Archives de catégorie : Actualités

Actus de l’Affaire

Une nouvelle histoire de l’Affaire

Philippe Oriol avait annoncé une nouvelle histoire de l’Affaire en trois volumes qui devait paraître en 2008-2010 chez Stock. Devant le peu de succès de l’entreprise, seul le premier volume a paru.

Le projet a été repris par Les Belles Lettres et paraîtra en septembre 2014 : deux forts volumes de 600 pages chacun qui couvriront la période 1994-2012. Cette nouvelle histoire repose sur un dépouillement systématique de toute la presse de l’époque ainsi que des fonds d’archives publics et privés. A côté des fonds connus et souvent assez peu utilisés (fonds Reinach, BB19, CAOM, etc.), cette histoire met en valeur de très nombreux fonds tout à fait inconnus, révélant ainsi de très nombreux inédits.

 

Dreyfus et la question homosexuelle

Une version longue de l’article de Pierre Gervais, Pauline Peretz et Pierre Stutin, publié dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine (2008/1 – n° 55-1, pages 125 à 160) est annoncée à paraître en octobre 2012 chez Alma éditeur.

Nous ouvrirons assurément à parution du volume une discussion sur cette question…

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Cahiers de l’Affaire Dreyfus

A paraître en 2015 :

Une étude sur Ferdinand Buisson dreyfusard par Samuel TOMEÏ

Une série inédite de Dreyfus : ses notes à Demange écrites à l’occasion du procès de 1894

Les interrogatoires des deux instructions Pellieux (1897)

Le blog de la SIHAD

La SIHAD, créée en 1996, a pour but d’offrir un espace à tous ceux – chercheurs, enseignants, scolaires, amateurs et curieux – qui s’intéressent à l’affaire Dreyfus et, à travers ce blog, de mettre à leur disposition des documents, des articles, des critiques sur l’Affaire et son actualité. Regroupant les spécialistes de l’affaire Dreyfus, elle se veut aussi animée, aux termes de ses statuts, par un esprit de vigilance à l’égard de la vérité historique.

 

N.B. Le blog de la SihaD est en cours de réorganisation. Un certain nombre d’articles, d’un intérêt relatif, vont donc disparaître ou partir pour revenir dans des formats plus ramassés et allant à l’essentiel. D’ici quelques mois, donc, un blog tout neuf, plus intuitif pour tout connaître l’actualité de l’Affaire et mettre à disposition des amateurs les sources et informations essentielles.

Adrien Abauzit sur Temporium Radio

Cette excellente radio recevait le 20 Adrien Abauzit. Comme toujours, nous rectifions les erreurs, approximations, inventions de l’auteur de L’Affaire Dreyfus, entre vérités et grosses ficelles.

La vidéo n’existant aujourd’hui plus, nous ne donnons que nos commentaires….

6’50. « Vous avez repris l’intégralité des procès de cette affaire ». Non ! Adrien Abauzit n’a travaillé sur aucune des procédures non publiées et conservées dans divers centres d’archives : il ignore l’instruction Pellieux, l’ instruction Ravary, les deux instructions Tavernier, l’instruction contre de Pellieux ; et encore les procès connexes : le procès Henry-Reinach, le procès Rochefort Valcarlos, le procès des ligues, le procès en Haute-Cour, le procès Grégori. Il n’a pas travaillé sur les ouvrages parus depuis le Bredin et n’a rien vu de la presse de l’époque ou des sources archivistiques pourtant essentielles à la connaissance de l’Affaire.

8’46. L’ouvrage de Bredin… Un des plus récents… Le Bredin est un un essai historique et littéraire plus qu’un livre d’historien date de 1983 ! Il y a 35 ans… Il a paru tellement de livres depuis, et tellement fondamentaux…

10’51. Le « procès Zola dans lequel on voit […] Picquart […] extrêmement en difficulté et en qualité d’avocat je trouve sa défense lamentable. Si malgré le fait qu’il soit si bien entouré, il n’a que ça à se mettre sous la dent, c’est qu’il y a un problème ». Non. Si Adrien Abauzit avait travaillé sur les sources, avait mieux lu les procédures (tout est dit dans la seconde enquête de la Cour de cassation) ou avait lu quelques livres parus depuis le Bredin, il aurait découvert que Picquart ne se défendit pas au procès Zola parce qu’on lui avait fait miroiter, s’il se conduisait bien, un retour en grâce. Et il y crut…

11’58. « Il y a eu un procès Esterhazy en janvier 1898 si ma mémoire ne me fait pas défaut » !!! Comment un auteur qui fait un livre en grande partie sur Esterhazy peut-il ne pas être sûr de la date du procès du personnage en question ?

12’45 Arrêt de 1906 violation du droit. Non. La rédaction de l’article 445 ne ferme absolument pas la porte à une cassation sans renvoi.

17’40. Bastian ne faisait pas sa livraison tous les jours, un mois après avoir récupéré les documents le plus souvent dit l’interviewer. Et Adrien Abauzit de répondre que « ça dépend », « c’est variable ». Non. Elle livrait plusieurs fois par semaine (donc quelques jours après) et la chose est importante parce qu’elle écroule un argument d’Adrien Abauzit à propos d’une pièce.

18’36. Le bordereau indiquait la présence d’une taupe à l’État-major. Non. Ça c’est la thèse de l’accusation (et d’Adrien Abauzit) que rien ne prouve. Le bordereau indiquait qu’il y avait une taupe dans l’armée ! La différence est essentielle…

19’30. L’influence de l’espionne madame Bodson. Il s’agit là d’une pure invention. Si la relation de Dreyfus avec Bodson est avérée, il ne fut jamais dit, par personne et pas non plus par l’accusation, qu’elle fut une espionne. Rien, nulle part, dans aucun document, dans aucune archive, n’évoque de relations d’espionnage de la Bodson.

19’50 Amorçage qui expliquerait le verdict de Rennes à 10 ans. Quelle preuve de cet amorçage ? Aucune. Et si Dreyfus avait « amorcé », n’aurait-il pas dit pour se disculper ce qu’il avait livré, quand, comment ? Et soutenir que le verdict de Rennes pourrait s’expliquer ainsi est une affirmation gratuite qui relève de l’astrologie.

21’. Attention attirée sur Dreyfus parce qu’il fallait passer par tous les bureaux pour avoir les documents du bordereau et que Dreyfus, stagiaire, est passé par ces bureaux. De plus Dreyfus était artilleur et le bordereau ne pouvait avoir été écrit que par un artilleur. Telle est la thèse de l’accusation que nous savons aujourd’hui fausse. Le bordereau contient des approximations de vocabulaire qu’un artilleur n’aurait pu commettre, la phrase sur le manuel de tir prouve (si on veut bien faire attention au texte) que son scripteur n’était pas à l’État-major et les notes fournies par le bordereau auraient pu être par exemple récoltée au camp de Châlons… Où Esterhazy était en 1894.

22’30. La question de l’antisémitisme aux débuts de l’Affaire. L’Affaire n’est pas une machination contre le juif Dreyfus mais la nécessité pour un ministre en péril d’agir vite pour préserver son portefeuille, nous en sommes tous d’accord. Cela dit, il est impossible d’écarter que l’antisémitisme avéré de Fabre et de d’Aboville, que celui de Bertin-Mourot (qui souffla le nom de Dreyfus à d’Aboville) n’ait pas joué.

23’21. « Il faut distinguer la question de l’antisémitisme dans le cadre du contradictoire et des débats judiciaires ; quelle est son importance concrètement dans les faits et après il y a son utilisation à l’extérieur de l’affaire »… Entre le 15 octobre et la fin du mois, l’antisémitisme ne joue pas à l’extérieur puisque l’arrestation de Dreyfus est tenue secrète. Cela dit, si Adrien Abauzit avait lu attentivement le Procès de Rennes qui est une de ses sources, il aurait appris que Mercier envoya d’Aboville, juste avant le transfert de Dreyfus au Cherche-Midi, pour demander au directeur de bien garder le secret de l’arrestation et le mettre « en défiance contre les démarches que tenterait la “haute juiverie” ». De plus, quand, aux derniers jours d’octobre, l’information de la découverte d’un traître fut livrée à la presse, elle le fut par deux hommes de l’État-major, et le fut à un seul journal : l’antisémite La Libre Parole… L’État-major et nul autre que lui fit de l’affaire du capitaine Dreyfus, et ce dès le début, une affaire ou la question juive comme on disait à l’époque avait à y voir.

23’47. L’expert Gobert « pourrait être pour, il pourrait être contre ; il ne se mouille pas trop ». Gobert ne se montra pas le moins du monde dubitatif. Il écrit dans son rapport : « La lettre anonyme incriminée pourrait être d’une personne autre que celle soupçonnée » et expliquera plus tard : « [Je] dis au général Gonse qu’il y avait lieu de prendre des précautions infinies, que le bordereau ne m’apparaissait pas du tout comme étant de la main de Dreyfus. J’engageai le général Gonse à une très grande circonspection. Je le priai de faire faire des recherches. » Et son rapport fut écarté (une étude entachée « sinon de nullité, au moins de suspicion » dit l’acte d’accusation de 1894) au motif qu’il avait cherché à savoir qui était la personne soupçonnée. En fait, il n’avait rien cherché à savoir mais Du Paty, qui lui avait transmis le dossier, avait laissé à l’intérieur le nom du suspect. Cela dit, en quoi le fait d’avoir cette information rendait son étude irrecevable sinon parce qu’elle n’allait pas dans le sens souhaité ?

26’88. La dictée. Dreyfus « modifie son écriture ». Non, aucunement, et il suffit d’aller voir le document pour en être sûr : https://wp.me/p4v5fs-23J et : https://wp.me/p4v5fs-2aH

27’26. La dictée. L’histoire des 5° degrés. Il faisait froid et d’autant plus froid qu’un grand feu, dont parle Dreyfus et que confirme Gribelin à Rennes, brûlait dans la cheminée. Il était donc imaginable d’avoir froid aux doigts.

30’13. « Pendant ses interrogatoires, Dreyfus va avoir un discours qui entre en totale contradiction avec sa défense ultérieure. » C’est absolument faux… Sa défense demeura la même : celle d’un homme qui criait son innocence et ne varia en rien dans ses explications. Il fut imprécis au début certainement, comme peut l’être un innocent accusé d’un crime dont ne lui parla pas pendant longtemps. Sur des questions précises sur des questions qu’il ne comprenait pas, il tentait de répondre imaginant ce qu’on lui reprochait et ce à quoi pouvait correspondre ce qu’on lui demandait. Dans des notes qu’Adrien Abauzit aurait pu trouver s’il avait travaillé dans les centres d’archives (des notes inédites écrites en 1894 avant le procès et que nous allons publier ici même dans quelques jours), Dreyfus écrit :

Dans les 17 jours qui suivirent, je subis plusieurs interrogatoires, dans ma chambre, à la prison, par l’officier de police judiciaire, Mr le commt du Paty de Clam. il venait vers le soir, avec son greffier, la haine dans les yeux, l’injure sur les lèvres, quand mon cerveau torturé n’en pouvait plus. ah, tout ce que j’ai entendu dans ces jours tristes et sombres ! Mon cœur tressaille encore. Je ne savais pas la moitié du temps ce que je répondais ; on me disait toujours, vous êtes perdu, il n’y a que la Providence pour vous tirer de là. Alors dans mon cerveau brûlé par la fièvre, j’ai inventé roman sur roman pour expliquer une énigme que je ne pouvais pas déchiffrer, pauvre naïf que j’étais. Je demandais toujours quelles étaient les preuves de l’accusation ; mais on refusait toujours de me les montrer. est-ce qu’à un criminel, on ne commence pas par lui montrer l’instrument de son crime, pour lui demander s’il le reconnaît ? – L’instrument du soi-disant crime, c’était comme je l’appris plus tard une lettre ! Pourquoi ne me l’a-t-on pas montrée ? L’officier judiciaire et son greffier me firent dire tout ce qu’ils voulaient ; je n’avais plus conscience de moi-même. Je ne croyais pas non plus qu’il fallût me défendre contre une accusation pareille. Un soir, comme je demandais qu’on me dise enfin de quoi il s’agissait, le greffier me répondit : « Votre situation la voici : supposez qu’on trouve votre montre dans une poche où elle n’aurait pas dû être. » L’officier de police judiciaire acquiesça du geste. Alors je compris que des documents à moi avaient été volés. Aussitôt voilà mon imagination en campagne […]. Personne ne peut se douter de ce que cela est que de se trouver, innocent, dans une sombre prison, en tête à tête avec son cerveau, et accusé du crime le plus épouvantable qu’un soldat puisse commettre. Et puis toujours, comme un spectre, cet horrible commt du Paty qui venait comme un fou, haineux et terrible me disant : « Vous êtes perdu, rien ne peut vous sauver. » Je rageais d’indignation et de douleur. Un soir, comme je disais au commt : « Comment pouvez-vous croire que moi, alsacien, auquel les allemands refusent tous les passeports, je puisse être un traître. » C’était pour mieux cacher mon jeu, me répondit-il. Un autre soir, l’officier de police judiciaire me dit : « On est sur les traces de vos complices, des arrestations sont imminentes, suivant le cas vous passerez devant la juridiction civile ou militaire. » Je devenais littéralement fou, je me voyais enfermé dans une trame inextricable. Un autre soir encore, l’officier de police judiciaire me dit : « Votre arrestation est secrète et cependant elle est connue dans toutes les officines allemandes ; celles-ci tremblent, elles vous brûlent en ce moment. » La nuit qui suivit fut la plus épouvantable de toutes. Je faillis me suicider, j’eus des heures d’égarement. Au milieu de la nuit, dans un moment de fièvre, je pris mes draps et me préparai à me pendre aux barreaux de ma fenêtre. Mais ma conscience veillait, elle me dit : « si tu meurs, tout le monde te croira coupable ; il faut que tu vives, quoi qu’il arrive, pour crier au monde que tu es innocent. » Jamais homme au monde ne souffrit comme moi. Mon cerveau était constamment brûlé par la fièvre. Le médecin dut me prescrire des bains de pied [illisible] ; il me donna également du sirop de morphine pour pouvoir au moins dormir quelques heures. Un jour, ma souffrance devant l’attitude haineuse de l’officier de police judiciaire fut telle que je lui dis, je crois : « Écoutez, déclarez que je suis innocent et je me tue ; j’en ai assez de la vie. » un soir, comme je lui criais encore que j’étais innocent, car c’était le seul mot que je pusse encore articuler, il me répondit : « L’abbé Bruneau a bien dit aussi qu’il était innocent et il est mort sur l’échafaud. » Enfin le 15e jour après mon arrestation, on me montra la photographie de la pièce accusatrice : c’était une lettre qu’on m’imputait. Cette lettre je ne l’ai pas écrite et les experts qui déclarent que c’est mon écriture se trompent. Si on m’avait montré dès le premier jour la pièce accusatrice j’aurais compris et j’aurais pu répondre victorieusement. Mais on me montrait des bouts de papier, des bouts de mots, on me posait des phrases ambiguës a double entente ; on faisait divaguer mon cerveau.

32’00. Les aveux. « Les contradicteurs dreyfusards diront que c’est faux ». ça l’est en effet et nous l’avons maintes fois montré dans nos travaux. La meilleure preuve du mensonge en étant d’ailleurs le faux que commettra Gonse, comme je l’ai montré dans mon Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours. Mais ce qui est étonnant, c’est le changement de cap d’Adrien Abauzit. Il défend ici les aveux et écrit dans son livre : « « Dreyfus, condamné pour ce qui est perçu comme étant à l’époque le pire des crimes, doit probablement se sentir couvert de honte et terriblement isolé. Les paroles qu’il adresse à Lebrun-Renault [sic pour Lebrun Renaud] sont, je pense, le signe d’un homme, objet d’une vindicte universelle, à la recherche d’un minimum d’empathie. » (p. 85). Dommage, nous préférions cette version. Mais il semble en fait que cette phrase veuille dire autre chose : « un cri du cœur » dit-il ici. Maintenant que nous dit que Lebrun Renaud, comme le montrera Jaurès dans ses Preuves, a bien entendu ce qu’il dit avoir entendu ?… et invoquer le témoignage de d’Attel (qui était d’ailleurs capitaine et non commandant) n’a pas de valeur. Il aurait fallu qu’Adrien Abauzit nous dise que Lebrun Renaud a entendu : « Le ministre sait que je suis innocent, il me l’a fait dire par le Comdt du Paty de Clam, dans ma prison, il y a quelques jours, et il sait que si j’ai livré des documents, ce sont des documents sans importance et que c’était pour en obtenir de plus sérieux des allemands » (drôles d’aveux qui accompagnent une protestation d’innocence) ; et que d’Attel, lui, se souviendra de : « Pour ce que j’ai livré, cela n’en valait pas la peine. Si on m’avait laissé faire, j’aurais eu davantage en échange ». Comment deux témoins ont-ils pu, au même moment, entendre des propos si différents ? Si Adrien Abauzit avait mieux travaillé, il aurait même pu en trouver d’autres des témoignages… qui tous donnent une déclaration encore différente.

35’18. La date du bordereau. « on a rattaché dans l’acte d’accusation en réalité des documents qui existaient mais qui n’étaient pas ceux vraiment visés ». Mis à part le fait que cette phrase n’a aucun sens, les documents de 1894 demeurèrent à charge contre Dreyfus jusqu’à Rennes et le sont encore dans le livre d’Adrien Abauzit. Le problème n’était pas là. L’accusation avait daté le bordereau d’avril pour qu’il collât avec les dates que l’accusation imaginait alors être celles de quelques-uns des documents. Au procès de 1894, Dreyfus avait fait remarquer que si le bordereau avait été écrit à cette date, il n’aurait pu – s’il l’avait toutefois écrit – annoncer quelque information datant de juillet telle que celle relative aux formations nouvelles d’artillerie. Du Paty avait alors tenté l’hypothèse selon laquelle le bordereau pourrait dater d’août et qu’ainsi « le partir en manœuvres » concernait bien les manœuvres d’automne où Dreyfus, jusqu’au « dernier moment », avait cru devoir aller. C’était pure improvisation de la part de Du Paty puisqu’existait une note officielle du 18 mai, signée du général Gonse, prévenant les stagiaires qu’ils n’iraient pas aux manœuvres. Dreyfus avait demandé que cette note fût versée aux débats. On ne le voulut pas et on était passé à autre chose… La date d’avril-mai avait été maintenue contre Du Paty et il avait été expliqué que la fameuse phrase ne qualifiait aucunement les manœuvres mais bien le voyage d’état-major auquel avait participé Dreyfus en juillet. Mais pourquoi avoir parlé de manœuvres dans le bordereau, dans ce cas ? Sérieusement, le commissaire du gouvernement expliquera dans son réquisitoire que Dreyfus n’avait pas écrit, comme il l’aurait dû, « “Je pars en voyage d’état-major”, car c’eût été signer la lettre-missive ».

37’33. La lettre Davignon. Adrien Abauzit ne se souvient plus si Panizzardi a écrit à Schwartkoppen ou le contraire. Est-ce sérieux ? Et si l’ami dont il est question ici est Dreyfus pourquoi est-il devenu une « canaille » dans une autre lettre quasi-contemporaine et sur laquelle Adrien Abauzit, qui nous révèle ce que fut la véritable affaire, se souvient assez imprécisément ? Est-ce sérieux cela encore ?

40’05. Le « D » de ce « canaille de D » est en effet l’initiale d’un pseudonyme. Que Mathieu ne le sût pas est évident et qu’il cherchât un officier dont le nom commence par « D » quand il apprit l’existence de cette pièce, est logique. Pour Picquart en revanche la chose est différente. Il fit en effet une enquête sur d’Orval (dont l’initiale du nom est « o ») mais il n’en fit jamais sur Donin de Rosière. Cette affirmation, avérée selon Adrien Abauzit, est un mensonge de l’état-major contre lequel s’éleva toujours Picquart et qui semble attesté par le fait qu’autant le dossier de l’enquête d’Orval est toujours dans les archives de la Section de statistique, autant celui sur Donin n’a jamais existé (ce qui est certifié à l’époque par l’accusation elle-même) ! Adrien Abauzit affirme une nouvelle fois quelque chose dont il ignore tout.

42’48. Le « funeste » (dans doute parce que créateur de la LDH) Trarieux et sa loi. Adrien Abauzit laisse entendre que la réforme de l’article 445 aurait été votée dans le but d’aider à la révision de Dreyfus. En 1895, Trarieux est loin, très loin d’être dreyfusard. Affirmation anachronique.

43’40. Léonie (one more time). Cela fait 10 fois qui nous lui faisons la réponse (il devrait vraiment nous lire). Il est inexact, grossier, peu honnête, de dire que Mathieu appris l’illégalité en passant par les services d’une voyante. Il le fit en effet, Léonie lui dit à ce sujet une phrase énigmatique qu’il ne comprit pas et comprit plus tard quand d’autres (Develle, Salles) lui apprirent ce qui s’était passé dans la salle des délibérations en 1894.
Gibert. Comment fut-il convaincu ? Comme beaucoup. Un traître alsacien, militaire, riche et qui ne cesse de clamer son innocence peut aider certains à développer ce genre de conviction. Consulter le dossier n’a rien à y voir. Beaucoup se mobilisèrent pour Sacco et Vanzetti, pour les Rosenberg, pour Ranucci (pour ne prendre que quelques cas connus) sur une intime conviction. Cette intime conviction qu’on demande juste à un juré populaire d’avoir…

46’30. Mathieu « met du gras autour des os » (drôle d’expression). Le témoignage de Félix et Faure et l’avocat non nommé. Dommage vraiment qu’Adrien Abauzit ne lise pas nos réponses. Nous avons ruiné ces âneries, sur lesquelles il s’obstine, à la toute fin de notre dernière (https://wp.me/p4v5fs-2aH), 20 jours avant la diffusion de cette émission. Sur l’avocat dont on n’a pas le nom, je remets le passage en question : « Quant aux autres témoignages, Adrien Abauzit nous montre une nouvelle fois avec assurance son ignorance. Parlant du témoignage du confrère de Demange dont il ignore le nom parce que Mathieu ne le donne pas, il affirme qu’on ne le saura jamais et que cette “confidence invérifiable ne vaut pas grand-chose” (p. 199). On sait qui il était, tout le monde en parle, et même Dutrait-Crozon… Il s’agit d’Émile Salles qui devait déposer au procès Zola mais qui ne le put pas parce que la question ne fut pas posée….. » On sait donc très bien comment les dreyfusards l’ont su : par Develle et Salles et surtout par l’article de L’Éclair du 14 septembre 1896 qui confirmait les témoignages en question… Il est incroyable de passer cette réalité sous silence (il est vrai qu’en parlant plus tard, Adrien Abauzit n’est plus sûr où l’article a été publié et se trompe dans la citation qu’il en fait ; 1’02’19) et de s’accrocher à l’épisode « rigolo » de la voyante. P. 82 de ses mémoires, Mathieu écrit à propos de cet article :

Adrien Abauzit aurait dû lire la totalité du livre de Mathieu Dreyfus.

50’.  L’homme de paille Esterhazy, « conviction étayée par un certain nombre d’éléments de fait ». L’affaire Souffrain. Richard Fremder encourage à lire le livre d’Adrien Abauzit, nous encourageons, sur le cas Souffrain, aberrant, à lire notre réponse : https://wp.me/p4v5fs-2aH (faire une recherche : « entretenir la farce »).

54’18. Le Petit bleu. Le Petit bleu n’est pas signé de Schwartzkoppen, n’est pas de l’écriture de Schwartzkoppen et n’a pas été envoyé. C’est donc un faux. Nous ne développerons pas plus notre réponse ici et renverrons, pour cela comme pour la pseudo-falsification, à une réponse précédente qui montre que la thèse d’Adrien Abauzit est une blague qui joue sur la crédulité de son lecteur. À lire pour en être définitivement convaincu : https://wp.me/p4v5fs-2aH (faire une recherche « improbable Petit bleu »). Et dire que Picquart va « intimer l’ordre » à Lauth de certifier que le petit bleu est bien de l’écriture de Schwartzkoppen est une affirmation qui ne repose que sur le témoignage de l’accusation (Lauth) qui d’ailleurs ne dit pas exactement cela. Quant aux autres témoins, ils diront la même chose que Lauth bien plus tard, quand les hommes de l’état-major auront accordé leurs violons. Auparavant, lors de l’instruction Ravary par exemple, instruction qu’Adrien Abauzit aurait dû lire, Iunck dit exactement la même chose que Picquart, à savoir qu’il avait dit à Lauth que si besoin était, il pourrait toujours dire qu’elle était l’origine de la pièce… ce qui est pour le moins différent.

1’01’15. La relation amoureuse des deux attachés militaires. Affirmation courante mais gratuite. Rien ne l’a jamais prouvé.

1’05’40. Picquart argue le « faux Henry » de faux et après lui les dreyfusards qui sont, dit Adrien Abauzit, « très bien renseignés, semble-t-il ». À présenter les faits ainsi tout est curieux. Déjà si les dreyfusards ont dit que la pièce était fausse c’est parce que Picquart l’avait affirmé au procès… et c’est tout. Et si Picquart put dire qu’elle était fausse, c’est parce qu’il ne l’avait pas vue et que chef encore de la Section de statistique quand elle était censée être arrivée, il aurait dû en avoir communication. C’est pour cela que, dès novembre 1896, quand Billot et Gonse lui en avait parlé, il avait déjà émis de sérieux doutes.

1’06’46 On ne parle pas tant que ça en mai 1898 du fait que Dreyfus soir juif. Comment est-il possible a quelqu’un qui connaît le sujet de soutenir cela sérieusement ? Si beaucoup de dreyfusards évitèrent soigneusement de faire dériver la question sur le sujet, la  presse dreyfusarde en parla quotidiennement et la presse antidreyfusarde, c’est-à-dire à peu près toute la presse, ne fit que cela dès l’arrestation, en 1894.

1’07’10. Cavaignac héros. Il est amusant que là Adrien Abauzit ne revienne pas sur la version de la découverte du « faux Henry » qu’il aurait pu qualifier d’officielle. Dans mon Histoire de l’affaire Dreyfus de 1894 à nos jours, je propose une autre version que je reproduis ici… 8 pages, sur la base des sources et uniquement des sources… Des sources qu’Adrien Abauzit est censée avoir en partie lue et dont il ne tire malheureusement rien :

1’09’17. La commission de révision. Voir encore notre dernière réponse : https://wp.me/p4v5fs-2aH (faire une recherche « commission »).

1’10’00. Le livre d’Armand Israël et son faisceau d’hypothèses troublant. Nous en avons longuement parlé ailleurs : https://wp.me/P4v5fs-fn (faire une recherche : « Les Vérités cachées de l’affaire Dreyfus »).

1’11’15. Les aveux d’Esterhazy, « au moment où le conseil des ministres allait refuser la révision » et où Brisson « ajourne le conseil des ministres », changent tout… Quel délire  et quel scandale de soutenir de telles choses avec une telle tranquillité. Redonnons ici les passages des mémoires de Brisson que nous avons déjà opposé à Adrien Abauzit qui s’obstine dans sa réécriture de l’histoire. Mais pour comprendre rappelons que la décision de la commission fut du 23, les aveux d’Esterhazy furent publiés dans la presse anglaise le 25 et la décision de saisir la Cour de cassation date du 26.

 

1’12’50. Les lettres Callé. Oui, les magistrats reçurent une lettre anonyme qui leur signalait qu’un huissier Callé possédait des lettres d’Esterhazy. Un juge enquêta, rencontra l’huissier qui lui remit en effet une lettre d’Esterhazy écrite sur le même papier que le bordereau et qui indiquait en effet, ce qu’on savait déjà, qu’il était allé au camp de Châlons en 1894. La chose n’est ni extraordinaire ni originale. Ces lettres furent expertisées et il ne fut jamais question de faux mais au contraire d’identité entre ce papier et celui du bordereau.

1’14’37. Le Procès de Rennes. « Reinach à mots couverts confesse une certaine admiration pour Mercier dans son Histoire. » Ah ? Sans doute alors quand il écrit, à propos de la déposition de Mercier à Rennes : « Mercier y procéda avec un art consommé, tronquant les textes, falsifiant les dates, faussant les faits, parfois rien que par l’incorrection et l’obscurité du langage, l’inexactitude voulue, le vague et l’équivoque systématiques, se contredisant dans la même phrase jusqu’à l’absurde, mais toujours de façon à conduire, à ramener les juges à l’abominable mensonge sous-entendu ». On est vraiment dans une gigantesque pantalonnade.

1’15’49. « Les fameux hasards » où Dreyfus était là. Nous avons montré que tout cela était encore un montage ahurissant qui ne fonctionne qu’à condition de lire dans les pièces censées le prouver ce qu’on veut y trouver. Et nous renvoyons à nos deux réponses publiées sur le site de la SIHAD. Dans le premier article, nous écrivions en conclusion, au terme d’une longue démonstration enrichie dans la réponse à sa réponse :

comme nous l’avons montré, il est fort peu probable
Que l’espion fut à l’État-major : c’est que dit clairement mémento Schwartzkoppen ;
Que si l’espion fut au 1erbureau lors du premier semestre 1893, ce puisse être la minute Bayle qui n’a jamais disparue qui le prouvera ;
Que si l’espion fut au 4èmebureau lors du deuxième semestre 1893, ce puisse être la lettre des « chemins de fer » de 1895 qui le prouvera ;
Que si l’espion fut au 2èmebureau lors du premier semestre 1894, ce puisse être les rapports Guénée, suspects, ou la lettre Davignon, qui ne parle pas d’espion, qui le prouveront ;
Que si le nom de l’espion a pour initiale la lettre D., cette initiale, comme en convenait Cuignet, put être celle de son nom et non celle d’un nom de code et que ce D, comme en convenait toujours Cuignet, put être Dreyfus.

1’17’20. Si on pense que les arguments des antidreyfusards sont faux, réfutons-les sans anathème et sans ricanement. C’est ce que nous faisons ici et il ne reste que peu de choses de la thèse d’Adrien Abauzit. Ce n’est pas ce que fait Adrien Abauzit en revanche qui insulte tout au long de son livre les dreyfusards et accuse le grand Marcel Thomas d’avoir tout bonnement inventé un pièce pour servir sa démonstration quand Marcel Thomas en donne les références et que par ailleurs cette pièce se trouve citée partout.

1’17’37. La preuve « Bouton ». Rien ne l’indique et Bouton (qui avait été successivement libraire, éditeur, agent de la police politique du gouvernement de Juillet, militant républicain en 1848, auteur et éditeur, agent secret du ministère de l’Intérieur à partir de 1858, paléographe, peintre héraldique, poète) en parla à deux reprises. Et la première fois, en février 1898, il ne raconta pas que Lazare avait essayé de l’acheter mais qu’après son refus, il lui avait laissé sa carte, lui disant repasser et n’était jamais revenu… La seconde fois, la carte de visite s’était transformée comme par enchantement en une proposition de versement de 100 000 francs. Quel témoignage !

1’19’58. Le chouchou d’Adrien Abauzit : Moiraud… Depuis son baptême le nom de l’écrituriste était Moriaud.

1’21’38. Témoignages antidreyfusards retenus quand il jugeait la contradiction dreyfusarde « nullissime ». C’est un mensonge absolu… Sur la question du contenu du bordereau, par exemple et de l’impossibilité qu’il fût d’un stagiaire et d’un artilleur, Adrien Abauzit ne cite aucune des études des philologues ou l’impressionnant rapport des généraux Brun, Balaman, Séard et VIllien qui ruine le pauvre argumentaire de l’accusation auquel il s’accroche.

1’22’15. Les éléments incontestables que sont le fait que Dreyfus restait tard au bureau. Cet argument qui a l’air de convaincre Richard Fremder est d’une faiblesse totale. Il ne tient que sur des témoignages pour le moins suspects et qui, contrairement à ce que dit Adrien Abauzit, furent contesté (sauf un épisode particulier) par Dreyfus.

1’23’35. Les 10 brouillons avec écritures différentes. Non, il existe en effet des brouillons mais tous avec la même écriture. Et puisqu’Adrien Abauzit parle de nous à la suite, nous nous devons ici aussi de le corriger. Nous n’avons pas écrit que « les choses n’étaient pas aussi nettes que ça et que comme Dreyfus s’ennuyait »… Extraordinaire de bout en bout la méthode Abauzit. Nous remettons donc ce que nous avons écrit :

Une nouvelle fois, Adrien Abauzit, qui n’a pas vu les archives, parle de ce qu’il ne connaît pas et qu’il a récupéré chez la pauvre commandant Carrière. Pourquoi trente brouillons ? Une manière d’occuper son esprit, peut-être… de ne pas devenir fou… à l’image de ces curieux et inquiétants dessins géométriques qu’il reproduisait à l’infini…

Les lettres et brouillons de l’île du Diable, dont la majeure partie nous est parvenue, montrent bien que la graphie de Dreyfus est demeurée la même… Et quand on regarde ces brouillons – dont Adrien Abauzit parle en les imaginant sur la seule base du pathétique réquisitoire de Carrière –, on peut constater que ces réécritures portent sur des améliorations de style et ne sont aucunement la recopie à l’identique d’un même texte…

1’25’00. « Les cartouches sont vidées » entre Adrien Abauzit et nous. En effet, il ne reste rien de sa thèse et nous regrettons qu’il ne réponde pas à notre dernière. Nous étions curieux de voir comment il allait tenter de s’en sortir.

 

Nouvelles du projet (19/10/2017)

Lu ce jour sur Allociné :

Depuis de longues années déjà, Roman Polanski s’efforce de mettre en chantier un film sur l’affaire Dreyfus adapté du livre de Robert Harris, « D. ». Récemment interviewé par AlloCiné, le cinéaste a confirmé que ce projet restait d’actualité. Mais les raisons qui empêchent Roman Polanski à tourner ce film sont multiples :
« Le problème du film, c’est la combinaison entre le casting et le financement. C’est un film cher et les films de cette envergure se font avec une star bankable, comme on dit vulgairement. Et les stars capables de satisfaire les financiers, je ne les vois pas dans le rôle de Picquart, qui est notre personnage principal.
A part ça, il y a une cinquantaine de rôles importants. Il faudrait qu’ils parlent tous avec le même accent dans la langue anglaise, sinon ça serait épouvantable.  Car, malheureusement, il faut faire le film en anglais, ce qui est un autre problème pour moi. C’est nécessaire pour que le film soit distribuable dans le monde entier. Débloquer les moyens financiers pour produire un projet pareil est impossible si on tourne en français, ce qui est vraiment un gros problème pour ce type de sujet. Il y a plein de problèmes. » (Propos recueillis à Paris par Gauthier Jurgensen le 16 octobre 2017).

Compte rendu du D. (An Officer and a Spy) de Robert Harris

Harris_DreyfusQue « les historiens ne s’en offusquent pas », écrit Gilles Heuré dans son compte rendu du livre de Robert Harris, mais « il est bien naturel que l’affaire Dreyfus, tombée dans le domaine public de l’histoire et déjà évoquée en leur temps par Roger Martin du Gard, Proust ou Octave Mirbeau, puisse faire aujourd’hui l’objet d’un roman. » Nous ne nous en offusquons pas mais avons en effet quelque méfiance de principe et d’autant plus que le projet de ce nouveau D. dû à Robert Harris n’est pas d’utiliser l’Affaire comme toile de fond mais de faire de l’Affaire un roman, autrement dit de nous donner à lire LE roman de l’Affaire Dreyfus. Inévitable donc, comme pour les adaptations cinématographiques, que l’événement soit simplifié, que certains acteurs soient oubliés quand d’autres trouvent une importance qu’ils n’ont jamais eue et que la dimension psychologique qui supporte la trame narrative trace des portraits qui ne sont pas toujours conformes. Le roman obéit à des règles que l’histoire ne connaît pas… En une note liminaire, l’auteur nous prévient d’ailleurs des libertés qu’il a pu prendre avec l’histoire. Et sur cette base, il nous livre en effet un roman passionnant, facile et agréable à lire, bien mené et haletant. Et de plus, relativement au sujet qui est le sien et à travers les pièces qu’il cite régulièrement, un roman bien documenté. Mais cela importe-t-il puisqu’il s’agit d’un roman ? Nous sommes là dans toute l’ambivalence qui est celle de cet objet tout à fait particulier et peu identifié. Il est un roman et peut donc faire ce qu’il veut de l’histoire réelle qui en est à l’origine tout en étant la narration d’un fait historique, documenté, fondé en partie sur un travail archivistique, et reposant sur la trame, les épisodes et les caractères de l’événement qui en est son sujet et dont l’auteur nous garantit d’ailleurs, en son liminaire, la « réalité » et le caractère « véridique ». « L’affaire Dreyfus comme vous ne l’avez jamais lue », nous dit l’argument marketing de la couverture. Roman d’histoire plus que roman historique donc ? Et dans ce cas – et je ne peux m’empêcher de penser au lecteur peu familier qui lira ici moins un roman d’Harris (tout en le lisant parce qu’il est un roman d’Harris) qu’un roman sur l’Affaire – D. demeure tout à fait problématique.

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L’Affaire Dreyfus. Nouvelle réplique au camp dreyfusard [sic] par Adrien Abauzit

Adrien Abauzit vient de rééditer l’exploit : écrire sur l’Affaire sur la base d’un corpus minimal dont il ne retient que ce qui « colle » avec sa « thèse », dont il oublie, avec une constance obstinée, ce qui viendrait la contredire et propose au final des interprétations forcées qui feront plaisir à ses lecteurs habituels, ceux qui veulent, parce qu’il le faut, que Dreyfus soit coupable.

Dans notre critique (voir ici), nous étions gardés, parce que nous refusons de nous placer sur le terrain qu’Adrien Abauzit a choisi et qui lui permet par exemple de qualifier le grand historien qu’est le regretté Marcel Thomas de « faussaire », d’entrer dans les arguments ad personam – qu’il confond avec les arguments ad hominem. Nous ne nous étions occupés que du livre, en disant et en montrant quelle farce il était et de quelles grosses ficelles il était fait… Ce parti pris, nous le conserverons – en montant et démontrant plutôt qu’en assénant –, mais il faut convenir qu’entre lui et nous il y a un monde et sans doute plusieurs qui ne sont pas que la République. Ainsi, quand nous répondons à ses « démonstrations », nous donnons son texte intégral et le commentons (voir ici). Adrien Abauzit, lui, quand il nous répond, ne donne que son texte (revu ; il s’agit de la réponse qu’il avait publié il y a deux ans et demi sur le site de sa maison d’édition), faisant quelques allusions choisies à nos objections (qui comptent 142 000 signes, tout de même), et écartant bien sûr tout ce à quoi il serait bien en peine de répondre… À ces objections, qui réduisent en fines particules les miettes qui composent sa thèse, il se contente d’opposer une petite note infrapaginale qui indique sa manière de mener la discussion et la controverse : « J’ajoute que la SIHAD a fait par la suite une “Réponse à ma réplique”. N’étant pas de ceux qui pensent que le dernier qui parle est forcément celui qui a raison, je n’ai pas jugé utile d’y répondre au moment de sa publication, d’autant que ma réplique initiale se suffit à elle-même [sic]. Je profite de cette publication pour finalement apporter quelques éléments de réponse nouveaux, car certains arguments de la SIHAD valent vraiment le détour… » La chose est pratique… Mais peu importe et répondons aux « nouveaux éléments de réponse », bien rares à vrai dire, en signalant tous ceux, si nombreux, qu’il a écartés…

L’introduction (p. 9-10 de ce nouveau livre). Adrien Abauzit est satisfait que la SIHAD ait été « contraint[e] de se rabaisser de répondre à l’hurluberlu qu'[il est] supposé être ». « Grande victoire », se réjouit-il, puisque ‘le système [c’est nous] a alors dû renoncer à sa principale arme : l’invisiblisation ». Contrainte ? Devoir ? Mais pourquoi ? Nous n’avons répondu, et contre l’avis de certains qui estiment qu’on ne répond pas aux « hurluberlus », que parce que nous l’avons décidé et parce que telle la mission que s’est fixée la SIHAD. Ni la prétendue « qualité » d’un travail, ni la Providence ne nous ont forcé la main… Maintenant, quant à dire qu’Adrien Abauzit et nous « sommes maintenant sur le même champ de bataille », c’est possible… mais il est clair, comme nous l’expliquions précédemment, que nous ne nous battons pas avec les mêmes armes et que nous refusons avec obstination de nous servir de celles qu’il affectionne.

P. 11 et 12. Où nous expliquons à Adrien Abauzit ce qu’est un historien et qu’un historien, s’il est historien, ne peut-être dreyfusard ou antidreyfusard… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 12. Où nous expliquons à Adrien Abauzit qu’il ne nous intéresse que comme auteur d’un livre sur l’Affaire… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 12-13. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que dire que « la SIHAD » est [en 2018] en contradiction avec Demange [en 1899] » est plutôt rassurant et où nous lui expliquons ce qu’est le métier d’historien… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 13-14. Où nous montrons à Adrien Abauzit qu’en n’aucun cas nous ne l’avons « godwinisé » et où nous profitons de l’occasion pour lui expliquer ce qu’est le « point Godwin »… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 14. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous n’avons jamais tenté de le disqualifier sur la base de ses précédents travaux en défense de Pétain… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 15. Où nous expliquons à Adrien Abauzit le peu d’intérêt que nous portons au fait qu’il soit ou ne soit pas historien mais qu’en faisant un livre d’histoire il fait œuvre d’historien… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 15-18. Ajout d’Adrien Abauzit au texte préalablement publié sur le site de sa maison d’édition. Adrien Abauzit constate à juste titre notre « condition de non-juriste » et soutient que ce cruel manque nous enlèverait « toute qualité pour apprécier au mieux l’affaire Dreyfus, dont le cœur est tout de même une série de procédure judiciaire ». Que dire ? On ne peut donc travailler sur l’armée sans être militaire, sur la culture du blé en Ouzbékistan sans être agriculteur ou ouzbek ou sur les crimes sans être un assassin ? Peu importe… Adrien Abauzit nous le prouve en allant commenter les travaux de deux historiens « dreyfusards » (nous avons essayé, sans avoir de « nouveaux éléments de réponse », en liminaire à notre réponse, de lui expliquer que « dreyfusard » et « antidreyfusard » sont des concepts qui n’ont plus cours aujourd’hui, que nous n’étions qu’historiens et que le fait de nous accorder sur l’innocence de Dreyfus parce qu’elle était une réalité et la vérité historique ne faisait pas de nous des « dreyfusards » mais très exactement des historiens), Vincent Duclert et Bertrand Joly, et nous donne un petit TD de droit sur le cas de l’article 445 du code d’instruction criminelle et, à la suite de l’Action française, de sa falsification par la Cour de cassation pour réhabiliter Dreyfus. Malheureux historiens qui ignorent ce que sait l’avocat, à savoir que l’article 111-4 du code pénal affirme que « la loi pénale est d’interprétation stricte ». C’est vrai… seulement c’est oublier l’interprétation téléologique qui permet au juge, quand le texte n’est pas clair, de rechercher l’intention du législateur, d’extraire l’esprit du texte – la fameuse ratio legis – et d’y subordonner sa lettre. Manque de clarté, donc, ou absurdité de l’interprétation littérale. Et c’est justement le cas dans lequel nous nous trouvons avec ce fameux 445, dans le cadre précis qu’est celui de l’Affaire. Expliquons un peu. L’article 445 dit que « Si l’annulation de l’arrêt à l’égard d’un condamné vivant ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié de crime ou délit, aucun renvoi ne sera prononcé », autrement dit, si Dreyfus est vivant, et qu’il n’y a pas crime, c’est-à-dire pas trahison, le renvoi devant un nouveau conseil de guerre ne sera pas prononcé. Mais il y a bien trahison. Donc, dans l’absolu, la Cour de cassation ne peut juger au fond, c’est-à-dire casser sans renvoi… Dreyfus est vivant, le crime existe, il y a donc à juger et il doit donc y avoir renvoi… Seulement, le cas qui est le nôtre ici est absurde et ouvre donc la porte à cette recherche de la ratio legis et par conséquent à l’interprétation téléologique. Absurde en effet – s’il est encore nécessaire de l’expliquer – parce les nouveaux juges militaires appelés à se prononcer sur le cas Dreyfus n’auraient pu que, soit entériner purement et simplement l’arrêt rendu par la Cour de cassation qui disait Dreyfus innocent, soit, en ne le suivant pas, condamner un homme dont l’innocence avait été solennellement prononcée par la juridiction suprême. Il est clair, comme l’écrit Baudouin dans son réquisitoire, qu’en « disposant qu’il n’y a pas lieu à renvoi, s’il ne subsiste rien qui puisse être qualifié crime ou délit, le législateur n’a pas entendu se placer à un point de vue abstrait. Il a eu évidemment en vue, comme le texte l’indique, le condamné en faveur de qui la condamnation est ordonnée[1] ». Voilà précisément ce qu’est une interprétation téléologique. N’eût-il pas en effet été absurde de voir Dreyfus jugé pour un crime qu’il n’avait pas commis simplement parce que le crime existait ? Qu’eût été en effet un tel procès où il n’y aurait plus rien à juger sinon le crime ?
Voilà donc une bien drôle de manière de discuter en ne donnant qu’une partie de l’information et en l’assurant par la simple affirmation d’une expertise qui, au final, semble plus que discutable.
Et quant à la fable de la falsification du 445 par la Cour de cassation, plutôt que de s’en tenir à Dutrait-Crozon et aux quelques autres qui s’en revendiquent ou tentent de maintenir vivante sa flammette, Adrien Abauzit aurait pu se reporter au texte de l’arrêt et constater que si la mise au clair de l’interprétation de la loi en était donnée à la fin des attendus (« Attendu, en dernière analyse, que de l’accusation portée contre Dreyfus rien ne reste debout ; et que l’annulation du jugement du Conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse, à sa charge, être qualifié crime ou délit »), le texte dans sa forme originale était lui aussi donné textuellement dans la première partie (« si l’annulation prononcée à l’égard d’un condamné vivant ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié crime ou délit, aucun renvoi ne sera prononcé »). Quel faux serait donc celui qui donnerait, avant le texte falsifié, le texte original, livrant ainsi lui-même la clé de la supercherie ?

P. 18. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous n’avons pas à son propos usé d’attaques ad hominem ou ad personam et quelle différence il existe entre ces deux concepts… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 18-20. Où nous expliquons à Adrien Abauzit qu’il n’est pas niable que son corpus de travail soit partiel et partial et, sur un exemple précis (parmi cent), que le peu de sérieux de sa recherche et sa méconnaissance du corpus lui font avancer hardiment des accusations pour le moins non fondées… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit mais un petit ajout en forme de nouvelles justifications, liste des auteurs qu’il dit avoir lus et dans lesquels il n’a « pas trouvé […] de faits nouveaux venant bouleverser les débats du procès de Rennes ». Adrien Abauzit a donc dû lire trop vite ou oublier des pages…

P. 20-21. Où nous expliquons à Adrien Abauzit pourquoi les sources qu’il considère comme « solides » ne le sont pas et combien il aurait gagné à lire quelques auteurs qu’il ignore… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 21-23. Où nous expliquons à Adrien Abauzit qu’on ne peut espérer faire un travail sérieux sur un sujet qui appartient à l’histoire en faisant l’économie du travail sur les archives… Enfin de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit à propos de la promesse faite à Picquart de se montrer bon soldat et de bien se tenir au procès Zola (ces « éléments » se trouvent p. 25-26). Adrien Abauzit nous considère comme fort gênés par la « nullité des explications de Picquart au procès Zola » et qualifie de « lapin sortant d’un chapeau » notre explication sur l’attitude de Picquart à ce moment et les raisons que nous proposons en hypothèse à cette déposition qui n’est pas nulle mais qui ne dit rien de ce qu’elle pouvait dire. Cet « élément de réponse » prouve juste qu’Adrien Abauzit est indiscutablement passé à côté d’un certain nombre de lectures qui, sur la base d’un travail sur les archives, étaient cette hypothèse. Il prouve aussi une manière qui consiste à rejeter par principe, et sans savoir de quoi il s’agit, tout information quand elle ne colle pas avec la thèse qu’il a a défendre.

P. 23-25. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que le travail « de juriste » qu’il revendique avoir fait sur un sujet d’histoire ne peut se faire qu’au prix d’une vraie connaissance de son dossier et, une nouvelle fois, qu’on ne peut espérer faire un travail sérieux sur un sujet qui appartient à l’histoire en faisant l’économie du travail sur les archives… Ajout d’Adrien Abauzit qui règle ses comptes avec Monique Delcroix qui défend la même thèse que lui mais a peu de considération pour son travail et nous adresse – après avoir ignoré toutes nos démonstrations dont la liste déjà longue ne fait que commencer – le reproche de n’avoir pas répondu à deux questions. Allons-y alors, comme disait l’autre. Adrien Abauzit demande tout d’abord : « sur quelle base Marcel Thomas a-t-il osé écrire que Souffrain avait un alibi dans L’Affaire sans Dreyfus» ? Et il demande ensuite : « Et quels éléments par la suite lui ont fait admettre sa présence sur les lieux du crime ? » Nous ne pouvons pas répondre à la première question parce que nous ne sommes pas Marcel Thomas mais nous pourrions toutefois proposer qu’il le déduisait sans doute du fait, comme nous l’avons expliqué dans notre réponse à Adrien Abauzit, que Souffrain ne fut jamais inquiété et que la plainte qu’avait déposée Picquart contre lui fut classée sans suite. Quant à la seconde question, la réponse en est sans doute que Marcel Thomas n’avait pas pris connaissance en 1961 du rapport qui se trouve dans le BB19 123 et qui le dit (et qui d’ailleurs ne prouve rien quant à la culpabilité du Souffrain en question). Mais Adrien Abauzit aurait dû comprendre quelque chose de remarquable ici, c’est que Marcel Thomas, historien digne de ce nom, n’hésitait pas à revenir sur ce qu’il avait pu écrire et que son souci de vérité – celui qui est commandé par le fait qu’il soit historien – l’obligeait à le faire.

P. 27. Où nous expliquons une nouvelle fois à Adrien Abauzit qu’il ne peut se targuer d’avoir travaillé sur les procédures et les procès quand il en ignore la moitié et qu’on ne peut espérer faire un travail sérieux sur un sujet qui appartient à l’histoire en faisant l’économie du travail sur les archives… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 27-28. Où nous expliquons à Adrien Abauzit pourquoi son travail manque cruellement de rigueur et où nous le lui montrons à travers quelques exemples significatifs… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 28. Où nous expliquons à deux reprises à Adrien Abauzit qu’il ne peut sérieusement soutenir que les correspondances, mémoires, souvenirs qu’il n’a pas lus ne pouvaient lui être d’aucun intérêt parce qu’ils n’étaient pas des pièces « contradictoirement débattu[e]s lors des différentes procédures »… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit et c’est dommage parce que comme on le verra bientôt (p. 40-51) ce n’est pas toujours dans les procédures qu’il trouve ses « preuves »…

P. 29-30. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous ne lui avons pas fait le reproche d’adhérer à la théorie du complot… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 30-33. Où nous expliquons à Adrien Abauzit toute la différence qui peut exister entre les dreyfusards de 1898 et les historiens de 2020… Un micro-élément de réponse qui ne change pas grand-chose au fond. Adrien Abauzit, en effet, sur le principe du « ce n’est pas moi c’est l’autre », ajoute un paragraphe pour signaler qu’Alain Pagès, dans son récent L’Affaire Dreyfus, vérités et légendes, emploie le mot de « complot » au sujet de l’armée. Mis à part le fait que la phrase citée, ainsi sortie de son contexte donne à comprendre autre chose que ce qu’elle dit (Alain Pagès ne parle que de la protection offerte à Esterhazy et rien de plus), nous rappelons à Adrien Abauzit ce que nous lui avons répondu : « Jaurès est Jaurès et Reinach est Reinach. Ce qu’ils ont put écrire ne regarde qu’eux et ne nous engage pas. Nous sommes historiens ». Et nous le disons aussi en ce qui concerne Alain Pagès et ajoutons que quand bien même il aurait par extraordinaire soutenu ce que lui fait dire Adrien Abauzit, il n’engagerait, se faisant, que lui-même. Alain Pagès écrit ce qu’il veut et les historiens, qu’Adrien Abauzit s’entête à qualifier de « dreyfusards », ne sont pas les soldats d’une petite armée et n’écrivent pas d’une même plume.

P. 33-35. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que nous ne lui avons aucunement reproché de refuser de considérer que l’armée était antisémite… pas de réels « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit si ce n’est une petite modification remarquable. Nous avions corrigé une première fois (dans la critique de son premier ; voir ici) ce qu’avait écrit Adrien Abauzit au sujet du nombre d’officiers juifs dans l’armée. Il avait corrigé dans cette réplique pour se tromper une nouvelle fois : il ne s’agissait pas de 600 officiers, comme il l’écrivait, mais de 300. Lui ayant signalé dans notre réponse, Adrien Abauzit corrige à nouveau dans cette dernière version mais ne veut pas de notre chiffre, indiscutable. 300, ce n’est vraiment pas assez ! Il corrige donc son « 600 » en « plusieurs centaines » ! Et on ne peut lui en faire le reproche : 3, c’est « plusieurs », c’est indiscutable…

P. 35-36. Où nous expliquons à Adrien Abauzit, en synthèse, pourquoi son travail laisse pour le moins à désirer… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit si ce n’est qu’il va chercher à la rescousse Bertrand Joly qui constate à juste titre que dans la phénoménale bibliographie de l’affaire Dreyfus nombreux sont les ouvrages (et nous le disons souvent dans nos comptes rendus sur ce blog) sans intérêt et qui ne font que répéter inlassablement, compilations nouvelles de compilations anciennes, les mêmes choses, souvent approximatives quand elles ne sont pas fausses. Cette petite remarque amène deux réponse : 1. ce n’est pas parce qu’il y a du déchet qu’on peut se passer de lire et que, c’est l’évidence même, l’avoir lu pour savoir qu’un travail est défectueux. 2. « le doux ronron tranquille et conformiste » de ces ouvrages ne s’explique pas par la peur des « chercheurs de l’académisme républicain » de développer un propos hétérodoxe qui ruinerait leur carrière, comme nous l’expliquions dans notre réponse. C’est juste que nombreux sont ceux qui travaillent mal, ne vont jamais aux sources primaires ou si peu, se contentent de compiler, etc. Nous renvoyons une nouvelle fois aux critiques présentes sur ce même blog qui, s’il en était besoin, montrent combien est un fantasme cette idée un tantinet complotiste et paranoïde de l’entente entre les « chercheurs de l’académisme républicain » et de leur soumission craintive à un imaginaire diktat officiel.

P. 36. Où nous expliquons à Adrien Abauzit ce qu’est l’affaire du SHAT de 1994 qu’il évoque sans trop savoir de quoi il parle… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit et c’est dommage parce que ça lui aurait au moins permis de corriger la faute commise sur le nom de l’ancien chef du SHAT.

P. 37. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », de considérer qu’il pourrait être envisageable de ne pas écarter par principe la possibilité que les hommes de l’État-major pussent ne pas être honnête et de bonne foi… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 38. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que l’équation : une pièce disparaît à tel endroit et Dreyfus est à tel endroit n’est pas suffisant pour constituer un indice de culpabilité… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 38-39. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que Dreyfus aurait pu peut-être ne pas être assez bête pour attirer l’attention sur lui en dérobant la pièce sur laquelle il travaillait… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 39. Où nous proposons à Adrien Abauzit de ne pas se sentir obligé d’avoir recours à des considérations désobligeantes pour éluder la discussion… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 39-40. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que le lien qu’il y voit avec l’attribution de l’artillerie lourde à la 9e armée, coule d’une source dont l’eau n’est peut-être pas aussi claire que cela… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 40. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « minute Bayle », d’envisager que partir du postulat que toute pièce révélée, découverte ou retrouvée par Targe, est un faux ne peut constituer, sauf pour lui, un argument… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 40-51. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos des pièces 26 et 267 du dossier secret, de tenter de considérer que les choses ne sont pas aussi simples qu’il le croit… De « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit qui méritent commentaires. Reprenons le dossier en reprenant tout d’abord les considérations d’Adrien Abauzit à notre propos. Il a trouvé une micro-faille et il s’y engouffre avec une joie dont nous ne voudrions en aucun cas le priver. Nous avons commis des imprécisions dans notre compte rendu, c’est vrai, et nous l’avons dit. Nous avons parlé « d’enregistrement des pièces » quand nous aurions dû parler de « transmission au ministre », pire même de « récupération par la Bastian » quand nous aurions dû parler « d’écriture par Panizzardi ». Parce que nous avons fait cela, dont nous reconnaissons la faute, la très grande faute, Adrien Abauzit nous accuse de « tronquer la vérité », de « dénaturer la problématique », constate « nos erreurs factuelles » et « nos erreurs de raisonnement ». S’il y trouve son plaisiri nous le lui concédons bien volontiers. Ensuite, reprenant la citation d’Henry que nous lui opposions et selon laquelle « les récoltes de la voie ordinaire livraient des pièces datant de “deux à trois jours” », il constate notre incapacité « d’en citer une seule ». Nous ne savions pas qu’il fallait que nous le fassions et à vrai dire nous ne pensions avoir à prouver une affirmation d’Henry. Naïvement nous pensions que le témoignage d’Henry – indiscutable, pourtant, le « premier sang français » ! – pouvait suffire. Et nous le pensions d’autant plus que nous y ajoutions les témoignages de Brücker et de la Bastian (qui n’ont pas retenu l’attention d’Adrien Abauzit ; trois témoignages tout de même !) qui parlent, pour le premier – nous étions encore imprécis ou tout au moins pas assez précis – , de livraisons au ministère le jour même, le lendemain et jamais plus de trois jours après la récolte et, pour la seconde, de « trois à quatre » livraisons par semaine, soit, donc, en moyenne, une livraison tous les deux jours. Un dernier témoignage d’ailleurs (« contradictoirement débattu ») de la principale intéressée, qui contredit pour le moins les mensonges de Gonse qu’Adrien Abauzit prend pour argent comptant dans son premier livre (p. 42-43). Maintenant qu’Adrien Abauzit se rassure. S’il nous fallait vraiment – pour une raison que nous ne expliquons pas – prouver les affirmations d’Henry, nous en serions bien en peine dans la mesure où les bordereaux de transmission ont disparu… Ensuite – autant il réagit d’ordinaire peu à nos réfutations, autant là il se montre prolixe –, Adrien Abauzit vient discuter notre hypothèse – en petites citations choisies qui sont isolées de l’ensemble et des développements qui les fondent – sur les déchirures qui pourraient indiquer la mise au rebut simultanée. Il discute et il le peut… c’est le propre de l’hypothèse d’ouvrir à la discussion. Les « sillons » sont différents, oui, très légèrement, mais en tenant compte que les surlignages visant à faire ressortir lesdites déchirures et ainsi à permettre de les voir sont faites à main levée, au crayon sous Photoshop, et donc assez imprécises – Adrien Abauzit, nous vous ouvrons ici votre porte de sortie. On conviendra toutefois, nous pensons, que « sillons » différents ou pas, la proximité incroyable des déchirures de deux documents tend à valider l’hypothèse de la simultanéité de la mise au rebut. Mais ce n’est sans doute qu’une impression…

Encore, Adrien Abauzit avance en argument les dimensions différentes des deux documents (tels que nous le voyons sur l’image juste donnée) et argue de la « logique » selon laquelle « sur une brève unité de temps, les courriers de service à service soient écrits sur le même format ». C’est possible, si ce n’est que la correspondance Panizzardi/Schwartzkoppen n’est pas une correspondance de « service à service » mais celle de deux amis, complices en espionnage, et que ces correspondances n’avaient vraiment rien d’officiel (et la petite note d’Adrien Abauzit, pour aider le lecteur malcomprenant, à propos des courriers officiels qui s’écrivent aujourd’hui sur des courrier A4 est d’une naïveté vraiment désarmante). Et il suffit de voir les lettres de Panizzardi à Schwartzkoppen, nombreuses dans le dossier secret, pour voir combien sont différents les papiers et les formats utilisés. Enfin, pour en finir avec ses considérations à notre propos, Adrien Abauzit nous reproche une « variation de dernière minute », à savoir notre proposition, qui ouvrait juste une possibilité, que Lauth eût pu, exceptionnellement, remplacer Henry si Henry ne pouvait rencontrer la Bastian. Écrire que « la SIHAD […] nous apprend que ce ne serait pas Henry, mais peut-être le commandant Lauth qui aurait vu madame Bastian… » n’est pas très honnête et il suffit de voir ce que nous avions écrit et qu’il reproduit en note pour comprendre que nous n’apprenions rien mais que nous envisagions une possibilité (« rien ne nous dit que Lauth n’ait pas pu exceptionnellement remplacer Henry pour aller soulager la Bastian de sa récolte… mais à vrai dire la question importe peu »).
Mais bref. Tout ça est sans intérêt puisqu’Adrien Abauzit a la « preuve décisive », l’argument « imparable » qui doit mettre fin à la discussion. Donnons-le ici : Henry – et pas Lauth – n’aurait pu récupérer les documents de la Bastian entre le 28 mars 1895, date d’écriture des pièces retenue par la Cour de cassation, et le 31 mars, veille de la transmission des pièces au ministre, parce qu’Henry était alors en permission. Et là, il n’y a plus rien à dire. De cette affirmation, décisive, imparable, il n’y a aucune autre trace que ce qu’en dit Cuignet (qui la fonde sur les registres de paiements de la SS aujourd’hui perdus) et Adrien Abauzit l’a tirée de son prédécesseur Amyot (qui ne donne pas sa source). Nous avions laissé, lors de notre réponse précédente, cet imparable argument de côté… dont on notera d’ailleurs et au passage qu’il n’est pas de ces pièces « contradictoirement débattu[e]s lors des différentes procédures » et qui du coup, si on devait suivre Adrien Abauzit dans cette curieuse argumentation, ne représentent pas le moindre intérêt : « comme si on pouvait y trouver des arguments nouveaux de première importance, non contradictoirement débattus lors des différentes procédures » (p. 28) !
Comme Adrien Abauzit fréquente peu les sources primaires, il nous a semblé de notre devoir de lui en dire un peu plus sur cette « preuve » et de lui donner les références que ne donne par son prédécesseur… Le témoignage existe bien et, nous le connaissons que trop, a été publié par Cuignet dans L’Éclair du 23 juin 1906 (« Le faux André et le rapport Moras »). Cuignet est particulièrement intéressé dans l’affaire puisqu’il est un des tenants de l’accusation, il n’est pas un témoin des plus fiables mais il a témoigné. Soit… mais une question nous taraude. Dans une première série en mars, dans le même journal, Cuignet avait déjà parlé de ces pièces et avait déjà discuté la question des dates qui sont, aux yeux d’Adrien Abauzit, la clé de toute explication. Il avait alors insisté sur le temps très court entre le 28 mars et le 1er avril pour que les documents passassent de l’ambassade italienne au cabinet du ministre et avait mis en avant un argument qui, s’il n’est pas imparable celui-là, est frappant : « Pour que ces débris parvinssent ensuite [le 29 mars] à Henry, il fallait », entre autres, « qu’Henry et la voie ordinaire se rejoignissent ». C’est d’une logique implacable mais ce n’est pas là qu’est l’intérêt de la chose. Il poursuit :

Supposons que toutes ces conditions aient été remplies dans la journée du 29 mars… C’était bien juste, mais enfin, admettons-le… Le 29 mars 1895 au soir, Henry est donc en possession de la pièce du télémètre.
Combien de temps a-t-il pour reconstituer la pièce ? Pour retrouver les fragments disséminés au milieu de cent ou cent cinquante autres fragments appartenant à des pièces différentes ?… Il a exactement à sa disposition une nuit et un jour, ou plutôt un jour, car il ne travaillait pas la nuit.
[…] Henry n’aurait eu à sa disposition que la journée du 30 pour reconstituer la pièce, retrouver ses fragments mélangés avec une multitude d’autres fragments. (« Le Faux André », L’Éclair, 8 mars 1906).

Henry est en possession le 29… Il ne dispose que d’un jour… Il n’aurait eu que la journée du 30… Mais alors Henry n’était pas en permission ? Comment expliquer que Cuignet, en juin 1906, pût affirmer qu’Henry était en permission dans la Marne entre le 23 et le 31 mars 1895 et ne pouvait donc pas se voir avec la Bastian, et que, quelques mois plus tôt, il parlait de sa présence à la SS précisément pendant la permission en question, parlait de sa rencontre avec la Bastian, etc. ? Cuignet avait-il oublié cette preuve imparable tout autant que définitive, en mars, lorsqu’il s’évertuait, épluchant le calendrier, à démontrer que les pièces 26 et 267 n’étaient pas arrivés en 1895 mais bien en 1894 ? La chose lui était-elle revenue, tout à coup, en juin ? Certainement pas puisque, comme il le disait dans l’article du 23 juin, il avait fait part de cette preuve « imparable » et tout autant « définitive », deux ans plus tôt, le 16 mai 1904, lors de son audition devant la Cour de cassation. Un témoignage donné mais qui aurait été caviardé par les magistrats « dreyfusards » et qui de ce fait n’apparaît nulle part… C’est si pratique et bien sûr vrai, puisque Cuignet le dit… Si Adrien Abauzit devait nous répondre – dans deux ans et à condition bien sûr qu’il ne passe pas tout cela sous silence –, il est probable qu’il nous dirait que Cuignet voulait ici démontrer l’impossibilité de la chose, dans l’absolu… Resterait à comprendre pourquoi, alors qu’il possédait une preuve « imparable », mieux même « définitive », il n’en parla pas quand le moment était propice – le moment de la rédaction du travail du rapporteur de la Cour de cassation –, et remplit des colonnes à démontrer l’impossibilité calendaire ? Pourquoi se perdre en discussion et ne pas donner, quand on l’a en mains, l’argument capital ? On conviendra qu’il eût été plus simple, plus logique, plus efficace, de dire, en mars, que la raison pour laquelle la pièce était arrivée en 1894, c’est que si elle était arrivée l’année suivante, entre le 28 mars, date de sa rédaction, et le 1er avril, date de sa transmission au ministre, Henry, en permission dans la Marne, en famille, ne pouvait la récupérer ? Pourquoi attendre que les travaux de la Cour de cassation soient pour ainsi dire achevés pour livrer une « preuve » tout à coup sortie du chapeau et que personne ne pourra voir puisque les vilains – manque de chance – l’ont supprimée ?
Adrien Abauzit nous dira peut-être aussi que ces articles de mars n’ont pas été « contradictoirement débattus lors des différentes procédures »… Mais il ne le fera pas parce que nous lui dirons que ceux de juin ne le furent pas non plus et qu’on est en droit de s’interroger sur la matérialité d’une partie de déposition absente – contrairement à ce qu’affirme Cuignet – du texte autographié de sa déposition devant la Cour de cassation, de la sténographie qui en fut publiée et qui est conforme (la vérification peut se faire en allant aux archives). Une preuve si peu « imparable » et si peu « définitive » que même Dutrait-Crozon, qui normalement ramassait tout, a préféré la laisser de côté. Nous savons que pour les antidreyfusards, les magistrats de la Cour de cassation étaient des menteurs et des faussaires, ne faisant pas figurer à la sténographie ce qui gênait l’innocence de Dreyfus et, à en croire Cuignet, faisaient même tenir aux témoins des propos qu’ils n’avaient pas tenus[2]. Mais si telle est la vérité – difficilement recevable, tout de même – il faudra alors qu’Adrien Abauzit réfléchisse à la question de ses sources et parte du principe que par définition tout ce qu’il tire des quelques procédures qu’il a lues, et surtout quand cela concerne l’accusation qui sont les parties qu’il utilise préférablement, n’a aucune valeur puisque les magistrats de la Cour de cassation ont bricolé les textes. Il est pour le moins paradoxal de soutenir d’un côté que seules les procédures ont de la valeur et d’un autre côté que leur sténographie en est falsifiée.
La question des dates reste donc entière et n’est pas réglée par une preuve qui n’est donc plus définitive puisqu’elle est loin d’être imparable. Alors ? Reprenons donc, et au pas de course, le dossier. Une première chose est sûre : les deux pièces se suivent, se complètent et ont été écrite au même moment. Une seconde chose est sûre : ces deux pièces sont arrivées le 1er avril 1895 à la SS puisqu’elles ont été enregistrées et recopiées par Gribelin à cette date. Donc, soit elles sont de 1894 et elles ont été oubliées pendant un an ; soit elles sont de 1895 et elles sont passés de l’ambassade d’Italie au cabinet du ministre en un temps en effet record.
Option 1 : 1894 (et donc les pièces sont à leur place dans le dossier secret[3]). Oubliées à la SS ? C’est impossible. Gribelin (dans une procédure, document indiscutable) le certifie, une pièce n’aurait pu demeurer un an à la SS sans être traitée et communiquée au ministre. Oubliées chez Schwartzkoppen alors ? Cela semble douteux mais c’est ce que pense Adrien Abauzit qui du coup nous donne une explication dont la pertinence n’échappera à personne : « Qu’y a-t-il de si exceptionnel qu’un document soit conservé ou oublié, même déchiré, sur le coin d’un bureau, enfoui par exemple sous d’autres documents ? »… À ce compte là oui, tout est possible et tout est explicable. Ceux qui penchent pour la thèse d’Adrien Abauzit et de ses prédécesseurs devront se contenter de cette seule explication parce qu’il n’y en a vraiment aucune autre.
Option 2 : 1895 (et donc nouveau faux d’Henry). Et nous reprenons (avec quelques éclaircissements) ce que nous écrivions dans notre réponse : Schwartzkoppen a eu les deux lettres le 28 (elles étaient urgentes comme en témoigne le contenu et et le fait qu’elles aient été apportées par le domestique de Panizzardi) ; il les lit, les déchire et les jette ; le 29 au petit matin, la Bastian les récupère ; ce même 29 ou le lendemain 30 mars, elle remet son cornet à Henry (qui n’est pas parti en une permission que rien n’atteste), cornet dont on ne sait s’il était important ou pas mais qui contient quoi qu’il en soit les deux lettres du 28 mars ; Henry, chez lui (le 29) ou au ministère (le 30), fait le tri, recolle les pièces, et le 30 ou le 1er aux premières heures du matin (laissons-le se reposer le dimanche 31) les donne à enregistrer, à copier, pour qu’elles soient transmises au ministre dans la même journée… c’est « serré » mais ça ne nous semble pas complètement délirant…
Au choix…
Nous ne savons plus si nous en avions parlé, mais tout à coup une petite idée nous vient à l’esprit. Si ces lettres étaient de 1894, il est quand même curieux qu’on ne les voie apparaître dans le dossier contre Dreyfus que fin 1897 et pas au procès de 1894… quand même, une lettre sur l’organisation des chemins de fer datant de l’époque où Dreyfus était attaché au bureau qui avait la question en charge était une indication bien plus probante de sa nécessaire culpabilité que la « lettre Davignon » ou le « Mémento Schwartzkoppen »…

51-52. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que ce n’est pas parce que le livre d’Armand Israël considère que Dreyfus est innocent, que nous ne le considérons pas comme la catastrophe qu’il est… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit. Cela dit, pour revenir sur cette question, nous ne considérons en tout cas pas qu’Armand Israël soit de « mauvaise foi ». Nous disons juste que sa méconnaissance de l’histoire, de la discipline historique, de la méthode et du sujet qu’il traite font de son livre un bien mauvais livre susceptible de tromper les lecteurs peu informés.

52. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du « Memento Schwartzkoppen », la possibilité d’une autre lecture que, ne collant pas avec sa thèse, il écarte par principe… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

52-54. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la « Lettre Davignon », la possibilité d’une autre lecture que, ne collant pas avec sa thèse, il écarte par principe… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

54-56. Où nous donnons à Adrien Abauzit, à propos de Guénée, des informations qu’il ignore et qui permettent de fonder le peu de crédibilité dont nous parlions… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

56-61. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la dictée, de considérer que les évidences qui le frappent ne sont peut-être pas plus frappantes qu’évidentes… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit en dehors de trois petits paragraphes qui méritent encore un commentaire. Adrien Abauzit nous voit « indisposé[s] par l’aveu de maître Demange ». Il n’y a pas d’aveu de Demange mais ce que la rhétorique nomme une concession et notre indisposition ne nous paraît pouvoir n’être flagrante – et nous invitons à revenir à notre réponse (ici) – qu’à Adrien Abauzit qui a ses petits côtés Léonie et voit de la gêne où il n’y en a pas et des modifications d’écritures pour le moins difficiles à percevoir. Redonnons la reproduction de la dictée :

Et essayons d’y voir ce que voit Adrien Abauzit qui écrit, pour mémoire, dans son premier :

[…] on s’aperçoit aisément que les quatre premières lignes sont parfaitement droites, quoique très légèrement obliques. À partir de la cinquième ligne, qui arrive juste après le mot « manœuvres », les choses se gâtent. L’écriture, j’entends par là la disposition des mots, devient de plus en plus brouillonne, irrégulière. […] La modification de l’écriture de Dreyfus est encore plus manifeste à la ligne suivante « urgence par le porteur de la présente ». Chaque mot est écrit en dessous du mot qui le suit, accentuant encore le caractère oblique de la ligne.
La septième ligne est un petit peu plus droite.
Au final, à l’aspect harmonieux et droit des quatre premières lignes, qui s’achèvent par le mot du bordereau « manœuvres », succèdent trois autres lignes beaucoup plus brouillonnes. En divisant la première phrase [?] de la dictée en deux blocs, l’un comprenant les quatre premières lignes, l’autre comprenant les trois dernières, le contraste est très net.
Sauf à plaider une extraordinaire coïncidence, il n’est pas contestable qu’à partir du mot « manœuvres », Dreyfus tente de modifier son écriture. (p. 77-78).

Et pourquoi ? Parce que, dit Adrien Abauzit dans sa réplique :

Le texte dicté par du Paty, d’abord neutre, reprend progressivement des passages du bordereau. Lorsque Dreyfus s’en rend compte, il modifie son écriture, ce qui est le signe qu’il connaissait bien le bordereau.

Nous avouons – avec le manuscrit sous les yeux (qu’Adrien Aubauzit ne donne bien évidemment pas) –, que la chose ne nous saute pas aux yeux. Et puis nous nous demandons bien pourquoi, puisque Dreyfus avait compris le piège qui lui avait été tendu, comme dit Adrien Abauzit toujours dans son premier (p. 78), il aurait changé la « disposition des mots » et pas sa manière de former les lettres ? Quel intérêt aurait-il eu de décaler les mots ? Pour travestir son écriture ? Mais il ne la travestit pas, il a juste du mal à tenir la ligne… Pour revenir aux visions d’Adrien Abauzit, nous avons du mal à y voir « que les mots des lignes 5 et 6 ne sont pas en face les uns des autres » (comme il l’écrit dans son dernier, p. 59) et moins encore que « Chaque mot est écrit en dessous du mot qui le suit » (ainsi qu’il nous le disait dans son premier, extrait que nous avons cité un peu plus haut). D’où l’intérêt de la photoshoperie que nous avions faite dans notre réponse :

On n’y voir guère de mots écrits « en dessous » les uns des autres mais plutôt au-dessus et d’une manière à vrai dire à peu près uniforme sur tout le document :

Comme nous l’écrivions dans notre réponse :

on peut voir que les mots « …part aux manœuvres », à la 4e ligne, sont en effet un peu plus hauts que le reste de la ligne ; que, à la 5e ligne, les mots « faire adresser » le sont aussi ; comme le sont « porteur de la présente » à la 6e ligne ; « personne sûre » à la 7e ; « rappelle qu’il s’agit de » à la 8e ; « note sur la frein hydraulique » à la 9e ; « de 120 et sur la manière dont » à la 10e ; « s’est comporté aux manœuvres » à la 11e ; « sur les troupes de couverture » à la 12e ; et, enfin, « note sur Madagascar » à la 13e .
On a du mal à y remarquer ce qu’Adrien Abauzit y voit, à savoir : que son écriture se modifie à partir du mot « manœuvres », qu’à la 6e ligne « chaque mot est écrit en dessous du mot qui le suit », rompant l’aspect « harmonieux et droit des quatre premières lignes » et ouvrant trois lignes « beaucoup plus brouillonnes », qui rendent « [non] contestable qu’à partir du mot “manœuvres”, Dreyfus tente de modifier son écriture » (p. 78). Cela ne nous paraît pas d’une grande évidence et d’autant plus qu’« intérêt, Monsieur » de la 1ère, « en possession » de la 2e, « fait passer » de la 3e et même le « octobre 1894 » de la date subissent le même sort que leurs petites camarades. La conclusion que nous en tirons est que : les mots plus hauts étant présents à chaque ligne et plus nombreux d’une ligne à l’autre, Dreyfus avait, particularité bien commune, une écriture ascendante et que ce caractère ascendant avait une tendance régulière à se marquer au fil de la rédaction. Dreyfus n’écrivait pas droit ! D’où l’intérêt aussi des diagonales que nous avions proposées initialement et qui permettent de le constater :

Mais nous voyons nécessairement mal, puisque, nous dit Adrien Abauzit, Dreyfus lui-même a reconnu la « flagrante » « modification de son écriture ». Et Adrien Abauzit nous le prouve :

Le Président. – Lorsqu’on jette un coup d’œil sur cette lettre dont voici une photographie, on constate facilement que l’écriture depuis les mots : « 1° une note sur le frein hydraulique » jusqu’à la fin est beaucoup plus grande et plus large qu’au commencement.
Le capitaine Dreyfus. – L’écriture est plus large, mon colonel.
Le Président. – Elle change, elle est plus large, moins bien formée ; cela peut s’expliquer par une émotion…
Le capitaine Dreyfus. – D’abord, je vous ferai remarquer que l’élargissement des lettres commence à « je me rappelle » ; or, « je me rappelle » n’a rien qui se rapporte au bordereau.

Mais Adrien Abauzit, nous le disions déjà dans notre réponse – et il suffi de lire cet extrait –, Dreyfus n’a aucunement reconnu ici avoir « modifié son écriture », ce qui entend une action volontaire, moins encore d’avoir « tent[é] de modifier son écriture », ce qui aggrave la question de l’acte volontaire ! Il a reconnu qu’à tel endroit – qui d’ailleurs n’est ni celui que voit Jouaust ni celui que voit Adrien Abauzit, qui a chaussé les lunettes de Dutrait-Crozon –, aucunement que la disposition de ses mots était différente mais que son écriture était « plus large », juste « plus large », et qu’il expliquait (explication dont Adien Abauzit ne veut pas) cet élargissement par l’effet du froid qui lui avait raidi les doigts.
La modification de la « disposition des mots », Dreyfus ne la vit pas dans ce document, pas plus que ne le vit Jouaust. Et si Dreyfus ne la vit pas, c’est parce qu’il écrivait toujours ainsi, de manière ascendante et tenant mal la « droite », donnant souvent un sinuosité à ses lignes. Nous avons quelques centaines de lettres à disposition d’Adrien Abauzit, nous n’en donnerons qu’une (authentique et signée), de juillet 1905 :

Ou alors, il vraiment dû se passer quelque chose quand il se mit à parler de la météo dans le deuxième paragraphe et le début du troisième pour ainsi « changer son écriture », nous voulons dire la « disposition des mots »…

P. 61. Où nous proposons à Adrien Abauzit une explication des raisons pour lesquelles Dreyfus, en détention, multipliait les brouillons des lettres qu’il écrivait… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 61-62. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos des témoignages de subordonnés, une explication qu’on ne peut écarter et qui nous oblige à leur accorder une valeur relative… Quelques « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit à propos de la lettre que nous publiions, lettre d’un condisciple de Dreyfus à Dreyfus, au jour de la réhabilitation. Pour comprendre – et parce qu’elle importante – nous la redonnons :

Quand, en 1894, le sous-chef d’état-major nous réunit pour nous dire que tu étais coupable et qu’on en avait les preuves certaines, nous en acceptâmes la certitude sans discussion puisqu’elle nous était donnée par un chef. Dès lors nous oubliâmes toutes tes qualités, les relations d’amitié que nous avions eues avec toi pour ne plus rechercher dans nos souvenirs que ce qui pouvait corroborer la certitude qu’on venait de nous inculquer. Tout y fut matière.

Sur cette lettre, Adrien Abauzit se surpasse, expliquant qu’elle est « anonyme » et il ajoute, triomphant : « une lettre anonyme authentique ». Et de conclure : « Que peut valoir une telle pièce en justice ? » C’est vraiment décourageant… Décourageant de ne rien comprendre de ce qu’est l’histoire et le travail de l’historien, décourageant d’user de tels arguments pour écarter telle pièce contraire à ce qu’il veut que les choses soient. Cette lettre n’est pas anonyme… Elle est, dit Dreyfus, « d’un de mes camarades à l’État-major de l’armée en 1894 et qui redevint, quand il fut éclairé, un de mes meilleurs amis et défenseurs ». Un camarade, dont il recopie un extrait de la lettre, qu’il connaît et dont il ne donne pas le nom parce qu’il écrit en 1905, qu’il compte alors publier et qu’il est discret… Et ce sont des souvenirs, qu’écrit Dreyfus pas un mémoire en défense ! Et c’est amusant de voir Adrien Abauzit « rejeter » cette lettre et foncer tête baisser dans le témoignage de Cuignet que nous évoquions précédemment, témoignage dont nous avons montré le caractère plus que suspect et d’autant plus suspect que Cuignet affirme l’avoir porté devant la Cour et qui n’existe ni dans la sténographie autographiée, ni dans la sténographie imprimée… « Que peut valoir [un tel témoignage] en justice ? » devrait dire Adrien Abauzit.

P. 62-63. Où nous essayons de faire comprendre à Adrien Abauzit, à propos du passage du bordereau relatif au manuel de tir, et de la réponse qu’il fait à nos objections, qu’il est difficile d’être convaincant en jouant le jeu qui est le sien… De « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit qui se contente de triompher parce que nous reconnaissons avoir commis une imprécision. C’est amusant, cette manière de faire : bomber le torse quand l’adversaire reconnaît – ce qui est plutôt digne de sa part – son erreur (et là en l’occurrence juste une imprécision) et taire tout au long de sa réponse les réfutations indiscutables qui lui sont opposées. Indiscutables et donc indiscutées.
Dans sa réplique, Adrien Abauzit avait fait preuve d’une curieuse manière de servir la vérité en faisant semblant de ne pas comprendre et nous nous en étions désolé. En réponse, il renchérit. Nous avions publié la couverture du manuel de tir de 1895 pour montrer que la publication était annuelle et indiquer ainsi la faiblesse, à ce propos encore, de l’argumentaire d’Adrien Abauzit. Puisque Dreyfus savait quelle était la périodicité du manuel et qu’il était censé l’avoir eu en juillet par Jeannel, pourquoi aurait-il demandé à deux autres camarades, en août et en septembre, quand sortirait le prochain ? Il avait dû voir sur la couverture – comme celle que nous reproduisions, et c’est pour cela que nous la reproduisions – le millésime qui indiquait une périodicité annuelle. Adrien Abauzit avait fait semblant de ne pas comprendre – ou peut-être ne comprend-il pas – et avait écrit : « Il n’est pas soutenable d’affirmer qu’en 1894 Dreyfus aurait pu apprendre la date de parution du prochain manuel, en s’appuyant sur la photo d’un manuel datant de 1895… » Et à son habitude Adrien Abauzit reprend tout cela sans tenir compte de ce que nous lui disions et vient nous donner une première petite leçon de français – la prochaine, magnifique arrive – en nous indiquant que « 1895 », que nous donnions en rectification à « été 1895 » qui était une erreur, n’est pas une date de parution mais une année de parution, que cela, écrit-il dans une curieuse langue, « n’apporte aucune précision digne de ce nom relative à la problématique de l’espèce » et donc que l’argument « s’effondre […] de lui-même ». Notre formulation était imprécise (triomphe, ô Adrien !) mais demeure valable pour la démonstration qui est de demander pourquoi Dreyfus aurait pu chercher à savoir auprès de deux camarades si le nouveau manuel allait bientôt paraître quand il savait que sa périodicité était annuelle et ne pourrait donc en toute logique avoir lieu avant l’année prochaine.

P. 63-64. Où nous regrettons, à propos du témoignage de Sibille, la manière qui est celle d’Adrien Abauzit de ne retenir que ce qui peut être utile à sa thèse… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

65-67. Où nous corrigeons le petit cours de grammaire fautif fait par Adrien Abauzit et lui proposons, à propos de la phrase du bordereau relative au manuel de tir, un argument qui mérite devoir être discuté… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit et on le regrette parce que nous étions vraiment impatients de lire ce qu’il avait à dire, après notre rectification qui est un petit cours de français à l’usage des collégiens. Adrien Abauzit préfère ignorer comme il préfère ignorer l’argument au sujet de l’envoi ou du non envoi du manuel de tir à Schwartzkoppen. Dans notre réponse, nous reprenions un argument raisonnable de notre critique :

Comme nous le disions dans notre compte rendu, argument non sophistique et non psychologisant qu’Adrien Abauzit écarte dans sa réponse quand (ou parce que) il est le plus frappant : l’auteur du bordereau envoie à son correspondant : 1° une note, 2° une note, 3° une note, 4° une note, 5° le manuel de tir. S’il avait envoyé une note sur le manuel et non le manuel, comme le soutient Adrien Abauzit, sans doute aurait-il continué avec un 5° qui aurait été, comme les autres : « une note sur le manuel… » ? La chose est évidente car en effet qu’est-ce qu’un bordereau ? Un bordereau est un document récapitulatif, une liste énumérative de pièces. Donc si on écrit, ainsi que commence le bordereau, qu’on adresse par un courrier « quelques renseignements intéressants » qui sont : 1° une note, 2° une note, 3° une note, 4° une note, 5° le manuel de tir, c’est qu’on a envoyé 4 notes et un manuel de tir… et non pas 5 notes… Et y voir 5 notes quand on dit avoir envoyé un manuel est un pur et simple bricolage.

P. 67-69 et 69-71. Où nous proposons à Adrien Abauzit, une explication, elle aussi raisonnable, au sujet de la nature du bordereau… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 71. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos de la phrase du bordereau relative au manuel de tir, une autre lecture possible que celle de l’accusation… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 71-72. Où nous proposons à Adrien Abauzit de relativiser le témoignage de Roget… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit. Revenons un peu sur la question de cette phrase du bordereau relative au manuel de tir parce qu’elle passionnante (même si au final elle ne dit rien du tout de la culpabilité de Dreyfus) et qu’en effet les deux lectures – manuel proposé ou envoyé – sont possibles – celle de l’accusation, que reprend Adrien Abauzit, et celle que nous proposons. Redonnons-le texte :

5° Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894). Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer et je ne puis l’avoir à ma disposition que très-peu de jours. Le ministère de la guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. Si donc vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après, je le prendrai. À moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie.

Première lecture (accusation) :

Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894). Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer [i.e. je ne l’ai pas] et je ne puis l’avoir à ma disposition que très-peu de jours [i.e. et si je le récupère je ne pourrai l’avoir que peu peu temps]. Le ministère de la guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. Si donc vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après [i.e. si vous êtes prêt à faire la copie de ce qui vous y intéresse et me le rendre], je le prendrai [i.e. je le le procurerai et vous le transmettrai]. À moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie.

Seconde lecture :

Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894) [i.e. le voici]. Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer [i.e. j’ai eu du mal à l’avoir] et je ne puis l’avoir à ma disposition que très-peu de jours [i.e. et je ne l’ai que pour quelques jours]. Le ministère de la guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. Si donc si vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après [i.e. si vous voulez y copier ce que vous intéresse et me le mettre de côté une fois que vous aurez terminé], je le prendrai [i.e. je viendrai le récupérer]. À moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie [sauf si vous préférez que je vous envoie une copie que je ferai réaliser et sous-entendu ici, il faut me le rendre].

Les deux versions sont possibles étant donné la langue plus qu’approximative dans laquelle est écrit ce morceau. Mais ce qui importe, et que nous évertuons à expliquer à Adrien Abauzit, c’est que ce texte ne vaut que par son contexte et que c’est ce contexte qui permet d’en comprendre le sens. Reprenons le bordereau, et ce que nous disions précédemment :

……………………… je vous adresse cependant, Monsieur, quelques renseignements intéressants :
1° Une note sur……………………….
2° Une note sur……………………….
3° Une note sur……………………….
4° Une note relative à……………..
5° Le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894). ………………………..

Si l’auteur du bordereau avait envoyé une note sur le manuel et non le manuel, comme le soutient Adrien Abauzit, sans doute aurait-il continué avec un 5° qui aurait été, comme les autres : « une note sur le manuel… » ?

……………………… je vous adresse cependant, Monsieur, quelques renseignements intéressants :
1° Une note sur……………………….
2° Une note sur……………………….
3° Une note sur……………………….
4° Une note relative à……………..
5° Une note sur le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894).

Si on écrit, ainsi que commence le bordereau, qu’on adresse par un courrier « quelques renseignements intéressants » qui sont : 1° une note, 2° une note, 3° une note, 4° une note, 5° le manuel de tir, c’est qu’on a envoyé 4 notes et un manuel de tir… et pas 5 notes… Il est dommage qu’Adrien Abauzit ne veuille pas poser son regard sur cette réalité plutôt que de s’époumoner dans des improvisations sémantico-grammaticales approximatives.

P. 72-73. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du « questionnaire du 27 septembre », de se méfier de ce que disent les témoins de l’accusation et de retourner aux sources… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 74. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, de croiser les dépositions et de ne pas juste se contenter d’y relever ce qui sert sa thèse… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 74-75. Où nous proposons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, de pousser un peu plus loin sa réflexion et de réfléchir au fait que la question de l’écriture compte peu relativement au fait de savoir qu’il provient de la poubelle de schwartzkoppen… Cette fois – on commençait à s’ennuyer –, de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit (p. 78-79). Ramassant nos objections, observations et réfutations en une idée – sans doute parce que notre phrase est en capitales et en rouge –, il écrit : « SI LE DOCUMENT VIENT DE LA VOIE ORDINAIRE, COMMENT POURRAIT-IL ETRE OBLITÉRÉ ? » Pour Adrien Abauzit, la réponse est simple, elle est un postulat : le petit bleu ne peut venir de la poubelle de Schwartzkoppen puisqu’il « a été introduit par Picquart » dans les cornets de la Bastian ! C’est pour lui le début de la discussion… même si dans ce cas, il faut bien admettre qu’il n’y a pas de discussion à avoir puisque cela revient à dire que Picquart est un menteur et un agent du Syndicat…. avoir pour argument qu’il est un faux parce qu’il est un faux ne nous permettra pas d’avancer. Essayons alors de savoir si le petit bleu est un faux de Picquart et tentons de réfléchir sur la base du postulat d’Adrien d’Abauzit et de ce que qu’il considère comme une démonstration. Admettons donc que Picquart ait introduit le petit bleu qu’il aurait fabriqué dans le cornet de la Bastian. Il cherche ainsi à faire croire qu’il vient de la voie ordinaire, et donc de la poubelle de Schwartzkoppen, pour lui donner la crédibilité nécessaire… Mais, manque de chance, ses subordonnés ne le suivent pas. Il a alors une idée lumineuse. Puisqu’on ne croit pas que le document vient de la poubelle de Schwartzkoppen, il va faire croire, pour donner au document les caractères d’authenticité qui lui manquent, et ainsi convaincre ses chefs, qu’il a été posté à Esterhazy. Re-manque de chance, pour lui donner l’aspect crédible d’un document venant de la poubelle, quand il l’a introduit dans le cornet de la Bastian, il l’a déchiré – c’est ballot – en menus morceaux. Le petit bleu qu’il a maintenant en mains et qu’il veut faire passer comme ayant été posté, a été reconstitué mais est recouvert de bandes de papiers collants qui recouvrent les nombreuses déchirures. Flûte alors ! Un document qu’il va être difficile de faire passer pour une lettre postée. Pour qu’il puisse en avoir l’air (d’avoir été posté), il a une simple et bonne idée (la deuxième en très peu de temps) : faire des photos pour faire disparaître les bandes et les déchirures et y faire apposer un timbre. De plus, ayant eu la curieuse idée, en faisant son faux, ne de le signer d’un « C. » qui ne désigne personne et de ne pas avoir pensé à imiter l’écriture de Schwartzkoppen dont il a des monceaux de spécimens à la SS, il va demander à ses subordonnés de certifier que ce document est bien de l’écriture de Schwartzkoppen. Il faut convenir que s’il n’avait pas été très malin, en faisant son faux, en ne pensant pas à la question de l’écriture ou à celle de la signature habituelle (le « nom de guerre ») de Schwartzkoppen, là, il se montre vraiment rusé. Et ce qui est vraiment rusé, c’est de faire cette demande à ses subordonnés, ceux-là mêmes qui n’ont pas été dupes de sa manœuvre ! Il a l’intention de tromper ses chefs parce qu’il a compris que les subordonnés auxquels il a montré le document dont il espérait tant n’y croient pas mais c’est à eux que ce Clausewitz de la rue Saint-Dominique demande de l’aider et ainsi de devenir complice de la falsification… Parce que, bien évidemment, ce Sun Tzu de la Section de statistique est persuadé qu’ils obéiront et qu’ils ne diront rien aux grands chefs de la manœuvre tout à fait extraordinaire qu’il est en train de mettre en place dans le but de faire réhabiliter un traître (Dreyfus) et de faire condamner un innocent (Esterhazy). Il se dit que tout se passera suivant ce plan dont l’audace ne peut échapper à personne et que ses subordonnés arriveront sans doute à donner l’aspect d’un document saisi à la poste au petit bleu qui est dans cet état :

Sans doute doit-il être sûr, avec les moyens qui se sont de la retouche d’image en 1896, qu’ils parviendront à le faire paraître comme neuf et même à reconstituer les morceaux manquants.
Quant à l’argumentation de « juriste » selon laquelle le petit bleu étant un « brouillon », non posté, non écrit et non signé par son destinateur, « n’est qu’un morceau de papier, dépourvu de toute valeur probante », Adrien Abauzit devrait justement s’apercevoir que c’est justement en cela que réside la meilleure indication de sa véracité, l’indication que Picquart n’a pu le fabriquer. Comment Picquart aurait-il pu être assez crétin pour fabriquer contre Esterhazy la pire des preuves ?
Mais revenons au scénario abauzitien, parce que ce n’est pas fini. Ses subordonnés l’aideront à falsifier le petit bleu, ils ne diront rien à leurs chefs, les chefs seront convaincus par une photographie et les juges aussi. On lui demandera l’original ? Non, il l’aura détruit et justifiera le fait de montrer une unique photographie par « des raisons de sécurité ». Les juges se diront sans doute qu’entre un document et sa photographie, il n’y a pas grande différence au regard des questions touchant à la sécurité nationale et que si on voit une photographie on peut bien voir l’original qui en est à l’origine. Mais ils ne se le diront pas puisque c’est « pour des raisons de sécurité ». Picquart sait aussi, puisque tel est l’usage, que le chef de la Section ne statistique ne peut être présent au procès et que c’est Henry, son second, qui le représentera (comme il avait paru à la place de Sandherr en 1894 au procès de Dreyfus). Mais Picquart a confiance : Henry sera convaincu par le faux auquel il aura participé, faux justifié par le fait qu’il n’avait pas cru à son arrivée par la voie ordinaire. Bien sûr… Et surtout, tous, grands chefs et juges, seront convaincus que « bien qu’“arrivé” par la voie ordinaire, […] le Petit Bleu est une lettre authentique de Schwartzkoppen envoyée par la poste à Esterhazy » (premier livre d’Adrien Abauzit, p. 170). Ils trouveront peut-être curieux que puisse provenir de la poubelle de Schwartzkoppen une lettre envoyée à Esterhazy mais ils se diront sans doute qu’elle a été postée, qu’Esterhazy l’a reçue, et puis qu’elle est revenue toute seule à l’ambassade d’Allemagne où elle a été trouvée… Tout se tient…

P. 75-76. Où nous montrons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, que le postulat qui est le sien relativement au scepticisme de ses collègues ne correspond pas aux faits… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 76. Où nous montrons à Adrien Abauzit que les « tentatives » de « crédibilisation » du petit bleu par Picquart ne résistent guère à la simple logique… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 77-78. Où nous montrons à Adrien Abauzit, à propos du petit bleu, qu’Henry et consorts n’étaient peut-être pas aussi subtils qu’il le croit… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 79-80. Où nous expliquons à Adrien Abauzit que, contrairement à ce qu’il affirme, Esterhazy était en mesure de livrer les documents énumérés au bordereau… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 80. Où nous demandons à Adrien Abauzit de répondre à une question à laquelle il fait semblant de répondre… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 81. Où nous expliquons à Adrien Abauzit la fragilité de sa thèse sur la complicité Esterhazy-Picquart au service du « Syndicat »… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 81-82. Où nous indiquons à Adrien Abauzit quelques sources et quelques réalités historiques qu’il ignore et qui ruinent absolument sa construction des aveux d’Esterhazy comme déclencheurs de la révision… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 82-83. Où nous expliquons à Adrien Abauzit combien il se fourvoie sur la question du pseudo-empoisonnement de Krantz… pas de « nouveaux éléments de réponse » d’Adrien Abauzit.

P. 83-85. Où nous expliquons à Adrien Abauzit la place qui est celle de Léonie dans la révélation de l’illégalité de 1894. Adrien Abauzit répond et nous commentons. Adrien Abauzit reprend son jeu qui consiste à faire semblant de ne pas comprendre. S’il avait donné, dans ce nouvel ouvrage, nos commentaires – vieux maintenant de deux ans et demi – plutôt que d’en extraire quelques passages en citations choisies et en écartant tous les arguments qui montrent de quelle manière sa conception de l’histoire ressemble à la manière dont Procuste envisageait le brigandage, il n’aurait pu ainsi simplement passer du temps faire de petits sauts de côté pour ne pas répondre. Mais nous ne lui reprochons pas ; Adrien Abauzit est avocat et n’est pas historien. Il n’est pas là pour dire la vérité mais pour sauver son client et pour cela l’effet de manche vaut souvent plus que l’argument. Prenons donc cette histoire Léonie. Dans notre réponse, nous tentions – parce que nous sommes opiniâtres – d’expliquer une simple chose à Adrien Abauzit : Léonie a eu une vision puisque Mathieu le raconte, comme il raconte tout dans son livre – la fausse évasion, etc. –, et que vraiment, si cela n’avait pas eu lieu, il n’aurait pas eu grand intérêt à la raconter. Nous ne disions pas autre chose et écrivons clairement que cette histoire de vision est « ahurissant[e] ». De quel droit, et sur quelle base, aurions-nous pu dire que Mathieu mentait ? Nous ne croyons définitivement pas aux visions mais nous n’avons aucune raison de douter de ce que dit Mathieu. Maintenant, écrire ça ne veut pas dire que nous y attachions une quelconque importance et c’est ce qui explique d’ailleurs que Bertrand Joly (qui soit dit en passant écrit une histoire politique de l’affaire, pas une histoire de l’affaire) et Vincent Duclert aient laissé de côté cet épisode dont l’intérêt est pour le moins relatif. Ce que nous disions à Adrien Abauzit, c’est que ce ne sont pas les séances de spiritisme qui permirent à Mathieu Dreyfus d’avoir cette certitude de l’illégalité mais les confidences de quelques-uns que sont Develle, Reitlinger, etc. Adrien Abauzit cite Mathieu qui dit bien qu’il n’insista pas quand Léonie lui fit part de sa vision et qu’il comprit quelques jours plus tard quand Gibert lui fit part de sa conversation avec Félix Faure. Ayant le sentiment de nous asséner le coup de grâce, Adrien Abauzit modestement triomphe : « Mes contradicteurs, je l’admets volontiers en tant que non-historien, sont bien mieux informés que moi en matière de « suggestion mentale», de « transmission de pensée», ou de possibilité de « voir à distance », dès lors, je crois reconnaître ne pas avoir les armes pour leur répondre sur ce terrain. » Un véritable coup de grâce… Nous nous étions refusés jusqu’alors de faire même une allusion, trouvant l’argument trop facile, à ce qui va suivre… Mais celui qui écrit la phrase qu’on vient de lire est le même que celui qui, dans son premier (p. 347), affirme hautement qu’il « ne crain[t] pas d’écrire que de sa main, [en 1917] la Vierge a repoussé l’envahisseur » et – la démonstration de la réalité du fait n’est pas évidente – qu’il « faut bien croire que les Français de l’époque, ayant vécu ces événements, ont bien assisté à cette intervention de la Vierge, puisque le 9 juin 1924, la commune de Barcy a élevé un petit monument, sur lequel repose une statue de Marie. »
Mais revenons à Léonie… Adrien Abauzit en conclut donc : « Au bout du compte, retenons qu’“après un siècle de recherches, après des milliers d’articles, des centaines de livres, de dizaines de colloques”, personne ne sait comment Mathieu Dreyfus a été mis au courant de la violation du principe du contradictoire au procès de 1894, et par ce fait, de l’existence, du dossier secret. » Mais si, Adrien Abauzit, on le sait, nous vous l’avons expliqué et vous le reprenez p. 83 et le développez en citant Bertrand Joly p. 84. Pensez-vous que vos lecteurs auront oublié d’une page à l’autre ? Et en passant, il est dommage d’ailleurs qu’une nouvelle fois vous ne commentiez pas la réfutation que nous faisions de votre : « de son vivant, le docteur Gibert n’a jamais déclaré avoir reçu de confidences de Félix Faure ». Dommage que vous n’évoquiez pas le document inédit que nous vous avons soumis, signé de Gibert, de son écriture et sur son papier a en-tête, qui sont justement ces confidences écrites faites à Mathieu… Un document qui, sans doute, serait, lui, recevable en justice….

Il est temps de conclure. Notre faillite a été prononcée par Adrien Abauzit qui nous répond en ne donnant que de petits bouts de ce que nous disons, en tirant les phrases de leur contexte, et en laissant de côté tous les moments, si nombreux en 142 000 signes, où nous lui expliquions tout ce qu’il ignore de l’affaire Dreyfus et aussi de la langue française sur laquelle pourtant, chantre – et héraut – de la « refrancisation », il devrait concentrer ses efforts. Nous avons conscience que cette discussion est vaine et qu’on ne pourra jamais parvenir à réfléchir avec quelqu’un qui plaide plus qu’il ne discute en essayant de donner le sentiment au lecteur peu informé qu’il fait de l’histoire. Mais peu importe, nous nous y obstinons parce que la SIHAD est, aux termes de l’article 2 de ses statuts, et elle s’y obstine, une « association à vocation scientifique, [qui] se veut animée par un esprit de vigilance à l’égard de la vérité historique. »

Petit PS.
Nous ne nous occuperons pas de son petit texte sur le Polanski qui est à l’image du reste. On ne peut reprocher au film (dont la critique que nous avons publiée est sans appel ; voir ici) de ne pas montrer tel un ou tel autre quand son angle est de voir l’Affaire à travers Picquart et l’État-major. Mais nous voudrions juste lui donner une dernière précision que nous avions décidé, à la lecture de son premier, de laisser de côté et dont nous parlerons finalement puisqu’il y revient. Adrien Abauzit nous explique qu’Henry n’était pas antisémite – il l’a « démontré ailleurs », écrit-il avec un sens de l’hyperbole qui laisse pantois – parce qu’il avait des « relations » « excellentes », voire de « camaraderie », avec Bertulus, un juif. Passons sur le fait qu’on puisse être antisémite en ayant un ami juif, et invitons Adrien Abauzit à s’interroger sur cette judéité de Bertulus, fils de Joseph Evariste Laurent Bertulus et de Julie de Talleyrand-Périgord, elle-même fille d’Edmond Alexandre de Talleyrand-Périgord et de Dorothéa von Biron de Courlande de Dino, elle-même fille de Pierre von Biron de Courlande et d’Anne Dorothée von Medem, elle-même fille de Georg Johann Friedrich von Medem et de Louis Charlotte Zoege von Manteufel, etc…

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[1] La Révision du procès de Rennes (15 juin 1906-12 juillet 1906). Réquisitoire écrit de M. le procureur général Baudouin, Paris, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, 1907, p. 792.

[2] Dans son article de L’Éclair du 6 mars 1906, il expliquait que Gribelin et Gonse lui avaient affirmé que jamais, au grand jamais, ils n’avaient reconnu, lors de leur audition, que la mention de date sur la pièce 267 fût de la main d’Henry. C’est pourtant, non pour Gonse mais pour Gribelin, ce qu’on peut lire dans la sténographie (La Révision du procès de Rennes. Enquête de la chambre criminelle de la Cour de cassation (5 mars 1904-19 novembre 1904), Paris, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, 1908, t. I. p. 201).

[3] Même si au final elles ne prouvent pas grand-chose relativement à la culpabilité de Dreyfus.

Réponse de Vincent Duclert à Polanski (11/07/2014)

Vincent Duclert vient de publier sur lemonde.fr une mise au point nécessaire après les déclarations de Polanski que nous citions dans notre précédent post (voir ici).

Alfred Dreyfus, le premier des ‘‘lanceurs d’alerte’’
Le Monde.fr | 11.07.2014 à 15h48 • Mis à jour le 11.07.2014 à 15h50 | Par Vincent Duclert (Historien)
La lecture de l’entretien accordé au Monde par Roman Polanski et le scénariste Robert Harris (Le Monde du 5 juillet 2014, supplément ‘‘Culture et idées’’) rend perplexe sur leur projet de film consacré à l’affaire Dreyfus. Entendons-nous bien d’emblée : l’historien ne prétend à aucun contrôle de véracité historique sur les créations qui prennent l’histoire comme prétexte ou référence. De grandes œuvres cinématographiques ont même permis d’entrer dans une nouvelle compréhension des événements historiques, souvent en s’éloignant du récit historien conventionnel.

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