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Le retour du Dossier secret

En 2012, à l’instigation des auteurs d’un ouvrage à la thèse pour le moins fantaisiste et acrobatique (Le Dossier secret de l’affaire Dreyfus ; la question homophobe aurait été décisive dans la condamnation de Dreyfus en 1894) avait été mis à disposition de tous, en ligne, le fameux Dossier secret constitué au fil du temps contre Dreyfus… Le Service Historique de la Défense, sur le site Mémoire des Hommes, vient, après l’avoir enlevé pour le restaurer, de le remettre en ligne…  Un énorme dossier, tout aussi épais qu’il était vide, et qui montre surtout, la quantité devant pallier la qualité, comment avait été montée et entretenue l’accusation contre un innocent. Au passage, on notera le curieux intitulé de cet important document sur le site en question :  « Dossier de justice militaire d’Alfred Dreyfus » ! Il s’agit d’un  « dossier secret », ce qui n’est pas du tout la même chose…

Adrien Abauzit et la révision de l’affaire Dreyfus

Adrien Abauzit vient de publier un 3e volume pour dire la culpabilité de Dreyfus. Comme toujours, aux termes de l’article 2 de nos statuts (« Cette association, à vocation scientifique, se veut animée par un esprit de vigilance à l’égard de la vérité historique ») nous y répondrons… Quelques jours de patience encore… Dans l’attente, voici une petite réfutation d’une de ses dernières vidéos : ici.

 

Adrien Abauzit à propos de le vidéo de Nota Bene sur l’affaire Dreyfus

26’13. Adrien Abauzit « ajoute que toute personne qui n’a pas lu ces milliers de pages et qui n’a pas examiné ces centaines de pièces n’est pas compétente pour parler de ce sujet ». Le problème si ce si Adrien Abauzit a lu – ou tout du moins le prétend – les procédures publiées par la Ligue des droits de l’homme à l’époque de l’Affaire, il n’a lu que ça. Il n’a pas vu la centaine de cartons du fonds de la Cour de cassation, la centaine de cartons de l’Outre-mer sur la déportation de Dreyfus, ceux des Archives nationales et de la Préfecture de police, les papiers de Joseph Reinach, de son frère Salomon, de la famille Dreyfus, de Scheurer-Kestner, de Havet, de Paris, de Poincaré, de Monod, de Zola, etc. etc. pas plus qu’il n’a lu les quelques centaines de volumes parus sur l’Affaire qui défendent un autre point de vue mais qu’il faut avoir lu pour pouvoir s’affirmer compétent sur le sujet. Et nous sommes d’accord : « l’avis des personnes qui n’ont pas fait ce travail-là, ne vaut rien. »

28’16 « tout cela a été prouvé par A+B dans L’Affaire Dreyfus entre farces et grosses ficelles. » Oh que non ! voir : https://affaire-dreyfus.com/discussions/dossier-consacre-laffaire-dreyfus-entre-farces-et-grosses-ficelles-dadrien-abauzit/

29’4 : le « colonel » Picquart. Ça commence mal : le COMMANDANT Picquart !

30’-31’6. C’est vrai que les hommes de l’état-major ont conclu que l’auteur du bordereau ne pouvait être qu’un stagiaire et qu’un artilleur. Mais sur ce dernier point ils se trompaient, et c’est cela qu’il faudrait dire : Trop d’approximations dans le vocabulaire, trop d’impropriétés auraient dû leur sauter aux yeux – et surtout à ceux de Matton qui était artilleur ; comme elles auraient dû interpeller le général Mercier, artilleur lui aussi. Un artilleur, en effet, maîtrise le vocabulaire de son arme. Il n’aurait donc jamais parlé de « corps » mais de « régiment », du « 120 » mais du « 120 court de campagne », de « conduite » de la pièce mais de « comportement », de « frein hydraulique » mais de « frein hydropneumatique », de « manuel de tir de l’artillerie de campagne » mais de « manuel de tir d’artillerie de campagne ». Enfin, un artilleur n’aurait pas dit que le projet de manuel de tir était « extrêmement difficile à se procurer » puisque ce projet de manuel avait été envoyé à plus de trois mille exemplaires aux régiments et qu’il était, par exemple, en 1894, en deux exemplaires à la libre disposition des officiers à l’État-major. Et pourquoi cette erreur ? Ne peut-on imaginer qu’il y eut plus que les écritures, qui se ressemblaient en effet ? De l’antipathie pour Dreyfus et aussi un très léger préjugé ? C’est le commandant Bertin-Mourot qui attira l’attention sur Dreyfus, qu’il détestait, qui en parla au lieutenant-colonel d’Aboville qui à son tour en parla au général Fabre. Bertin, d’Aboville et Fabre qui ont la particularité – coïncidence sans doute – d’être tous trois antisémites !

31’3. « La religion de Dreyfus n’est absolument pas en cause d’un point de vue judiciaire. » Judiciaire ? Mais Adrien Abauzit est avocat et il connaît l’affaire Dreyfus, non ? Comment peut-il parler de « judiciaire » puisque l’enquête judiciaire n’était pas ouverte et qu’elle le sera un 10aine de jours plus tard. Il s’agissait alors d’une enquête interne, non officielle, et les deux « experts » appelés alors à se prononcer sur l’écriture étaient deux militaires sans compétences particulières sur la question : les commandants Picquart (eh oui !) et Du Paty de Clam !

31’16. « Il n’a jamais été prouvé qu’il y eut un seul officier de l’armée française antisémite lors de l’affaire Dreyfus » ! Et Adrien Abauzit ajoute à la suite qu’il n’y en eu qu’un : Cordier, devenu un vilain Dreyfusard ! C’est presque trop facile…. Je pourrai là citer une 50aine de noms et donner les textes qui prouvent qu’Adrien Abauzit erre tout à fait. Je donnerai juste exemple, celui d’un général qui, le 29 juin 1907 au cours d’un événement monstre organisé par l’AF dénoncera les puissances juive et franc-maçonne et appellera de ses vœux la création d’une « patrie juive » qui permettrait de délivrer les « nations aryennes » de « l’ulcère juif ». Son nom ? Le général Mercier, ministre de la Guerre quand fut arrête Dreyfus ! Adrien Abauzit dira sans doute qu’en 1907, les choses n’étaient pas pareilles ou je ne sais quoi. Je vais donc revenir à 1894 et je pourrai citer et donner les preuves concernant Bertin, d’Aboville et Fabre, parler des généraux Lebelin de Dionne et Bonnefond, Delanne aussi qui avait dit ne pas vouloir de juifs à l’état-major, parler de Sandherr, de Gonse, de Pellieux, de Du Paty, et de tellement d’autres ! On pourrait compter le nombre d’officiers d’active ayant souscrits aux listes antisémites du monument Henry, de la médaille Mercier ou de la souscription Grégori. On pourrait même, et ce serait amusant, se souvenir de Picquart qui, en charge des stagiaires à l’arrivée de Dreyfus l’avait placé, parce que juif, « à une section qui n’avait pas à s’occuper de choses secrètes » et qui, lors d’un voyage de l’école de guerre, quelques mois plus tôt, l’avait tenu, avec un autre élève juif à l’écart des autres élèves : « J’avais mis exprès les deux Juifs ensemble » dira-t-il… C’est ce que dira un des tenants de l’accusation, Gribelin, à son propos : « Il affichait même des idées antisémites très avancées, à tel point que, lorsqu’un secrétaire ou quelqu’un d’autre orthographiait son nom Picard, il lui faisait des observations, en disant qu’il ne voulait pas être pris pour un juif. »

31’42. La citation de Cordier… Cette citation est une reprise par Cordier de ce qu’avait dit Roget lors de l’enquête de la Cour de cassation. Il le dit d’ailleurs : « M. le général Roget lui-même a bien voulu dire dans sa déposition devant la Chambre criminelle que j’étais même un antisémite d’un genre particulier, que j’avais été antisémite alors qu’il n’y en avait pas encore ». La citation suffira mais donnons quand même celle de Roget : « Le lieutenant-colonel Cordier que je connais beaucoup — c’est mon camarade d’école — a toujours été un antisémite enragé, dans un temps où il n’y avait pas d’antisémites. » Où il n’y avait pas d’antisémite… Cordier, ou plutôt Roget, ne dit pas, comme le comprend étonnamment Adrien Abauzit, qu’« il n’y avait pas d’antisémites à l’état-major » mais – il s’agit d’une figure de style ! ; il existe des antisémites depuis l’Antiquité – qu’il était antisémite depuis longtemps et même avant l’essor qu’avait connu l’antisémitisme à partir de 1886 et de la publication de La France juive.

32’25. La réponse embarrassée de Cordier. Il suffit de se reporter au procès de Rennes, tome 2, p. 551-552 pour voir que ça réponse n’était pas embarrassée mais plutôt combattive… Et pourquoi aurait-il été embarrassé puisqu’il avait en effet rejoint le camp dreyfusard et que ce choix il l’assumait en toute tranquillité.

33’02. Bertillon le meilleur dans son domaine. Pas en graphologie, en tout cas, puisque lui-même refusa toujours d’être considéré comme tel et avouait n’y rien connaître et avait bien raison de l’avouer puisque comme l’écriront trois mathématiciens d’importance, Appell, Darboux et Poincaré, consultés sur cette question (expertise de Bertillon et de ses suiveurs) : « Tous ces systèmes sont absolument dépourvus de toute valeur scientifique : 1° parce que l’application du calcul des probabilités à ces matières n’est pas légitime ; 2° parce que la reconstitution du bordereau est fausse ; 3° parce que les règles de calcul des probabilités n’ont pas été correctement appliquées ; en un mot, parce que leurs auteurs ont raisonné mal sur des documents faux. » Et pourtant elle est intéressante sa démonstration. C’est son fameux « Redan », un dessin complexe (on le voir sur internet en tapant « Redan Bertillon »), de forme triangulaire, qui débouchait, à partir d’un losange central qui représentait les « travaux des maculatures machinées à double face », sur deux ouvertures. À gauche, « par les combinaisons d’ouverture et de fermeture des lettres », il se prolongeait en une diagonale à cinq niveaux qui se terminait en courbe et détaillait les caractéristiques matérielles de la forgerie. À droite, « par l’écriture rapide et liée et par suite non déguisée », il débouchait sur un rectangle diagonal qui symbolisait « l’étouffement des a et l’emploi presque exclusif des d à volutes… ». Cette dernière diagonale aboutissait à la « Citadelle des rébus graphiques » qui elle-même débouchait sur l’« Arsenal de l’espion habituel ». Chacune des diagonales étant la représentation graphique d’un des « plan[s] de défense en cas d’attaque ».

33’23. La citation d’Alain Pagès, « historien dreyfusard [sic] ». Adrien Abauzit ne dit pas tout et ne comprend pas bien les textes qu’il cite. Oui Alain Pagès a écrit cela mais quelques pages plus bas, au terme de sa présentation, empreinte d’une constante ironie qu’Adrien Abauzit n’a pas saisie, Pagès parle des « élucubrations », des « inventions » de Bertillon, et, signalant que Mercier avait été un des rares à prendre au sérieux sa théorie, cite un passage où l’ancien ministre fait l’éloge de « l’expert » et conclut par : « On croirait entendre un personnage de L’île des Pingouins. La réalité l’emporte sur la parodie. » Adrien Abauzit devrait lire plus attentivement et lire jusqu’au bout.

34’50. Jeannel aurait reconnu la demande faite par Dreyfus de lui donner, quelques mois avant le bordereau, le manuel de tir. Jeannel a en effet dit cela à Rennes et Dreyfus a dit qu’il se trompait et qu’il confondait deux manuels d’artillerie, le français et l’allemand et qu’il lui avait en effet demandé le second pour un travail qu’il avait eu à faire à la demande de ses chefs et qu’il serait aisé de retrouver. Parole contre parole… Mais qu’importe. La question est de savoir s’il pouvait être utile à un capitaine comme Dreyfus, en termes de besoins et d’agenda… et en effet, Nota Bene a raison, ce manuel ne lui était d’aucune utilité puisqu’un manuel de tir n’est utile que dans les écoles à feu et il avait été décidé que les stagiaires ne s’y rendraient pas.

35’10. Jeannel menacé de mort à cause de son témoignage. Scoop ! Il faudrait qu’Adrien Abauzit livre la source de ce détail inconnu de tous les spécialistes sérieux !!!! Mais je doute qu’il la trouve parce qu’il semble bien qu’il s’agisse-là d’une pure invention…

35’48. Sur quatre experts, trois ont conclu à la culpabilité. En fait, mais peu importe, il y avait trois experts, Bertillon ne l’étant pas officiellement. Et ce qui est intéressant à savoir c’est que Pelletier, qui ne conclut pas à l’identité, avait refusé, à la différence des deux autres, de suivre le conseil qui lui avait été donné de rencontrer Bertillon. Comme Pelletier le dira à Rennes : « Je suis heureux de ne pas m’être rendu chez M. Bertillon, car cette démarche aurait pu me faire commettre une erreur »… Notons aussi, ce qu’oublie Adrien Abauzit, c’est qu’un premier expert avait été consulté, Gobert, qui lui aussi n’avait pas conclut dans le sens de l’accusation. Il avait donc été écarté, et ce qui est amusant c’est que l’étude de Pelletier, le mauvais élève, sera discréditée dans l’acte d’accusation contre Dreyfus ;

Quant à la contraction de la figure de Dreyfus… on a vu argument plus puissant….

36’30 Le dossier secret. Un peu technique d’entrer dans le détail ici. Nous renvoyons à https://affaire-dreyfus.com/discussions/dossier-consacre-laffaire-dreyfus-entre-farces-et-grosses-ficelles-dadrien-abauzit/

37’22. Le bagne. Enfin nous sommes d’accord !… enfin en partie. Dreyfus n’a pas été envoyé au bagne, réservé aux droits communs. La trahison, crime politique, devait l’envoyer en Nouvelle Calédonie où il aurait dû être libre de ses mouvements et aurait même pu vivre avec sa famille. On fit voter, début 1895, une loi juste pour lui, pour qu’il puisse être envoyé en Guyane, à l’île du Diable où ses conditions de vie furent en effet terribles.

38’10. Le Petit bleu. La encore, nous renvoyons au lien qui démontre en détails combien est fausse et faible la « démonstration » d’Adrien Abauzit dans ses deux petits livres. https://affaire-dreyfus.com/discussions/dossier-consacre-laffaire-dreyfus-entre-farces-et-grosses-ficelles-dadrien-abauzit/

Mais juste sur ce qu’il dit ici. Pas timbré ? Normal pour un brouillon, non ? puisque le destin d’un brouillon est de préparer la version qui elle sera postée… Et signé par un autre nom que celui de Schwartzkoppen et d’une autre main (un secrétaire par exemple) ? Logique, non ? pour une lettre envoyée à un espion par son employeur. La dissimulation ne s’impose-t-elle pas, d’où l’autre main et l’énigmatique signature « C ». D’ailleurs il suffit d’en lire le texte pour comprendre que le message est codé : « J’attends avant tout une explication plus détaillée [que] celle que vous m’avez donné [sic] l’autre jour sur la question en suspens. En conséquence je vous prie de me la donner par écrit pour pouvoir juger si je peux continuer mes relations avec la maison R. ou non. » Ce n’est pas tant l’écriture ou la signature qui importent que la provenance, à savoir la poubelle de l’ambassade. Et quant à la signature, d’autres papiers provenant de la même source portent ce même « C. »

Quant au coup de la lettre de Macron, coup déjà fait dans de précédentes vidéos, il est amusant mais peu convaincant. Le Petit bleu est un brouillon, et un brouillon est un brouillon, donc une version primitive non envoyée, et ne peut donc être comparé à une lettre postée ; le petit bleu est signé d’un « C » de convention et ne peut être comparé à une lettre signée d’un nom… Cette petite « expérience » n’aurait de valeur que si le Petit bleu avait été présenté comme une lettre envoyée et signée de Schwartzkoppen… C’est tout simplement ridicule… Et si cette petite « expérience » doit suffire à montrer que le Petit bleu est un faux, alors, s’ouvrent d’infinies perspectives dans le grand n’importe quoi…

41’45. Tous les avocats du monde et la preuve qui ne vaut rien. Certes mais ce n’est pas la question. Le Petit Bleu fut le début de l’enquête de Picquart, le document qui lui révéla l’identité d’Esterhazy et dont la valeur venait de sa provenance, la poubelle de l’ambassade allemande. Ce n’est pas le petit bleu qui aurait été produit en justice mais le reste de l’enquête. Cela dit, c’est amusant parce que sur quelle pièce fut condamné Dreyfus ? Un bordereau, non signé, non timbré, déchiré, trouvé dans un endroit qu’on ne pouvait révéler ? Rappelons l’acte d’accusation contre Dreyfus : « La base de l’accusation portée contre le capitaine Dreyfus est une lettre-missive écrite sur du papier pelure non signée et non datée, qui se trouve au dossier, établissant que des documents militaires confidentiels ont été livrés à un agent d’une puissance étrangère. […] La base de l’accusation portée contre le capitaine Dreyfus est une lettre-missive écrite sur du papier pelure non signée et non datée, qui se trouve au dossier, établissant que des documents militaires confidentiels ont été livrés à un agent d’une puissance étrangère. » Amusant non ?

42’55. La falsification du Petit bleu par Picquart. https://affaire-dreyfus.com/discussions/dossier-consacre-laffaire-dreyfus-entre-farces-et-grosses-ficelles-dadrien-abauzit/

43’35. « En février 1898, Esterhazy va être […] acquitté ». En janvier, Adrien Abauzit, pas en février. Pas de preuve ? Oh si mais surtout ses aveux : à plusieurs reprises (et non démentis) de fin 1898 à 1901, Esterhazy avouera avoir écrit le bordereau ! Les aveux ont un sens me semble-t-il devant la justice…

43’48. Esterhazy était officier de troupe et les documents du bordereau sont des documents d’état-major. Non et la meilleure preuve en est qu’on lit cette phrase dans le bordereau : « Le ministère de la guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables, chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. » Si le traître était à l’état-major, pourquoi parlait-il des corps sinon parce qu’il en faisait partie. Et quant aux documents secrets de l’état-major qu’Esterhazy n’aurait pu se procurer : du frein hydraulique du 120, canon et frein anciens adoptés depuis plusieurs années, l’Allemagne savait tout depuis 1889 grâce à deux traîtres précédemment condamnés : Boutonnet et Greiner. Tout et même bien plus que la simple question du frein : elle savait tout du 120 court et tout du 120 léger. Canon en service, il avait même été présenté aux attachés militaires étrangers en 1891, présentation dont avait rendu compte la presse allemande… De plus, de nombreuses publications avaient été faites à son sujet et une description complète était à la disposition de tous depuis le 7 avril 1894. Les deuxième et quatrième documents, relatifs aux troupes de couverture et à Madagascar, étaient si peu secrets que plusieurs journaux en avaient largement parlé : le Journal des sciences militaires avait consacré en mai 1894 un article au premier sujet et le Mémorial de l’artillerie de la marine, La France militaire et Le Yacht quelques séries au second, en juin, août et septembre 1894. Le troisième document, relatif aux formations de l’artillerie, était lui aussi si peu secret qu’il avait fait l’objet d’articles dans La France militaire et, mieux même, d’une publication annuelle émanant du ministère de la Guerre. Sujet d’actualité, il avait été aussi au centre de nombreux débats à la Chambre, débats publiés au Journal officiel. Quant au cinquième document, le manuel de tir, si « difficile à se procurer » selon l’auteur du bordereau, il était à la disposition des officiers dans tous les régiments et avait fait l’objet d’une édition autographiée par une société d’officiers de réserve, la Société de tir au canon. À Rennes, le sous-lieutenant Bruyerre racontera même se l’être procuré contre vingt centimes à la presse régimentaire. Il suffisait donc de savoir lire pour pouvoir faire les notes du bordereau. Car il s’agit de « notes » pas des documents eux-mêmes….

44’06. Picquart viré pour qu’il se taise. Nota bene se trompe en effet (ou en tout cas est trop imprécis ici) mais Adrien Abauzit plus encore. On a « viré » Picquart non pas parce l’état-major avait compris que Picquart était en collusion avec les dreyfusards mais parce qu’il fallait qu’il soit le plus loin possible et que cet éloignement était la garantie qu’il arrêterait de mener une enquête qu’il avait d’ailleurs arrêtée. Picquart, parfait militaire, avait accepté de se taire et si Adrien Abauzit avait travaillé sur les archives ou lu les livres qu’il aurait dû lire et n’a pas lu, il aurait pu y voir quelle bonne volonté il mettait à suivre les ordres qui lui avait été donnés de passer à autre chose. Mais pour les hommes de l’état-major, il représentait en effet un trop grand danger… Et s’ils commencèrent en effet à la soupçonner ce n’est que parce que le meilleur moyen de se débarrasser de son chien c’est de dire qu’il a la rage, proverbe connu.

44’22. Les fuites de L’Éclair. En effet les soupçons se portèrent sur Picquart parce qu’il fallait bien que ce dont il était question dans l’article vienne de quelque part. Mais cela dit, il faut ajouter que Picquart, tout à fait rentré dans le rang et encore en poste après la publication de cet article, fera tout pour diligenter une enquête que ses chefs refuseront d’ouvrir. Dans une note à son chef, Gonse, en date du 22 septembre Picquart écrivait que « la Section de statistique n’a aucune existence officielle, et pour prévenir à ce sujet des divulgations gênantes les officiers qui la composent sont tous rattachés à un bureau de l’État-Major de l’Armée ». En conséquence, c’est un « renseignement confidentiel » qu’avait publié L’Éclair, renseignement « de nature à porter préjudice au service de la Section » et qui nécessitait, estimait-il, « de donner un avertissement ». Il demandait donc que des poursuites soient exercées contre le journal. Qu’on perquisitionne à L’Éclair, qu’on saisisse le manuscrit et qu’on traduise l’auteur en justice. Boisdeffre et Gonse préférèrent ne pas donner suite et ce refus n’est pas sans poser de question. Car en effet quand on lit l’article avec attention, on voit bien que s’il pouvait être utile à un camp, c’était avant tout à celui de l’état-major et il est évident aujourd’hui aux historiens de bonne foi que c’est de ce côté-là qu’il vînt. Nous savons aujourd’hui parce qu’ils en ont témoigné qu’il fut retouché par l’antidreyfusard Montorgueil, porté par Lissajoux qui jamais ne voulut révéler sa source. La seule chose que nous savons est que ce Lissajoux avait un grand ami, le lieutenant-colonel Henry, subordonné de Picquart au service du renseignement. Mais nous n’en ferons donc ni un argument ni une preuve.

44’45. Le faux d’Henry pour évincer Picquart. Oh la la, voici une thèse bien nouvelle et bien originale. Il n’en dit pas plus mais on peut commenter rapidement. En quoi une lettre d’un attaché militaire à un autre attaché militaire citant Dreyfus avait trait à Picquart ? Pourquoi ne pas faire pour cela un faux incriminant Picquart ? Non ce faux a été fait pour faire tomber le ministre hésitant (Billot) du côté de l’accusation, ministre dangereux puisque Picquart l’avait informé de sa découverte relative à Esterhazy et qu’il aurait très bien pu le suivre…

45’28. Castro. Adrien Abauzit joue encore un peu avec la réalité des faits et donne des arguments qui ont déjà été vidés. Citons donc Castro au procès Zola : « Oui, Monsieur le Président. J’étais établi à cette époque banquier-commissionnaire près la Bourse de Paris et j’avais eu l’occasion de faire quelques affaires pour le commandant Esterházy. Le commandant Esterházy était en correspondance très suivie avec la maison et je connaissais très bien son écriture ; je la connaissais si bien que, lorsque, le matin, j’avais un courrier important à dépouiller, je reconnaissais l’écriture du commandant même avant d’avoir ouvert sa lettre. Vers la fin du Mois d’octobre de l’année dernière, j’étais sur le boulevard, lorsqu’un camelot passa près de moi vendant le fac-similé du fameux bordereau attribué à l’ex-capitaine Dreyfus. J’ai été saisi en voyant cette écriture ; il me sembla voir une lettre du commandant Esterházy. Je rentrai chez moi extrêmement troublé. Le lendemain matin, j’allai avec mon beau-frère chercher dans le dossier du commandant Esterházy quelques lettres, je fis même quelques comparaisons d’écritures et j’y trouvai en effet une parfaite similitude, je dirai même une identité frappante. »

46’55. Les aveux d’Esterhazy et la révision. Il est impossible de développer ici, cette petite démonstration qui ne dit pas tout et se trompe dans les dates. Nous renvoyons à une partie du dossier déjà cité (on trouvera le passage en faisant une recherche sur « Observer ») : https://affaire-dreyfus.com/discussions/dossier-consacre-laffaire-dreyfus-entre-farces-et-grosses-ficelles-dadrien-abauzit/replique-au-historiens-dreyfusards-dadrien-abauzit-auteur-de-laffaire-dreyfus-entre-farces-et-grosses-ficelles-et-reponse-a-sa-reponse/

50’08. Mercier falsificateur, en effet, moins que d’autres (Gonse, Henry, etc.) Mais un parfait menteur oui…

50’45. Les aveux. Non mais là encore la démonstration serait trop longue. On renverra au même dossier et à quelques ouvrages qui prouvent sans discussion possible que ces témoignages furent de circonstances et furent même l’occasion de quelques autres faux fameux. Mais attendons le tome 3…

Les lettres de Zola à Alexandrine

Nous les connaissons grâce à la superbe édition de Brigitte Émile-Zola et Alain Pagès…. Elles viennent de passer en vente et d’être acquises par la BNF. Voir : ici

Le dossier secret Dreyfus

En 2012, le Service Historique de la Défense qui le conserve (GR 4 J 118) avait eu l’heureuse initiative de le mettre en ligne. Comme il a disparu, nous donnons ici ce dossier qui est bien évidemment dans sa dernière version (version Cuignet).

Sommaire et inventaire :

Sommaire et inventaire

 

Partie 1 :

 

Partie 1 (1-59)

 

Partie 1 (60-116)

 

Partie 2 :

 

Partie 2 (117-230)

 

Partie 2 (231-364)

 

Partie 3 :

 

Partie 3