Jean-Numa Ducange a publié en avril dernier chez Armand Colin un Jules Guesde. L’anti-Jaurès ? On y apprendra, si on l’ignorait, que ce n’est pas un hypothétique et fantasmatique antisémitisme, comme nous le soutient Alexis Lacroix, qui le tint loin de l’Affaire mais des raisons avant tout politiques et sa volonté de « faire du socialisme, et rien que du socialisme ». Après une rapide réfutation du Guesde antisémite, Jean-Numa Ducange nous montre un Guesde dans un premier temps plus dreyfusard encore que Jaurès puis faisant le choix de l’abstention par intransigeance et volonté d’indépendance au nom d’un « séparatisme ouvrier » qui commandera aussi son refus en juin 1899 d’accepter l’entrée d’un socialiste dans un gouvernement bourgeois.
Un passionnant travail qui, après les travaux de Claude Willard et des ouvrages qui jusqu’alors tenaient plus de l’hagiographie, nous permet de mieux connaître cette grande figure du socialisme – « le socialisme fait homme » – dont on a voulu faire un sectaire et qui fut avant tout, le travail de Jean-Numa Ducange nous le montre bien, « un pur ».
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Alexis Lacroix, J’Accuse ! 1898-2018 et Le Socialisme des imbéciles
Alexis Lacroix vient de publier aux éditions de l’Observatoire, son « J’Accuse…! »… sans points de suspension. L‘ancien directeur adjoint de Marianne, aujourd’hui directeur de rédaction délégué de L’Express, passe sur les lignes de front et en appelle au sursaut et à la nécessité – urgente en effet – de combattre l’antisémitisme en France et pour cela à « réveiller l’esprit des dreyfusards ». Pour ce faire, il exalte, dans l’énergie qu’il met à dénoncer cette « gauche volontiers “insoumise”, et en vérité nihiliste, car imbue d’une politique et d’une géopolitique du “coup de force”, qui, dans l’affaire Dreyfus, était tombée du côté antidreyfusard de la barricade » (p. 88), les « derniers dreyfusards » que sont Bernard-Henri Lévy et Manuel Valls. Il invite pour cela ses lecteurs à se placer dans le sillage du dernier qui, explique-t-il, à l’époque où il était aux affaires, tint bon, « affirm[a] une position non négociable », « résista sur la ligne de front intellectuelle et politique au “néoantisémitisme” » et eut « le courage d’affirmer aussi que, si l’autre gauche, celle de Mendès-France et du radical Clemenceau, laisse s’opérer cette diabolique fusion [celle d’un anticapitalisme jamais éteint depuis Drumont et de la judéophobie structurale aux Frères musulmans], c’en sera fini de la France que nous aimons, cette France qui a su se diviser sur le sort d’un petit capitaine juif » (p. 114-115).
L’Affaire dans quelques récents numéros de revues universitaires IV
Un point de vue sur l’attitude des socialistes dans l’affaire Dreyfus : les souvenirs d’Alexandre Zévaès.
Alexandre Zévaès a beaucoup écrit sur l’Affaire. En plus du volume, L’Affaire Dreyfus, qu’il publia en 1931 aux Éditions de la Nouvelle revue critique, dans la collection « Le Sphinx », il a laissé quelques pages sur l’Affaire ou sur les événements qui y furent liés dans de nombreux autres ouvrages : Les Guesdistes (Librairie Marcel Rivière et Cie., 1911), Notes et souvenirs d’un militant (Marcel Rivière, 1913), Histoire de la Troisième République (Les Éditions Georges-Anquetil, 1926), Ombres et silhouettes. Notes et souvenirs d’un militant (Les Éditions Georges-Anquetil, 1928), Jules Guesde (Librairie Marcel Rivière, 1929), Jaurès (Hachette, 1938), Henri Rochefort, le pamphlétaire (Paris, Éditions France-Empire, 1946), Zola (Éditions de la Nouvelle revue critique, 1946), Le Cinquantenaire de J’accuse : 13 janvier 1898-13 janvier 1948 (Fasquelle, 1948) et Clemenceau (Julliard, 1949). Il a aussi donné, entre le 1er janvier et le 15 mars 1936, dans La Nouvelle Revue, une série : « L’Affaire Dreyfus : quelques souvenirs personnels », plus personnelle et détaillée et pour ainsi dire inconnue, qu’il nous a semblé intéressant de publier ici.
1934 : l’affaire Dreyfus comme modèle de réflexion pour les communistes face à la montée des périls
Le texte est connu mais mérite d’être lu ou relu pour comprendre de quelle manière un militant communiste et historien, Jean Bruhat, pouvait prendre en 1934 l’exemple de l’Affaire pour inciter le prolétariat à ne pas répéter les erreurs du passés en venant au secours de la République. Entre Guesde et Jaurès, le choix était fait : « nous ne marchons plus ».
Jean Bruhat, L’affaire Dreyfus et le socialisme français (article paru dans Les Cahiers du bochévisme, n° 9, 1er mai 1934.