L’historiographie française s’est penchée et se penchera encore sur l’Affaire Dreyfus[1]. L’arrestation d’Alfred Dreyfus en 1894 pour trahison au service de l’Allemagne, sa condamnation abusive provoquée par les manigances de l’État-major et la presse antisémite, la campagne acharnée de sa famille pour le réhabiliter, la découverte du véritable coupable, l’intervention d’Émile Zola dont le prestige de romancier donna à l’Affaire une résonance mondiale et déchaîna les passions des deux camps, la flambée d’antisémitisme et de nationalisme qui suivis à la publication de « J’Accuse… ! », la mobilisation des intellectuels pour la révision du procès, la fin en queue de poisson de ce second procès qui vit Dreyfus sortir du tribunal de Rennes coupable aux yeux des juges mais libre de continuer son combat jusqu’à sa réhabilitation. Entre les tentatives de coup d’État des antidreyfusards, les conflits idéologiques afin de justifier la défense ou la dénonciation de Dreyfus, la flambée d’anticléricalisme qui reprit de plus belle à la faveur du conflit provoqué par l’Affaire jusqu’à mener à la séparation de l’Église et de l’État en 1905, l’Affaire est vite devenue un pilier de l’histoire politique du XIXe siècle, un mythe fondateur de la république, et un lieu d’étude privilégié de la pensée intellectuelle française.
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Picquart objecteur… Ses dernières semaines à la Section de statistique
Pauline Peretz et Pierre Gervais ont publié sur le site La Vie des idées (lire ici) une recension du film de Polanski qui appelle quelques commentaires que nous donnons ici :
Assassins ! de Jean-Paul Delfino
Un roman qui imagine comment, pour la cause, le fumiste Buronfosse, main armée du nationalisme et de l’antisémitisme, assassina Zola. On y croise toute la fine fleur de l’antidreyfusisme en un roman qui prend quelques belles libertés avec l’histoire et aurait pu être amusant et plutôt agréable à lire si l’auteur ne s’était pas senti obligé de peindre – rigoureusement insupportable et d’une stupidité qui donne une idée assez précise de ce que peut être l’infini – ce portrait de Dreyfus , variation en surenchère de la scène, déjà tout à fait idiote, que nous avait laissée Armand Lanoux dans son Zola ou la conscience humaine.
Histoire politique de l’affaire Dreyfus
Une conférence de Bertrand Joly, en ligne depuis quelques jours, sur le thème de son dernier livre, fondamental et novateur, qu’il faut absolument avoir lu (compte rendu ici).
Série sur l’Affaire dans La marche de l’histoire sur France Inter
Épisode 1 : Les vrais coupables
Épisode 2 : La séance est ouverte
Épisode 3 : Qui sont les dreyfusards ?
Épisode 4 : Les antidreyfusards.
A propos du musée de l’affaire Dreyfus à Médan
Une interview, sur Judaïques FM, de Joël Rochard, président de la Société littéraire des Amis d’Émile Zola et trésorier du Musée.
La première biographie en français de Cluseret
Après la biographie en anglais de William J. Phalen (The Democratic Soldier: The Life of General Gustave P. Cluseret, VIJ Books, 2016), voici la première biographie en français de cet étonnant personnage que fut Cluseret, saint-cyrien, lieutenant en 1848 et chef d’un bataillon de la Garde mobile après Février, combattant en Crimée, en Algérie et démissionnaire, recruteur d’une légion pour Garibaldi aux États-Unis, colonel en Italie, général nordiste pendant la guerre de Sécession, journaliste à New-York, combattant en Irlande, à nouveau journaliste mais cette fois à Paris, prisonnier à Sainte-Pélagie, membre de la première Internationale, communard, à nouveau journaliste en Suisse tout en étant peintre dans le sillage de son ami Courbet, peintre toujours mais à Constantinople (pour échapper à une nouvelle condamnation), encore journaliste en France, député du Var, soutien de Boulanger, collaborateur à La Libre Parole et fondateur La Voix du peuple du Midi, feuille à la périodicité irrégulière rédigée par lui seul pour rendre compte de son activité parlementaire, et antidreyfusard forcené.
En marge de l’exposition Adler, un colloque
Le 1er décembre au MAHJ. Renseignements ici.
Dreyfus sur France Inter
Toute cette semaine, à partir de ce 11 novembre, à 14h30, Jean Lebrun parlera de l’affaire Dreyfus.
Compte rendu du J’Accuse de Polanski
« Il me faut des défis, sinon je me fais chier », déclarait Polanski en 2013 aux Inrockuptibles. Ce J’accuse est un de ces défis et sans doute un des plus grands. Et le réalisateur l’a, cinématographiquement parlant, parfaitement relevé en livrant une œuvre remarquablement interprétée (avec tout particulièrement un Grégory Gadebois impressionnant dans le rôle d’Henry), superbement réalisée, d’une réelle beauté formelle et que distingue une reconstitution du Paris de 1894-1899 époustouflante et quelques moments d’une incroyable tension dramatique. Ce J’accuse est au final une parfaite adaptation cinématographique d’An Officer and a Spy de Robert Harris, publié en français sous le titre de D. Comme lui, il repose sur un parti pris original, celui de ne pas voir l’Affaire sous son aspect politique – à l’exception toutefois de ces scènes de déferlement antisémite après la publication du « J’Accuse…! » qui pourraient donner l’impression que la France eut en 1898 sa « nuit de cristal » – mais de s’en tenir, à travers la vision quasi-subjective de Picquart, à la manière dont l’ancien chef de la Section de statistique découvrit le crime contre Dreyfus et comment, ainsi que le dit l’argument, « au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus ». Ainsi s’explique, et se justifie pleinement, la disparition de pratiquement tous les acteurs de l’Affaire et une quasi-unité de lieu focalisée sur les bureaux de l’État-major et les (principales) instructions et procès au cours desquels Picquart fut entendu.