sa vie, avait l’intention d’écrire un roman sur le sionisme. C’est Maurice Le Blond, son gendre, mon grand-père, fondateur du Pèlerinage Littéraire de Médan en 1903, qui relate en 1927 dans son texte intitulé Les projets littéraires d’Emile Zola au moment de sa mort, cette information  reçue au cours de sa visite chez le maître en juin 1902 : je cite :
« Le thème d’une Jérusalem rebâtie, en plein Orient, par les fils disséminés d’une antique race, excitait son enthousiasme. Cela lui permettrait de dérouler une de ces fresques comme il savait les brosser et de renouveler sa palette.
 Seulement, il lui fallait ainsi qu’il le disait, se documenter sur place ;  et la pensée d’un long voyage inquiétait un peu le sédentaire que fut Zola, comme d’ailleurs, la plupart des écrivains de sa génération. Il me parla abondamment de ce projet.
Aussi, ai-je cru longtemps que le sionisme devait être le grand thème sur lequel il bâtirait Justice. Vraiment, aucune fatigue n’était visible chez Zola.[…] Je me souviendrai toujours de ce dernier entretien que j’ai eu avec Zola.
Je ne devais plus le revoir que sur son lit de mort, un lit chargé de fleurs, la face inerte, fardée par les embaumeurs, ce qui lui donnait sous la profusion des lumières électriques, la singulière apparence de quelque saint de l’Ecole Byzantine. »[1]
Zola, homme de bonté, d’audace, de loyauté et de grande droiture, défenseur de la vérité, a affronté le châtiment et l’infamie pour arracher un homme, AlfredDreyfus, à la plus ignoble des injustices, et la France, à la pire défaillance morale.
En ma qualité de vice-présidente de l’association « Maison Zola-Musée Dreyfus »[2],  je suis heureuse de vous informer que la maison de Zola située à Médan en région parisienne, actuellement en restauration  grâce à Pierre Bergé et aux partenaires publics, rouvrira au public à l’automne 2015. La maison, cadre de vie de Zola pendant 24 ans, va retrouver son lustre d’antan. L’ambiance d’époque sera ainsi reconstituée dans les pièces.
Enfin, je suis  fière d’être aux côtés de Charles Dreyfus, petit-fils d’Alfred Dreyfus, vice-président également de l’association,  pour vous faire part de notre projet de créer un Musée Dreyfus dans l’enceinte de la propriété de Zola. La lutte contre les discriminations y sera au cœur. Le Musée Dreyfus, musée de société, sera inscrit dans un contexte résolument contemporain : la personnalité de Zola et son engagement pour la défense du Capitaine Dreyfus ont en effet valeur d’exemple pour les générations à venir.
Aujourd’hui, la notion d’engagement s’incline trop souvent devant le culte du court terme, de l’image et de la réussite.
Il s’agira d’un musée contre l’injustice, contre l’intolérance, contre la haine raciale et antisémite. Il s’agira d’un musée fidèle au message que l’auteur de « J’accuse… ! » nous a laissé.
Chers amis, pour conclure, je formule le vœu, en toute confiance, que cette journée d’échanges, de réflexions, de mémoire, permette à chacun d’entre nous d’appréhender dans toute sa dimension l’immense héritage intellectuel et sociétal que l’Affaire Dreyfus et ses protagonistes nous ont légué.
Je vous remercie.

Martine Le Blond-Zola
Tel-Aviv, le 11 mars 2014

 


[1] Maurice Le Blond, Les projets littéraires d’Emile Zola au moment de sa mort, Paris, Extrait du Mercure de France, 38ème année – n°703 – 1er octobre 1927, pp. 7-8

2 réflexions sur « L’affaire Dreyfus à Tel Aviv IV. Le texte du discours de Martine Le Blond-Zola »

  1. hessel fernand

    en tant que président de l’association « Monument Dreyfus » à Mulhouse j’informe Martine Leblond-Zola que nous allons créer un monument du Capitaine à Mulhouse; un comité d’Honneur est en voie de constitution, je souhaite y associer l’arrière petite-fille d’Emile Zola .Veuillez me contacter. Dr. Fernand Hessel

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