L’affaire Dreyfus à la télévision : à propos de L’Ombre d’un doute du lundi 4 mai 2015

ombre_1000x361def-12893-218596Lundi 4 mai 2015 à 20h50 sur France 3 : L’ombre d’un doute.

Nous avons craint le pire à l’annonce de cette émission et ce pour plusieurs raisons : un titre qui ouvre la porte à une lecture sensationnaliste voire conspirationniste de l’événement  et que renforce l’annonce de l’émission (« les dessous de l’affaire Dreyfus enfin dévoilés » ) ; un concept sans doute intéressant (« tous les grands chapitres de l’histoire, jusqu’aux plus connus et rebattus, présentent des zones d’ombre et des doutes », dit Ferrand sur son site) mais qui ne peut concerner l’Affaire ; un animateur talentueux mais dont la réflexion sur l’Affaire s’inscrit dans le sillage des errements d’Henri Guillemin (voir ici et ici) ; la présence en « fil rouge » annoncée par la presse de Pierre Stutin et la reprise en sous-titre à l’émission du livre auquel il a participé, laissant présager une mise en avant de la thèse « homophobe » (voir ici) ; et enfin un « argumentaire de vente » inexact qui présente le dossier secret filmé et présenté pour la première fois à la télévision quand il l’a été en réalité dès 1995 pour le documentaire de Paule Zajdermann alors diffusé sur Arte : Le Sabre brisé.
Nos craintes n’étaient pas justifiées. Cette émission offre une narration plutôt exacte même si elle souffre d’être simplifiée à l’extrême, laisse se déverser une cascade de raccourcis et d’approximations et pâtit d’un ton souvent très « émission de faits divers »… mais la télévision a nécessairement des raisons que l’histoire ignore. On aurait envie toutefois envie de regretter que Bernard Lazare et Jaurès, que Pellieux et Gonse, dont les responsabilités sont grandes, aient disparu et envie surtout de discuter quelques points : le Dreyfus de langue maternelle allemande ; la thèse de la révélation à la presse fin octobre 1894 pour « faire bouger » les attachés militaires, thèse, posée en certitude et qui ne l’est aucunement ; la dégradation « en grand » présentée comme une « mesure de rétorsion » quand elle le fut en fait comme le triomphe de Mercier ; le régime de la déportation pensé pour que Dreyfus n’y résistât pas ; Picquart disant tout à son procès ; le monument Henry lié au duel avec Picquart ; la bisexualité des attachés militaires qui n’est en rien avérée ; etc. Mais on se réjouira de voir non seulement la « thèse homophobe », puisqu’il en est question, remise à sa juste place, secondaire et anecdotique, mais encore un Franck Ferrand prudent, en conclusion, dans son traitement de la thèse « du troisième homme ». Toutefois, cette petite conclusion de Franck Ferrand, en plus de ce que nous avons déjà dit (voir ici), appelle un rapide commentaire. On ne peut dire qu’Esterhazy ne fut jamais condamné et que cette absence de condamnation interroge… Il ne fut pas condamné parce qu’il fut acquitté et qu’on ne peut, en France, être jugé une nouvelle fois pour un crime pour lequel on l’a été une première fois. C’est très précisément cela, la chose jugée…

 En ligne : ici

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